Sur le jeu des avatars
+2
JO
Alcibiade
6 participants
Page 1 sur 1
Sur le jeu des avatars
Il serait bon de s'offrir un petit temps de badinage pour connaître son Moi, mais aussi pour connaître ce que les autres peuvent saisir, lire, ou croire lire à travers l'exposition nue, décharnée, impudique de ce Moi à travers un avatar ou nos divers avatars.
Si l'avatar est bien une image, et à ce titre, une copie de nous-mêmes qui nous révèle et nous masque tout à la fois ; l'importance accordée au choix de telle image comme d'ailleurs l'indifférence que l'on peut afficher dans le choix de telle image ne peut être totalement gratuite.
S'il y a un sens conscient, évidemment premier, il y a aussi un sens latent. Pour le psychanalyste, ce sens latent est bien évidemment premier, mais pour l'existentialiste, c'est l'acte posé du choix de telle image qui est premier. Comme le sens latent d'un avatar est évidemment difficilement saisissable et pour nous-mêmes et pour les autres, on se passera donc poliment de ce sens qui relève de l'interprétation psychanalytique et qui ne peut être que spéculative, puisque nous ne sommes pas psychanalystes (en tout cas, la plupart d'entre nous) et que même si nous l'étions d'ailleurs nous ne disposerions pas des clés du vécu intime de l'autre pour pouvoir lire une identité enfouie et secrète. À ce titre, il faudrait être soi (première condition remplie pour tous) et être psychanalyste (condition laissée à la discrétion de chacun) pour proposer une juste lecture de son avatar et seulement du sien (et encore ! Il faudrait aussi un pôle extérieur référant pour savoir si nous ne nous écartons pas trop de nous-mêmes par résistance, par complaisance, par adulation de notre propre Moi).
Il serait donc cohérent de procéder de cette façon :
-Premièrement, soumettre à la lecture des autres ce qui nous a poussé à l'acte fou de prendre tel corps virtuel pour nous représenter et ceci afin de savoir si notre acte a été pleinement conscient et assumé. Le meilleur, évidemment, c'est qu'il ait été conscient. Car si nous ne maîtrisons pas nos actes, on pourra toujours nous rétorquer que nous sommes davantage commandés que commandants à bord de notre propre Moi, que nous ne sommes en définitive jamais libres ; gangrenés que nous sommes par un passé antédiluvien fait de traumas, ou de rencontres accidentelles, ou d'adversités malheureuses, etc. Le Moi serait ici une concrétion vertigineuse de contingences du passé et non une identité claire, transparente à elle-même qui sait ce qu'elle est et sait ce qu'elle veut.
-Deuxièmement (et éventuellement si le cœur nous en dit), proposer ce qu'évoque simplement tel autre avatar (ou plusieurs) pour nous. Si l'identité de l'autre nous est interdite par principe, l'image renvoyée par l'autre fait résonner en nous certains contenus, et peut-être que ces contenus ne sont pas connus de l'autre (puisqu'il lui arrive aussi de se perdre dans ses propres explications justifiant le choix de tel avatar en ne voyant plus les évidences ; cela peut s'appliquer à moi évidemment), peut-être aussi que ces contenus sont faux, mais aussi peut-être qu'ils sont justes et fondés.
Comme nul n'est bon prêcheur en son propre pays, et il est bon parfois d'avoir à ses côtés la neutralité du jugement des autres qui se fie non à nos explications, non à notre histoire personnelle mais à la seule perception immédiate, naïve d'un avatar élu par quelqu'un. Peut-être que cette perception naïve de l'autre suffit-elle à rendre compte après tout de notre être ? Et peut-être que nos explications qui suivront ne seront d'ailleurs qu'élucubrations d'un esprit narcissique s'inventant une image pour cacher son être, ou peut-être qu'inversement c'est dans l'explication consciente de notre image que se trouve tout notre être.
Il s'agit donc d'un petit jeu, et comme tout petit jeu il doit faire sourire.
À titre personnel, je prétendrais donc que le choix de mon avatar était totalement conscient, je revendique donc qu'il n'y ait rien de caché ou de refoulé dans ce choix !
