Sagesse du pluvian
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Âne des lointains

Moi, j’en ai plein le dos
De porter ma corbeille ;
Une corvée pareille,
Ce n’est pas un cadeau.
Inutile fardeau
De pesantes bouteilles ;
Humains, je vous conseille
De vous contenter d’eau.
Charge, je te dépose
Et je fais une pause ;
Humains, fermez vos becs.
Si vos gosiers sont secs,
Que le ciel les arrose !
Ou bien, faites avec.
Oiseau de Leibniz

Ici-bas, tout va pour le mieux,
Je peux me nourrir, je peux boire ;
Je ne sais si je vivrai vieux,
Mais en moi-même je veux croire.
Je suis comme un ange des cieux,
Je survole les promontoires ;
J’entends fort bien, j’ai de bons yeux,
Mon bec est plus dur que l’ivoire.
J’apprécie qu’il en soit ainsi,
Et tant pis pour les hirondelles ;
Tant pis pour les moineaux aussi.
Vous m’appelez « bête cruelle » ;
Je ne fais que m’alimenter,
Je vis dans la réalité.
Fleur de rien

Je pousse en un pays barbare,
Les gens m’appellent « fleur de rien » ;
Ce ne sont que des Béotiens,
Quand je les entends, je me marre.
Le vent survient sans crier gare,
Lui qui ne nous veut pas de bien ;
Moi, je conserve un fier maintien,
Mes feuilles jamais ne s’égarent.
Je n’ai guère de prédateurs ;
Ils affirment, ces malfaiteurs,
Qu’au vrai, je ne sens pas la rose.
Peu de soucis, peu de plaisirs ;
Ici, mon principal désir,
C’est qu’une fraîche ondée m’arrose.
Criocéphale

C’est le Maître des Flammes,
Unique sous les cieux ;
Il est fort, il est vieux,
Il ausculte les âmes.
Il se veut zérogame,
C’est rare pour un dieu ;
Donc, jamais dans son pieu
Ne se trouve une dame.
Jamais un brin de cour,
Jamais un mot d’amour,
Solitude profonde...
« Il pourrait, sans mentir,
Un jour s’en repentir »
Dit la prêtresse blonde.
Vieux blaireau

Cet animal se tient tranquille,
Au fond des bois il est assis ;
Il vit sans se faire de bile
Et presque sans aucun souci.
Ce n’est pas une brute vile
Ni un prédateur sans merci ;
Il épargne les plus fragiles,
Ou bien, leur mort il adoucit.
Il entreprend des randonnées
Dont l’allure est désordonnée ;
Vers le Ponant, vers l’Orient.
Pensif, au fil de cette marche,
Je le vois parfois souriant ;
Il rêve, ce vieux patriarche.
Double dolmen

Blocs assemblés aux temps bibliques,
Avant qu’ici ne vînt César ;
Parcouru par quelques lézards,
C’est un monument bucolique.
« Quelle est sa charge symbolique ? »,
Ainsi s’interroge un thésard ;
Il répond alors, au hasard,
Par des raisonnements obliques.
Il écrit à l’ombre d’un chêne,
Sous sa plume, un projet se trame ;
Des conjectures se déchaînent.
Mais au bout d’un chapitre, il rame,
Il cite des auteurs tchétchènes,
Ainsi qu’un vers de Francis Jammes.
Fruits imprenables

Je dis qu’ils sont trop verts,
Leur teint me le révèle ;
Ils m’évoquent l’hiver,
Non la saison nouvelle.
Qui mange choses telles
N’est autre qu’un pervers ;
« Abruti » je l’appelle,
Et d’autres noms divers.
Fruits de mauvais augure
À la triste figure ;
C’est un douteux repas.
Qu’ils aillent aux ténèbres
Au fond des cieux funèbres ;
Je n’y toucherai pas.
Chien de l’héraldiste

Cet animal a son propre blason,
Ce sont pourtant des armes peu connues ;
Ici, pas de figure biscornue,
Pas de dragon bleu, pas de blanc bison.
Le vieil héraldiste est plein de raison,
Son âme est d’ailleurs vraiment ingénue ;
Il a dessiné, de sa main menue,
Les nobles traits du chien de sa maison.
Émaux et métaux, jamais de mensonge,
Et bien rarement le doute les ronge ;
Le brave gardien est fier de son corps.
En rêve il entend la muse jolie
Qui mettait pour lui les mots en folie ;
Sa robe il revoit, de sinople et d’or.
Vin de résurrection

