Le porno serait mauvais pour le cerveau...

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Message par Alcibiade Sam 28 Juin 2014 - 23:31

Jipé a écrit:Une image violente est perçue comme un symbole, symbole en fonction de la situation. Des jeunes regardant des films violents sont parfois en recherche d'évasion mentale, un film violent est la fiction qui permet de ne pas/plus penser et/ou de compenser leur propre insécurité.

Le tout, c'est d'avoir le recul nécessaire pour envisager l'image comme un symbole, et effectivement l'éducation a son rôle, mais en même temps et même éduqué, un enfant reste un enfant qui ne peut avoir le détachement suffisant pour considérer qu'une image n'est pas la réalité. Certes, il est bien difficile de savoir à quel moment précis (et on ne peut fixer un âge légal à partir duquel l'exposition aux images violentes peut être dite comme réfléchie) un enfant ou un adolescent dispose d'un esprit critique propre, et cela n'est parfois même pas l'effet d'une éducation "concluante" (car bien des éducations solides échouent tandis que d'autres beaucoup plus hasardeuses réussissent). Combien de jeunes ayant mal vécus ont pourtant le jugement formé pour prétendre être déjà adulte, tandis que d'autres ayant pourtant bien vécus n'ont pas encore la maturité du jugement ?  

Mais plus radicalement, dirais-je, je ne suis même pas sûr que l'adolescent dont le jugement n'est pas encore éclairé recherche quoi que ce soit dans une fiction violente ou pornographique (une catharsis quelconque, une évasion vers un ailleurs plus dramatique pour compenser la détresse présente, une surenchère dans les pulsions qui le guettent, etc.). La fiction s'impose tout simplement à lui parce qu'il l'a accidentellement croisée, et il s'éduquera avec elle en croyant naturellement que le réel est ainsi : facilité dans l'accès à l'objet de plaisir, négation de l'autre en tant qu'être doué de dignité morale, virilité de l'agression, esthétisme de l'acte meurtrier (qui peut être un art dans les écrits de Quincey, et dans la filmographie d'Argento), etc.

Loin de moi l'idée de censurer quoi que ce soit (surtout dans le domaine de l'art, et à ce titre, bon nombre de chefs d'œuvre devraient pourtant l'être si on se fait l'avocat d'une morale absolue et bigote qui n'a d'autre objet que de taire les fantasmes les plus enracinés dans les profondeurs de la psyché - "Lolita" de Nabokov, "Les nourritures terrestres" de Gide, "Les 120 jours de Sodome" de Sade ou "Salo" de Pasolini, "Les damnés" de Visconti, "Un élève doué" de Singer, etc. : des œuvres qui, si on s'y attarde un peu, ne peuvent aujourd'hui qu'attirer le plus grand embarras qui soit), mais pour une conscience qui n'est pas encore mûre, il est logique d'écarter de telles sources d'inspiration. Bien entendu, on devrait penser que de telles œuvres ne sauraient affecter un esprit qui n'a pas encore les compétences pour en saisir le sens. Le problème, c'est que le sens symbolique s'infiltre toujours insidieusement dans un esprit, et ceci surtout si l'esprit n'est pas encore formé pour le reconnaître.

Cependant, il me semble que ces images artistiques n'ont aucun rapport avec les images violentes désormais consommées, et pour cela les images artistiques peuvent être considérées comme inoffensives, car soit l'esprit est déjà formé et peut donc les reconnaître comme subversives (et du coup s'en détacher volontairement), soit il n'est pas encore formé et alors s'en désintéresse et ne va donc pas au terme de la lecture ou de la vision (et du coup s'en détache mécaniquement par incompréhension).

Le danger des images contemporaines de pornographie et de violence, c'est qu'elles sont directement séduisantes, elles s'offrent à tous, et ont un impact immédiat, puisqu'elles n'ont pas besoin d'être comprises. Elles sont assénées brutalement, c'est-à-dire à l'état 'brut" sans la médiation d'une intention artistique ; elles sont livrées comme cela, sans signification. Or, pour un esprit innocent et même (et j'insiste "même") pour un esprit mature, cela pose un réel problème qui n'est pas facile à traiter.

