Sagesse du pluvian
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Chaudron des sortilèges
image de l'auteur
Les sorcières, venant des régions océanes,
Lisent une recette en un grand livre vert ;
De leur chaudron de cuivre, on les voit qui profanent
Le parvis de l'église, en ce début d'hiver.
Du siècle qui n'est plus, elles sont nostalgiques ;
Sur le lourd chaudron plane une blanche vapeur.
Vont-elles préparer de la potion magique ?
Un chat noir les regarde et frissonne de peur.
Travaillez lentement, sorcières surannées,
Ayant plus de pouvoir que les rois sur leur trône,
Vous pouvez évoquer les défuntes années,
Et les jours où Gotlib nous offrait ses icônes.
Pyramide des jardiniers
image de l'auteur
Pyramide occupant le terre-plein central,
Le reste du jardin évoque un terrain vague.
Près d'un vieux marronnier que jamais l'on n'élague,
Elle offre à nos regards ses reflets de métal.
Les moines jardiniers y montent en bon ordre,
Avec de beaux rameaux fraîchement baptisés
Qui servent pour bénir, et pour exorciser,
Tendre feuillage auquel un démon ne peut mordre.
Les plants les plus nouveaux grandissent dans un bac,
Chéris des cénobites et de Dame Nature ;
Faire naître un jardin, c'est toute une aventure,
Ça mérite, le soir, un verre d'armagnac.
Trois vénérables penseurs
image de l'auteur
Le premier instruisait ses compagnons hellènes;
Le pavé de sa ville, il l’a bien parcouru.
Puis, ils l’ont mis à mort, mais il fut secouru
Par sa grandeur d’esprit, sagesse plus qu’humaine.
L’autre a pris des chemins qui nulle part ne mènent,
En récitant du grec dont il était féru ;
Il ne sut quoi penser quand un peuple mourut,
Il ne s’exprimait pas sur une telle peine.
Le troisième a souvent soulagé ma douleur,
Son humour eut pour moi la plus grande valeur ;
En ses grimoires sont des merveilles encloses.
Pour juger un penseur, vois ce qu’il te propose,
Comment il s’interroge, aussi, sur quelles choses,
Quels bouquets il compose, et avec quelles fleurs.
Ubiquité de Saint Nicolas
image de l'auteur
Saint Nicolas, figure aimée,
Toi, le généreux donateur,
Par qui les foules sont charmées,
Toi l’incroyable migrateur,
À mille endroits tu te révèles ;
Des cadeaux de toutes couleurs
En ton lourd bagage étincellent,
Comme des fruits, comme des fleurs.
L’hiver n’est pas saison d’alarmes
Quand ton cheval descend des cieux ;
Les jardins ont séché leurs larmes,
Le moineau n’en croit pas ses yeux.
Grandeur de Saint Nicolas
image de l'auteur
J’admire ta grandeur, que rien ne diminue ;
Existes-tu vraiment, je ne sais, peu m’en chaut,
Dans mon petit logis je t’attends, bien au chaud,
Le six décembre passe, et la vie continue.
Ta générosité, largement répandue,
M’a pourvu, l’an dernier, de tout ce qu’il me faut
Pour oublier du temps les terribles assauts ;
Comme si l’on m’offrait la pomme défendue.
Nul citoyen, de toi, n’a jamais dit du mal,
Ce village n’a pas de sujet déloyal,
La foi qui est en nous n’est jamais entamée.
Notre enclos paroissial s’orne de ton portrait,
Chacun vient contempler tes vénérables traits ;
Et sera ta légende en ce lieu déclamée.
Marsupial narcissique
image de l'auteur
Un marsupial insaisissable
Et porteur d'un miroir qui luit
Arpente le pont, jour et nuit ;
Le sablier y perd son sable.
Son désir ne saurait s'éteindre,
Et pas même s'il le voulait ;
Trop amoureux de ce qu’il est,
Le bonheur, il ne peut l'atteindre.