J'avais au départ d'ailleurs choisi une image sublimement évocatrice tirée des « Deux Tours » de Peter Jackson avec une vue de la Tour noire de Saroumane (la tour d'Orthanc, ou alors s'agit-il d'ailleurs plutôt de la tour de Cirith Ungol du Mordor ? j'ai un doute !) nimbée de nuages ténébreux dans un vaste désert (qui fut autrefois une campagne riante et luxuriante) ravagé par le feu de l'industrie mais je me suis rebiffé, considérant à juste titre que « Le seigneur des anneaux » de Tolkien et l'imagerie héroïc-fantasy (même celle d'Alan Lee et de John Howe ayant bien oeuvrés pour les illustrations des ouvrages de Tolkien et aussi des jeux de rôle façon « Livre dont vous êtes le héros ») n'étaient pas suffisants pour me représenter et que je ne m'étais mis à la lecture de Tolkien que récemment c'est-à-dire il y a moins de dix ans !
Alors mon choix s'est naturellement porté sur mes amours d'adolescent et le tableau de Böcklin, « L'île des morts », avait toujours frappé mon imagination : Charon, le passeur, conduit un être drapé de blanc jusqu'à l'île de tous les repos. Autour de cette nef paisible, quelques rochers, une nuit orageuse, et le silence de la mort ! Et l'île surtout, à quelques mètres seulement ! Et une île ouverte, avec des bras prêts à l'enlacement, avec en son sein des sortes d'arbres touffus, et une enceinte de pierre comme une matrice qui engloutirait ou absorberait à jamais les êtres qui reviendraient vers leur origine !
Cependant je savais qu'il s'agissait d'une toile appréciée par Hitler, une toile qu'il avait conservée scrupuleusement dans son patrimoine privé. Je me suis donc retenu ! En fac, je me demandais d'ailleurs comment une toile aussi monumentale, emblème pour moi de sérénité, de paix intérieure et de réconciliation, pouvait avoir été appréciée par lui. Je ne pouvais certes pas apprécier les mêmes œuvres qu'Hitler, comme je ne pouvais non plus entonner la chevauchée des Walkyries sans une sorte de frémissement hideux venant des profondeurs de l'âme humaine ! Bref, j'étais sacrément embarrassé : je devais renoncer à une telle œuvre en raison de la surcharge maléfique qu'elle revêtait ! Alors j'ai bien renoncé à « L'île des morts » de Böcklin, comme j'ai bien renoncé à le choisir comme avatar.
Enfin, plus tard, j'ai découvert un peintre suisse Hans Giger, spécialiste de l'organique métallique, et surtout concepteur de l'Alien de Ridley Scott avec tous les cycles de transformation, du face-hugger au chestbuster, et du chestbuster à l'alien adulte en passant par le Space Jockey du vaisseau extra-terrestre ! Plus tard, Giger s'est occupé aussi du ver digestif de « Poltergeist 2 » et de la créature magnifique de verre translucide de « Species ». Bref, il y avait chez Giger de l'horreur, de l'organique, du phallique, du vaginal, du visqueux, du morbide, du vivant, de la mort futuriste, un peu de tout quoi qui rassemblait à ce moment-là un peu de mes rêveries !
Le paysage 14 particulièrement (1973, date de ma naissance) m'évoquait toute une palette de gammes matricielles : cordons ombilicaux perdus et filandreux, râles d'écorchés vifs, enflures sur des lits de langue, sécrétions diverses de plasma ou de suc gastrique ou de liqueur séminale, etc. Mais intérieurement, cela était de trop, évocateur en diable, mais de trop quand même. Je me disais qu'il fallait certainement être plus posé et me représenter différemment.
Mais déjà une idée avait fait son chemin. Je savais en effet que Giger m'avait réconcilié depuis longtemps avec Böcklin. En Fac, comble du hasard, je m'aperçus que Giger avait été aussi fasciné par « L'île des morts » de Böcklin que moi. Et quand l'interprétation picturale de Böcklin par Giger (peinte en 1977) s'est imposée à moi, elle était encore plus désolée, plus sereine, plus anonyme que celle de Böcklin : cette fois-ci plus de barque, plus de Charon, plus d'âme drapée de blanc ; rien qu'un ensemble organique ! Une sorte de vaste matrice, cachant une zone obscure de pilosité, et plongeant ses tubes digestifs dans un liquide amniotique. Bref, l'imagerie parfaite de la mort sereine (mais aussi des retrouvailles toujours différées), plus engageante encore que celle de Böcklin ! Alors le compromis idéal fut tout trouvé : c'était le Böcklin sans Hitler, et surtout le Böcklin débarrassé de tous ses symboles, un Böcklin « pur » sans sous-texte inconscient car ici tout était montré sans aucune censure ! Ici, aucune mythologie, aucune dissipation du sens par le sacré sublimé : la réalité toute simple de l'organique intra-utérin et du retour aux sources !
