Sagesse du pluvian
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Conseils d'un inconnu
* * *
N'écris pas trop limpide, écris comme un vivant.
Trouble soit ta chanson, puisque la vie est telle.
Sache surtout que nulle amour n'est éternelle,
Même si ton surmoi trouve ça décevant,
La vie est un enfer. D'accord, c'est énervant.
Elle n'est, pour autant, chaque jour si cruelle ;
L'horreur de certains soirs est une horreur partielle.
Nous voyons le poète, en de tels cas, trouvant
Dans ces sursauts d'espoir, matière à narration,
Mais le malheur aussi est une inspiration.
N'écris pas que la vie est toujours infernale,
Ce n'est pas ta mission. Montre, dans le lointain,
Comment prend consistance un bonheur incertain
Fait de douce lumière et de saveurs banales.
un an après
* * *
Un an vient de passer, bref comme une semaine.
Le temps n'est qu'illusion, disent les physiciens,
Moquant le « temps réel » des informaticiens ;
Année après année les mêmes jours ramène.
Sur les bords de ce lac où nul ne se promène,
Tu n'entendras chanter nul oiseau musicien :
Les a chassés de là un mauvais magicien
Qui décourage aussi toute présence humaine.
Ni ondine dans l'eau, ni licorne au bocage ;
Pas un centaure en marche au frais, sous les ombrages,
Pas de troll sous la feuille et pas même, un lutin.
Paysage embelli de ces mêmes absences,
Comme est noble l'hiver, comme est grand le silence,
Comme l'indiscernable est beau, dans le lointain.
Quelques vieux bouquins au fond d'un grenier
* * *
Au poussiéreux grenier, ce soir, je suis monté,
Cela fait sursauter une araignée rêveuse...
Ah ! Tant de vieux cartons de lettres d'amoureuses,
Je ne méritais pas tous ces flots de bonté.
Au grenier silencieux, le temps s'est arrêté.
J'ai ressenti en moi cette douleur charmeuse.
Même si la torpeur du lieu est endormeuse,
Il s'en exhale aussi comme un parfum d'été.
Ainsi que l'eau sur moi glissent les ans qui passent,
Je fais la même chose, et jamais ne m'en lasse :
On aime reproduire un geste familier.
L'harmonie, je n'y puis parvenir en ce monde,
Car j'en suis détourné, seconde après seconde,
Par mes livres offrant leurs pages, par milliers.
Hommage à Daniil Harms
* * *
Les tables de la loi (du moins, je le suppose)
Imperceptiblement vinrent dans mon studio.
J'ai mentionné cela dans ma chronique en prose,
Je vais en reparler, même si c'est idiot.
J'ai tenté de capter les lois sur ma radio,
Ou dans un recueil qui de sonnets se compose,
Ou encore, au moyen d'un logiciel audio,
Mais j'ai peur que cela, peut-être, n'indispose
Le grand législateur qui jadis les a faites.
Puis le rhinocéros, une bien sale bête,
A surgi de l'armoire en m'écrasant sous lui.
Je n'ai pas pris cela pour signe de déroute ;
J'ai simplement gravé d'autres lois pour la route,
Celles d'avant étant périmées à minuit.
Grasse matinée
Quand je suis dans mon lit, sur le point d'en sortir,
(D'y rester si longtemps ma conscience me blâme),
Contre un restant de rêve on me voit me blottir
Comme un naufragé dans une barque sans rames.
Ah, du temps, j'en ai eu bien assez pour dormir,
Mais c'est au fond du lit que se complaît mon âme;
La raison de cela, puis-je la définir ?
En dehors de mes draps, peu de choses m'enflamment.
Soyez donc indulgents pour cet aveu sincère,
Plus qu'arbre de plein air, je suis un fruit de serre;
D'un monde en vase clos j'apprécie les parfums.
Mais la chambre à présent s'anime et s'ensoleille,
Il n'est plus temps qu'un corps là-dedans s'ensommeille,
Le chat, par la fenêtre, annonce qu'il a faim.
Parmi les sépulcres
Mes compagnons défunts, qu'en est-il de vos ombres ?
Dorment-elles vraiment au fond de vos tombeaux,
Pendant qu'au ciel, portant des costumes plus beaux,
Vous mangez du pain frais en buvant du vin sombre ?
Est-il vrai que nos morts, que ce peuple sans nombre,
Vers un monde meilleur, inépuisable flot,
S'éloigne à tout instant, sans cris, sans un sanglot,
Quittant avec plaisir ce pays de décombres ?
Ou bien, faut-il penser que tout se décompose,
Qu'au cercueil ne survient nulle métamorphose,
Qu'en ces lieux, rien ne vit, sinon deux ou trois fleurs ?
Que ces fleurs soient témoins : nous vous sommes fidèles ;
Et si, compagnons morts, vous ne voyez rien d'elles,
C'est sur nous, non sur vous, que s'écoulent nos pleurs.
Une vision locale
Mes yeux ne savent voir plus loin que l'horizon.
Mon labeur quotidien, mes simples habitudes,
Tout en moi, comme aux temps lointains de solitude,
Par coutume est réglé, plutôt que par raison.