À chaque apôtre qui me boit,
Je fais plus d’effet qu’une eau claire ;
Je suis le Vin du Fils, du Père
Et de l’Esprit, le Vin de Foi.
Le temps des idoles en bois
N’est plus, voici la nouvelle ère ;
Après la croix et le calvaire,
Dieu trace une nouvelle loi.
Du Seigneur fréquentez les vignes ;
Car chacun de vous en est digne,
S’il veut suivre le droit chemin.
Écoutez les mots des apôtres,
Sachez-les, faites-en les vôtres ;
À ce prix vous serez humains.
Oreilles de Lapinot

Dieu m’a pourvu, comme il le faut,
(Et c’est par sagesse profonde)
De deux oreilles sans défauts ;
Je capte tous les sons du monde.
De mon berceau jusqu’au tombeau
L’espace acoustique je sonde ;
Aussi, j’ai transmis ce flambeau
À mes enfants aux têtes rondes.
D’autres lapins, sous d’autres cieux
Te diront qu’ils entendent mieux ;
Ce sont trompeuses créatures.
Serai-je sourd après ma mort ?
C’est de tout un chacun le sort,
Disent nos Saintes Écritures.
Rings of the Lord

Dix anneaux qui jamais ne mentent,
Chacun d’entre eux rayonne et luit ;
Quiconque les garde sur lui
Échappe à toutes les tourmentes.
Porteurs d’une magie puissante,
Ils dissiperont tes ennuis ;
Calmes jours et paisibles nuits,
Ta vie redevient innocente.
En eux tu trouves ton salut ;
Leur mode d’emploi, tu l’as lu,
Auquel tes gestes sont fidèles.
Ce trésor, tu dois l’arborer ;
Qu’il brille, ce métal doré,
Au feu de multiples chandelles !
Boire et danser

C’était je ne sais quand,
Dans une cave obscure ;
Des pourceaux d’Épicure
Dansaient en claudicant.
Ils buvaient en trinquant,
À leur mille aventures ;
Leurs boucles de ceinture
Étaient d’acier clinquant.
Rêveurs sans avenir,
Pas très loin d’en finir ;
Autour d’eux, le vacarme.
Leurs songes étaient vains ;
Leur vie était sans charme,
Dissoute dans leur vin.
Lenteur salutaire

La tortue me parle en silence,
Puis se retire pour la nuit.
Jamais elle n’aima le bruit,
Qui, dit-elle, est une nuisance.
J’admire son intelligence
Et j’en suis même un peu séduit ;
Le bouc buvant au fond d’un puits
N’avait pas autant de prudence.
De vaincre un lièvre elle est ravie,
C’est un des beaux jours de sa vie ;
Elle en rit avec le bison.
D’une armure elle est costumée,
La chose est inaccoutumée ;
Elle en est fière, avec raison.
Jambonfucius

C’est un cochon bien poli,
Sa cervelle est langagière ;
Il est amateur de bière,
Parfois il s’offre un demi.
Il est plus ou moins ami
Avec une tavernière ;
Elle a de bonnes manières,
Il la surnomme Lili.
Elle l’accueille en ce lieu
(Et qu’importe qu’il soit vieux),
Elle écoute ses histoires.
Elle le taquine un peu ;
Il sait que ces petits jeux
Doublent le plaisir de boire.
Anthropocoq

Impossible de séduire
Cette poule au duvet doux ;
Mes regards, elle s’en fout,
Ne songeant qu’à m’éconduire.
Or, je ne saurais lui nuire,
En moi vit un amour fou ;
Puis il lui faut un époux
Pour pouvoir se reproduire.
Comment atteindre son coeur ?
Au fier Cupidon Vainqueur
Elle fait la sourde oreille.
Vraiment, je m’avoue vaincu ;
Cet insuccès mal vécu,
Ce m’est douleur nonpareille.
Un noeud simple

Noeud qui est fait de fumée,
Aérien, plaisant à voir ;
Assez simple à concevoir,
C’est une ligne embrumée.
Par la brise déformée,
Nous la voyons se mouvoir ;
Nous ne pouvons pas savoir
Si elle en est déprimée.
Éphémère est un tel noeud,
Fugace et vertigineux ;
Mais il fut heureux de naître.
Brumeuse est ma vie, aussi,
Elle ne peut qu’être ainsi ;
Je peux bien le reconnaître.
Barque de mai

Nous voguons dans la bonne humeur,
Guidés par la sirène et l’ange ;
La Garonne n’est pas le Gange,
Mais ses rivages sont charmeurs ;
Nous saluons quelques rameurs
Dont les pavillons sont étranges ;
« Ici tout change et rien ne change »,
Comme le disait un rimeur.
Jamais ici de bateaux-mouches,
S’il en venait, ça serait louche ;
Pas plus ici que sur le Nil.
« L’estuaire, c’est pour les braves »,
Disent les pêcheurs, d’un air grave ;
« Surtout dans les grands vents d’avril ».
Pont du Loup