Or, sa survie est incertaine,
On le trouvera sur le sol
Et son âme aura pris son vol,
Changée en comète lointaine.
Clown du canal
image de l'auteur
Il a des réparties plutôt spirituelles,
Son maître lui apprit, jadis, des mots d’esprit ;
Il ne désire pas les mettre par écrit,
Ni les offrir, en ville, aux passants des ruelles.
Il préfère les eaux, dans leur course éternelle,
Et la berge au héron pouvant servir d’abri ;
Cet échassier, pourtant, presque jamais ne rit,
Le clown redit sa blague et la trouve assez belle.
Le rire est bon pour l’âme, ainsi que pour le corps ;
Du plaisir amoureux imitant les transports,
Il peut ensoleiller une journée bien froide ;
Le plaisantin persiste, et jamais ne fléchit,
La surface des eaux, semble-t-il, réfléchit
Le douteux contenu des vannes les plus roides.
Quatre pies vertes
image de l'auteur
En caressant leurs plumes bleues,
Elles s’assemblent dans le pré ;
Chacune a parcouru cent lieues
Pour venir ici conspirer.
Elles parlent dans la prairie,
En ricanant sournoisement ;
Amie, n’en soyez pas meurtrie,
Car vous n’en aurez nul tourment.
Ce ne sont que pies qui jacassent
Selon leurs mouvements d’humeur ;
Ce sont des ragots, des rumeurs,
Ce n’est donc rien qui nous tracasse.
Pavillon de l'ambiprophète
image de l'auteur
L’ambiprophète usé voit tout d’un regard morne ;
Il prêcha cinquante ans, et cela fut en vain,
Donc, il reste chez lui, buvant d’assez bon vin,
De la sobriété respectant bien les bornes.
Autrefois, son amie, la licorne à bicorne,
Partageait avec lui ce breuvage divin,
Ainsi que des sorciers, des mages, des devins,
Et même l’ange vert aux plumes de tadorne ;
Mais les uns sont partis, et les autres sont morts,
Tombés comme la feuille ; elle accepte son sort
Et se va reposer dessus l’argile rouge.
Mais lui, l’ambiprophète, est resté bien vivant,
Contemplant son jardin que caresse le vent
Sans lequel, en ces lieux, rien, ou presque, ne bouge.
L’Ara de ville et l’Ara des champs
image de l'auteur
Non, jamais l’ara de ville
N’invita l’Ara des champs
À manger du crocodile
Suivi d’une part de flan.
Rarement l’ara convie
Son collègue ou son ami
À sa table bien servie ;
Un seul couvert y est mis.
Je ne sais pas s’il apprête,
Dans sa cuisine un festin ;
Mais il ne fait pas la fête,
Il se lève le matin.
Pas de grillade estivale,
Pas d’orchestre, pas de bruit,
Pas d’orgie dominicale,
Même si la lune luit,
Ce n’est pas un oiseau-lyre ;
C’est un oiseau couche-tôt,
Nous avons entendu dire
Qu’il voit des gens matinaux.
Ce volatile est rustique,
Et sa vie est sans émoi,
Tous ses jours sont identiques,
Jamais plus chauds, ni plus froids.
Pourquoi vouloir interrompre
Le cours des temps sans loisirs ?
Être sobre est un plaisir
Que je ne veux pas corrompre.
Ambibasilic
image de l'auteur
Il nous réveille tous, le matin, quand il crie.
Les coqs vont jalousant son organe puissant,
Essayant d’imiter ses sonores accents,
Mais sans y parvenir ; leur gorge en est meurtrie.
Il s’aventure au loin sur la lande fleurie,
Subjuguant la faisane et ses yeux languissants ;
L’hirondelle qui va dedans l’azur dansant
Peut contempler la scène, et s’en montre attendrie.