La routine en ce monde a bâti sa maison
Sur la bonne surface, à la bonne altitude,
Appliquant à cela des lois de finitude,
Comme, devenant vieux, souvent, nous les prisons.
Même pendant le temps dévolu au transport,
Franchissant, sans montrer le moindre passeport,
Maintes démarcations, limites ou frontières,
Je n'ai pas l'impression de quitter le couloir
Où se trouve rangé ce que je peux vouloir :
Une horloge régit mon existence entière.
Le chant de la création (palimpseste)
Dieu créa Terre et Ciel et la masse des ondes,
Car son immense esprit, magique et vagabond,
Etait rempli d'idées fécondes.
Dieu vit que cela était bon,
Il appela cela «le monde» .
Dieu sentit le besoin d'une vision plus claire
Sur ce cosmos tremblant de bonds et de rebonds :
Ayant construit un lampadaire,
Dieu vit que cela était bon,
Il appela cela «lumière» .
Dieu comprit que la nuit est parfois importune :
Il construisit alors un miroir à photons
Qui fut un lampion de fortune.
Dieu vit que cela était bon,
Il appela cela «la lune».
Dieu fit des animaux marins, terriens, célestes,
Gigantesques, petits, très sobres, fort gloutons,
Faisant des choses un peu lestes.
Dieu vit que cela était bon,
Il appela ça «gentes bestes».
Dieu fit des aliments, tous selon leur nature,
Qu'on pouvait préparer de diverses façons,
Et par exemple, en confiture.
Dieu vit que cela était bon,
Il appela ça «la verdure».
Puis Dieu se révéla, un soir, à tous ces êtres,
Demandant à chacun «Voudras-tu croire, ou non ?»
Tout un chacun l'envoya paître.
Dieu ne trouva pas cela bon,
Il nomma ça «Ni Dieu ni maître».
Il dut anéantir cette création vile,
Qui n'avait pas l'idée de glorifier son nom.
Il la recouvrit donc d'argile.
Dieu vit que cela était bon,
Il appela ça «des fossiles».
Les fossiles baignaient dans une chose molle
Qui avait la texture et l'odeur du goudron.
Y voyant un futur pactole,
Dieu vit que cela était bon,
Il appela ça «du pétrole».
Un arbre dans la plaine
Disciples, ne soyez pris dans les apparences :
Ne distinguez pas trop le bon du mauvais sort,
Et sachez que le faible use toujours le fort.
N'ayez peur du bâton, n'exigez récompense.
La chose et son contraire ont peu de différence;
L'installation plus dure est source de confort,
S'occuper de sa vie est aller vers la mort,
Trop de douceur égale un surcroît de violence.
Un sage sous son toit, un arbre dans la plaine,
Aucun des deux ne va parler à perdre haleine,
Tous deux se satisfont de la clarté du jour.
Or, quand, le soir venu, cette clarté décline,
Quand, sous le vent d'hiver, le vieil arbre s'incline,
Il dit: "La vie n'est pas avec moi pour toujours".
Sur la méduse d'un sureau
Méduse d'un sureau, toi qui es introuvable,
Reste dans ton corpus de chants périgourdins,
Et moi, je resterai assis dans mon jardin
À contempler en moi ton sourire ineffable.
Un nuage-méduse, esquif ingouvernable,
Traversera le ciel, obscurcissant soudain
Ce petit terrain vague aux entours citadins.
J'enfilerai un pull pour être raisonnable.
Puis, le sureau viendra me chanter, de mémoire,
Au moins les trois premiers vers de sa belle histoire,
Ne sachant, lui non plus, d'où cela fut extrait.
Je ferai, quant à moi, mon travail de copiste,
Sans, pour trouver la source, avoir la moindre piste.
C'est écrit, c'est fini, je tire juste un trait.
______________________________________________
Dame de brume
J'ai rêvé que j'errais sur une mer d'azur
Qui s'étendait auprès d'un lumineux rivage.
La douceur du feuillage et la blancheur des murs
Donnaient un charme immense aux paisibles villages.
Je ne me lassais pas de ce vagabondage,
Car mon esprit, autant que le ciel, était pur ;
Le monde me semblait une charmante image
Où ne se montrait rien de sombre, ni de dur.
Mais je n'eus pas le temps de flotter à loisir
Dans la douceur du bleu, du bienveillant zéphyr :
Au bout de peu d'instants, mon rêve se termine.
Il est là cependant, grâce à ces quelques vers.
Dame de Brume, ayant terni mon univers,
Tu n'as pas obscurci ce dont il s'illumine.
Re: Sagesse du pluvian
C'est très beau, Cochonfucius : tu veux que je te dises ? Au fur et à mesure que je te lis au fil des mois et des ans, je trouve que ton art poétique s'affine, se cisèle, se peaufine... Je pourrais presque être jalouse !
Chanson du sans-voix
Ah, j'aimerais chanter des chansons dans le vent,
Des phrases de folie, à mi-voix déclamées,
Que porterait au loin une note enflammée
Par la rouge clarté du grand soleil levant.