La réalité elle-même étant gratuite et ne révélant aucun sens artistique (et on peut assister tous les jours à des disputes ou des agressions gratuites), si les images de la fiction (du net, des médias publicitaires, ou du cinéma purement commercial, etc.) se font l'écho de cette vacance de sens du réel, alors il ne peut y avoir que confusion entre le réel et la fiction. D'où le paradoxe : y a-t-il violence dans le réel parce qu'il y a violence dans la fiction, ou y a-t-il violence dans la fiction parce que le réel est réellement violent ?

Pour prendre un exemple cru : est-ce parce que j'adore fesser ma compagne et la menotter pour ensuite la prendre sauvagement en levrette que les images pornographiques reproduisent ce comportement spécifiquement et "ordinairement" humain, ou est-ce parce que j'ai vu à plusieurs reprises "femmes lubriques à dresser" que j'en viens à adopter ce comportement avec ma compagne ?
Mais, à l'inverse, face à une image artistique qui témoigne d'un sens et qui est bien reconnue comme sens et ceci avec ma partenaire, mon comportement "violent" (si je l'adopte) n'a en réalité rien de violent, puisqu'il participe d'un projet assumé à la suite de l'interprétation d'une image artistique. Exemple : je peux me conduire avec ma compagne "à la manière" d'un personnage de "Crash"de Ballard ou de Cronenberg c'est-à-dire en léchant les parties endolories ou tatoués du corps, en provoquant le traumatisme de telle partie secrète du corps , etc. Mais si j'en viens à ce point (et si cela est totalement conscient et assumé) alors c'est de l'expérimentation avec un projet humain, et non de la violence gratuite comme simple conséquence aveugle d'un réflexe conditionné.

La violence réelle se produit à la faveur d'une contagion d'images brutes qui ne possèdent aucune intention artistique, l'intention artistique étant ce voile permettant à une conscience de faire la différence entre la réalité et la fiction. Dès lors, face à des images brutes, comme celles auxquelles nous sommes aujourd'hui constamment exposés, l'esprit est dans un grand désarroi.

Des images circulent incessamment, elles ne font pas sens, elles semblent donc faire corps avec la réalité arbitraire. Et si la fiction est tout aussi arbitraire que la réalité, rien ne m'empêche d'accélérer ce mouvement de gratuité dans le réel en me montrant tout aussi violent que les images violentes que j'ai consommées dans l'ordre de la fiction.

Pour être clair, s'il n'y a plus d'art pour rationaliser la violence de tous les jours, alors la violence de tous les jours s'impose définitivement, et les images du net, des médias, du cinéma commercial ne sont qu'une justification supplémentaire (et non une résistance ou un combat) de la violence ordinaire.
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Message par Jipé Dim 29 Juin 2014 - 7:09

Depuis toujours l'être humain à des fantasmes, aussi bien de sexe, d'inceste que de violence. Aujourd'hui le fantasme n'est plus intimement dans les têtes des uns et des autres, mais il est exposé, comme tu le dis, sur le net, au cinéma et dans certains médias.
Il est banalisé, voire socialisé et c'est sûrement dommage, le fantasme intime, inavoué, qui pouvait faire croire que l'on avait son petit jardin secret, n'est plus le cas, puisqu’étalé sur les écrans où chacun peut s'y rendre.

C'est peut-être une des raisons qui fait que du fantasme certains passent à l'acte, pour se réapproprier ce qui lui appartenait intimement,  c'est son histoire à lui/elle et ne veut pas le partager. Passer à l'acte individualise, permet de reprendre ce qui nôtre, différencie de la masse humaine, du lissage sociétal.

Bien évidemment je le déplore, mais je constate que la perte d'individualité peut mener dans certains cas aux excès.
Voir facilement partout et par tous ce qui nous était personnel, nous vole notre part d'intime, nous n'existons plus comme être unique, nous ne sommes qu'un comme les autres...

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