C’est l’ambibasilic, ce monstre tant vanté
Qui mange du fromage et du chou fermenté ;
Où trouve-t-il le vin dont son repas s’arrose ?
Tu poses la question, naïf adolescent ?
Ce vin de bon aloi, sache-le, c’est son sang
Que tu peux reconnaître à ses beaux reflets roses.
Vigie lente
image de l'auteur
Un arbre dans le vent frémit ;
Et, sur sa cime désolée,
Un être à coquille enroulée
Fait le guet pour ses deux amis.
Tout au sommet de l’arbre, il veille,
Et les préviendra comme il peut ;
Il n’est pas vif comme une abeille,
Il leur faudra l’attendre un peu.
Il sait bien que nul ne l’écoute ;
S’il faut signaler un danger,
C’est pour lui trois heures de route,
Avec des pauses pour manger.
Tour de la muse
image de l'auteur
Voici la tour de la muse indolente ;
Ici, jadis, elle rêva d’amour.
Elle s’y tient en modestes atours,
Fraîche est la tour dans la plaine brûlante.
Un long foulard de sinople l’évente,
C’est son seul luxe en cet humble séjour ;
La poésie, la nuit comme le jour,
La fait sourire, et la rend plus vivante.
De s’en passer, bien des hommes se vantent.
Pour moi, je sais que ce fut mon recours
Quand mon malheur n’avait d’autre secours ;
C’est notre espoir, aux heures éprouvantes.
Hommage à François d'Assise
Notre soeur Mort est plus sereine
Que nous, face à notre destin ;
Elle est là, comme une marraine,
Invitée à tous nos festins.
Si cela nous fait de la peine,
Relisons nos auteurs latins :
Ils ont su contempler, sans haine,
Cela, qui n'est que trop certain.
Et que cela nous aide à vivre,
À nous plonger dans de bons livres,
À cultiver notre savoir ;
Car, si le trépas nous désarme,
Nous n'y gagnerons que des larmes ;
Je n'ai besoin d'un tel avoir.
Forteresse des méduses rouges
image de l'auteur
Personne ne va voir ce qu’elles y fabriquent ;
Peut-être, simplement, chacune y tourne en rond.
Comme il vaut mieux ne pas les regarder de front,
Nous ne fréquentons pas leur demeure historique.
Ayant dressé les murs à grand renfort de briques,
Ayant tout entouré d’une fosse sans fond,
Elles hantent la salle aux élégants plafonds
Où le peintre évoqua leurs exploits en Afrique.
Lorsque survient la nuit, chacune d’elles dort
Dans un lit dont les draps sont tissés de fil d’or ;
Dessus, la couverture est de dentelle fine.
Je ne puis évoquer sans quelques tremblements
La vie de tous les jours en ce palais dément ;
Bien meilleure y serait la plume de Racine.
Re: Sagesse du pluvian
Le reptile et l'oiseau :
https://paysdepoesie.wordpress.com/2017/01/17/le-reptile-et-loiseau/
https://paysdepoesie.wordpress.com/2017/01/17/le-reptile-et-loiseau/
Parfums de lotus
image de l'auteur
Le parfum bleu règne au jardin,
Bien meilleur qu'un encens du pape ;
Prends garde, il n'est pas anodin,
Il change les gars en Priape.
Le parfum blanc s'élève au ciel
Sans s'arrêter sur les collines ;
Ce n'est pas un parfum de miel,
Mais c'est une odeur de pralines.
Le parfum rouge, un peu féroce,
Rend quelques trolls assez joyeux :
Les plus vieux se croient à la noce,
Les jeunes se moquent des vieux.
Ambibipède
image de l'auteur
L’ambistruthionidé ne vit pas en ménage ;
De sentiments galants, il n’est pas agité.
Soi-même s’admirer, tel est son apanage,
Ça le fait avancer vers la sérénité.