Ah, j'aimerais danser comme le survivant
D'une horde perdue, égarée, affamée.
De gestes délirants cette danse tramée
S'épuiserait soudain dans les sables mouvants.
Mais j'écris calmement, dans la tiédeur du jour.
Les mots, loin de danser, traînent et se font lourds,
Tels de tristes oiseaux à la vigueur défunte.
Nul ne sait si demain ils reprendront leur vol.
Il leur plaît de languir, et d'arpenter le sol
Où je vois se former leurs légères empreintes.
Dernière édition par Cochonfucius le Ven 18 Nov - 12:36, édité 3 fois
Re: Sagesse du pluvian
Alors faites donc, vous l'homme qui peint avec des mots!
Chantez nous en dansant votre portrait chinois en l'année du cochon de feu.
Chantez nous en dansant votre portrait chinois en l'année du cochon de feu.
freefox- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Sagesse du pluvian
Voici pour donner du courage à un maître de la peinture avec des mots:
Les zannées-nées du cochon de feu
groin-groin gouf-niouf groin-rhho-rhho? *
*Nous attendons votre chinois portrait en une année qui vous...correspond?
PS: mais je ne parle pas de votre année de naissance hein!
Les zannées-nées du cochon de feu
groin-groin gouf-niouf groin-rhho-rhho? *
*Nous attendons votre chinois portrait en une année qui vous...correspond?
PS: mais je ne parle pas de votre année de naissance hein!
freefox- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Sagesse du pluvian
RhoooooooooCochonfucius a écrit:Merci, je me reconnais bien là.
Vous, vous êtes tout feu tout flamme et dessinez/peignez avec vos mots les univers les plus invraisemblables.
Non seul vous pouvez créer votre portrait
Voici pour vous y aider: chinois portrait
Tout comme Jean-Baptiste à interviewé le grand Albert, je m'essaie à l'exercice par le biais de chinoiseries.
Évidement si tout cela n'est qu'agacement alors tirez moi seulement la langue amicalement.
freefox- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Sagesse du pluvian
Quel talent ! Pour moi, la plus émotive et la plus chargée de sens,
" Parmi les sépulcres " du 2 Novembre . Bravo et merci.
" Parmi les sépulcres " du 2 Novembre . Bravo et merci.
gaston21- Seigneur de la Métaphysique
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Identité métaphysique : agnostique
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Re: Sagesse du pluvian
gaston21 a écrit:... «Parmi les sépulcres» du 2 novembre.
Je me suis vraiment attardé, ce 2 novembre, dans un de "mes" cimetières.
Re: Sagesse du pluvian
La mère la chaise ou bien le père tabouret?
freefox- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Date d'inscription : 02/06/2011
Nunc dimittis
Un vieux maître se tient au bord d'un grand cours d'eau,
Disant : «Ecoutez voir, j'en ai une bien bonne :
Toute chose qui passe est pareille à ce flot.»
Cette dure leçon que le vieux maître donne
N'est pas inattendue, et ne surprend personne.
Il n'est refuge aucun, dans le ciel, pour l'oiseau,
Et l'univers n'est pas une horloge qui sonne.
Mais pour un arrivant, comme il paraît nouveau !
Un enfant découvrant son premier champ de neige,
Puis, tout ce qui effraie, et tout ce qui protège,
Et le vent qui s'amuse à coiffer ses cheveux...
De ces cent mille instants que l'on ne sait décrire,
Tenter l'évocation, vous la donner à lire :
C'est, comme humble vieillard, tout le bien que je veux.
Si Dieu n'existe pas, semble-t-il, c'est pareil
Si Dieu n'existe pas, semble-t-il, c'est pareil.
Charles Darwin, jadis, ouvrit la controverse ;
Dans les fiers arguments qu'un forum y déverse,
Existe-t-il de quoi nous tenir en éveil ?
Constatant que rien n'est nouveau sous le soleil,
Certains, sans intérêt pour la partie adverse,
Figent leurs positions. Mais d'autres tergiversent,
Construisent des avis, prodiguent des conseils,
Des exemples, des mots, et tout un arsenal
Visant à surmonter ce problème infernal.
J'observe le débat, même quand il s'enlise,
Admirant au passage un développement...
Puis je rentre chez moi, j'y pense calmement ;
Je me dis : «Peu importe», en dernière analyse.
Trois disciples
Trois disciples, voulant à leur tour être Maîtres,
Cherchèrent la réponse à la même question,
Qui était : «En faisant par jour trois plantations,
Combien neuf jours voient-ils de jeunes plantes naître ?»
Le premier répondit «Un ruban de deux mètres» ;
Et le deuxième a dit «Un flacon de potion».
On les a recalés, malgré leur dévotion :
Une réponse fausse, on ne peut la permettre.
«Vingt-sept», dit le troisième, et Maître on l'intronise.
Je m'en vais demander (car la chose est permise)
Au Maître d'où lui vient ce résultat probant.
«Ma démarche, dit-il, était des plus logiques,
J'ai compté ce flacon plein de potion magique
Et j'ai compté, en plus, deux mètres de ruban.»
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