Je suis fait de noble calcaire,
Je suis solide et je suis beau ;
Je vaux bien le pont Mirabeau
Que nous chantait Apollinaire.
Bâti par un loup solitaire,
Je suis né d’un sacré boulot ;
Je m’allonge au-dessus de l’eau
Ainsi qu’une voûte légère.
Douce est la nuit, tendre est le jour,
Passent au ciel des luminaires ;
Paisibles sont les alentours.
Jours de soleil, jours de tonnerre,
L’horloge tourne et le temps court ;
Je suis déjà bicentenaire.
Prendre un pot

Dans un recoin du Finistère
Se trouve un modeste troquet ;
Je n’y bois pas de Tariquet,
Mais plutôt du rouge ordinaire.
C’est un village sans mystères,
Bien pauvre, mais assez coquet ;
Il ont pour chiens de vieux roquets
Que j’entends rarement se taire.
Dans la rue passent des grands-mères
Dont la vie ne fut point amère ;
Un prêtre admire leurs chapeaux.
Elles boivent après la messe ;
Le tavernier fit la promesse
De souvent leur offrir un pot.
Arbre de vie

Vois comme ma ramure est belle,
C’est fort et ce n’est pas trop lourd ;
Je suis la vie, je suis l’amour,
Je suis l’esprit qui se rebelle.
Ma beauté n’est pas éternelle,
Les jours se suivent, le temps court ;
Contre cela, pas de recours,
Car nos trois Parques sont cruelles.
Je vois les hommes en troupeau
S’occuper à des choses vaines,
Gagner du fric, sauver leur peau.
Ces malheureux perdront leur peine,
La fatalité les entraîne ;
Ça ne trouble pas mon repos.
Planète Fivandra

Ici, pas le moindre sentier,
Pas la moindre flamme qui brille ;
Aucun insecte ne sautille
En nul endroit, ça fait pitié.
Ici, nul fils de charpentier,
Ici pas de Sainte Famille ;
Pas de bestioles qui fourmillent,
Pas d’amour et pas d’amitié.
Tu n’y verras aucun troupeau,
Ni nul endroit pour boire un pot ;
Non plus de femmes ni de filles.
Tu n’entendras aucun corbeau ;
Un tel endroit n’a rien de beau,
Dès que je peux, je décanille.
Alpha Soricis

Étoile distante et sereine,
J’ai quelques planètes sans eau ;
Elles m’appellent leur marraine,
Car j’ai veillé sur leurs berceaux.
Elles n’ont que d’arides plaines
Que ne parcourt aucun ruisseau ;
Tu n’y verras nulle fontaine,
Tu n’entendras aucun oiseau.
Mondes abandonnés des dieux,
Vainement parcourant les cieux ;
Ils n’auront point d’Adam ni d’Ève.
Je suis l’astre sans horizon ;
Cet univers est ma prison,
Mon existence, un mauvais rêve !
Costume de calcaire

Dans l’herbe un escargot voyage
Vers d’assez proches horizons ;
Il va sans hâte, il a raison,
Il ne court pas comme un sauvage.
Il traverse un plaisant herbage,
Bien verdoyant pour la saison ;
Il porte sur lui sa maison,
Mais il n’a pas d’autres bagages.
Il n’est pas jeune, il n’est pas vieux,
Ce monde est plaisant à ses yeux ;
Il sourit sous une pluie fine.
Il se lève tôt le matin,
Comme font les bénédictins ;
Il ne chante point les Matines.
Sagesse de l’astronaute

J’évite certaines planètes,
Je redoute les malfaiteurs ;
Sur Vénus sont de gros menteurs
Impertinents et malhonnêtes.
Sur Mars, ils sont foutrement bêtes
Et salement provocateurs ;
Ils parlent aux explorateurs
Mais c’est pour se payer leur tête.
Je ne veux pas de ces escales,
Car je les trouve inamicales ;
J’exècre ces démons pervers.
Je rencontre moins de problèmes
Quand je quitte notre système
Solaire, et parcours l’Univers.
Plumes de juin

Plumes par l’amour animées,
Ou même par d’autres émois ;
Les muses proposent des lois
Pour leurs promenades rimées.
Ils semblent partis en fumée,
Les petits bonheurs d’autrefois ;
Mais leur remembrance, ma foi,
N’est pas encore consumée.
Tout est changé, rien n’a changé ;
Cette année, tu dois vendanger,
Comme les années précédentes.
Lis les mots des poètes morts,
Car ces défunts sont restés forts
Et leur flamme est toujours ardente.
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