Quand on lui dit qu’il faut prendre femme, à son âge,
Il ne fait que lancer des regards de côté ;
Ils ont tout essayé, les gens du voisinage,
Cet être reste seul, l’hiver comme l’été.
Son esprit n’est pas fou, sa chair n’est pas ardente,
La lune, quelquefois, lui sert de confidente,
Ce n’est pas un oiseau que l’on prend à la glu.
Ce sonnet le mentionne, et ne saurait prétendre
Être une exhortation pour qu’il se montre tendre ;
Or, pour s’en amuser, ce poème, il l’a lu.
Le renard finit par atteindre les raisins
image de l'auteur
Le renard, s’éloignant du bocage normand,
Conclut : «Ces paysans font trop hautes leurs treilles.»
Il voit dans une vigne, au bord du lac Léman,
Des grappes qu’il admire, et dont il s’émerveille.
«Vous serez vin, dit-il, arrosant mon repas,
C’est le plus bel état que vous puissiez atteindre ;
Le don de Dionysos, je ne le mange pas,
En vertu d’une loi que je ne peux enfreindre.»
Lire pour écrire
image de l'auteur
Lire pour mieux écrire, au long du jour, tel est
Le nonchalant emploi de chaque heure qui passe ;
C’est là tout mon métier, que veux-tu que j’y fasse,
De diriger des mots les jeux et les ballets.
Il est des promeneurs à qui la route plaît,
Des jardiniers sachant bêcher la terre grasse ;
Chacun se satisfait des plaisirs qu’il embrasse,
Un coin d’écran suffit à mon bonheur complet.
Tantôt ma plume prend les avis d’un bon ange,
Tantôt d’un vagabond blotti dans une grange,
Ou d’un moine priant le charpentier en croix.
En écrivant ces mots que des rimes émaillent,
Je revois le temps où j’allais sans sou ni maille,
Autrefois, quand j’avais de l’encre sur les doigts.
Ici nous entendons les anciennes paroles
image de l'auteur
Ici nous présentons le vaillant justicier
Affrontant les seigneurs des régions souterraines ;
Puissante est sa magie, on croit le supplicier
Mais il renaît d'un fruit porteur de bonnes graines.
Le coyote et le chat, le corbeau, la perruche
Ont façonné, par jeu, quelques êtres humains ;
Ils auraient bien pu faire un lézard, une autruche,
Mais ce sont nos parents qui sortent de leurs mains.
Tel est le document de notre antiquité ;
On doit le faire apprendre aux enfants des écoles,
Car nous ne laissons point le passé nous quitter,
Nous avons souvenir des anciennes paroles.
Arbre à vent
image de l'auteur
Cet arbre à son devoir jamais ne se soustrait ;
Son souffle merveilleux produit le vent qui vole
Et fait aux alentours danser les herbes folles,
Sublime inspiration pour des peintres abstraits.
On l’entend, certains soirs, prononcer des paroles
Comme pourrait le faire un promeneur distrait ;
De la brise invisible il brosse le portrait,
Ou chante les exploits de la tornade folle.
Branches de ce bel arbre où les vents font leur nid,
Je sais que vos rameaux croissent à l’infini ;
Encore vous avez de longs siècles à vivre.
Végétal ou zéphyr, lequel plus longtemps vit ?
La mort, c’est bien possible, ensemble les ravit,
Quand la friche, autour d’eux, disparaît sous le givre.
Druillesque
image de l'auteur
Sur ta planète aux longs hivers,
Bercé de nostalgies naissantes,
Robot à l’âme évanescente,
S’engourdit ton cerveau de fer.
Pourras-tu naviguer encore ?
Tous tes câbles sont emmêlés,
Ton regard est un peu voilé ;
Adieu, vaisseaux couleur d’aurore.
Or, pour abriter ta torpeur,
Nous t’offrons une nef de marbre ;
Notre nécropole et ses arbres
Te nomment invité d’honneur.
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