Ce en quoi il fallait tabler pour sortir des métaphores du sens latent ! On ne peut effectivement avec la toile de Giger beaucoup se tromper dans l'interprétation (comme on pourrait plus facilement le faire avec le tableau de Böcklin), il s'agit bien d'une rêverie intra-utérine vieille comme le monde, avec le trauma du surgissement et la quête de la réintégration ; avec la déjection initiale et l'absorption finale en filigrane.
Il devient en fin de compte sensé d'avoir choisi un tel avatar, mais j'aurais pu cependant faire autrement comme je pourrais parfaitement demain en changer !
Je me dis que le choix des autres doit être aussi conscient, et que si sens latent il peut y avoir, celui-ci ne devrait avoir aucune primauté sur le sens premier, c'est-à-dire assumé. Car, on pourrait se dire que ce qui est caché ou involontaire ne m'appartient pas, ou ne définit l'identité que très superficiellement ; et qu'il n'y a d'identité réelle que révélée consciemment à soi et aux autres (certes toujours partiellement) à travers un avatar, un écrit, un acte, etc.
Il m'est cependant aussi cher de soutenir que l'ambiance générale d'un avatar (en dehors des explications de celui qui l'a choisi) ouvre une perspective sur l'autre et fait naître inévitablement une pléthore d'idées, idées liées certes au vécu et au cadre de référence de celui qui interprète, mais aussi au sens intrinsèque de l'image (et non nécessairement au sens projeté par celui qui l'a choisie).
Par exemple, l'avatar nouvellement choisi de Jo (coucou Jo ! J'espère que tu ne m'en voudras pas de prendre l'exemple de ton avatar, qui est si mignon ? ) me fait évidemment penser (dans un cadre phénoménologique et non psychanalytique) à l'espièglerie et à l'insouciance de la chatte d'Alice de Walt Disney (qui est la production Disney la plus intelligente et la plus extravagante qui soit, avec aussi « La belle au bois dormant » pour le graphisme médiéval et pointu, et « Mary Poppins » pour la délicatesse des sentiments dépeints, la féerie de l'enfance et le visage éternel de Julie Andrews).
Or, Dinah (si elle incarne bien l'insouciance de la vie accompagnant la jeune Alice toujours prompte à s'évader du monde réel et aux livres sans images -parole extrêmement signifiante : Alice aime les images, et l'illusion des copies contre le réel des écrits, cependant ce qu'elle va trouver par la suite n'est pas qu'un monde d'images folles mais bien un autre niveau du réel-) ne suit pas Alice dans le terrier du lapin blanc : elle trébuche, aurait pu traverser le miroir, mais se relève et observe, toute interdite, la plongée d'Alice dans l'abîme.
Est-ce à dire que Dinah, avec sa joie de vivre et son harmonie avec les choses de la nature (Dinah joue avec les papillons, s'étonne des pétales de fleurs qui recouvrent ses pattes), préfère (plus mature qu'Alice donc) le réel au rêve ?
Ou préfère (dans un cadre « matrixien », j'y reviens encore, désolé, c'est la faute à Orthon7 ! ) la pilule bleue du réel rêvé à la pilule rouge du rêve réel ?
Si l'avatar est bien une image, et à ce titre, une copie de nous-mêmes qui nous révèle et nous masque tout à la fois ; l'importance accordée au choix de telle image comme d'ailleurs l'indifférence que l'on peut afficher dans le choix de telle image ne peut être totalement gratuite.
S'il y a un sens conscient, évidemment premier, il y a aussi un sens latent. Pour le psychanalyste, ce sens latent est bien évidemment premier, mais pour l'existentialiste, c'est l'acte posé du choix de telle image qui est premier. Comme le sens latent d'un avatar est évidemment difficilement saisissable et pour nous-mêmes et pour les autres, on se passera donc poliment de ce sens qui relève de l'interprétation psychanalytique et qui ne peut être que spéculative, puisque nous ne sommes pas psychanalystes (en tout cas, la plupart d'entre nous) et que même si nous l'étions d'ailleurs nous ne disposerions pas des clés du vécu intime de l'autre pour pouvoir lire une identité enfouie et secrète. À ce titre, il faudrait être soi (première condition remplie pour tous) et être psychanalyste (condition laissée à la discrétion de chacun) pour proposer une juste lecture de son avatar et seulement du sien (et encore ! Il faudrait aussi un pôle extérieur référant pour savoir si nous ne nous écartons pas trop de nous-mêmes par résistance, par complaisance, par adulation de notre propre Moi).
Il serait donc cohérent de procéder de cette façon :
-Premièrement, soumettre à la lecture des autres ce qui nous a poussé à l'acte fou de prendre tel corps virtuel pour nous représenter et ceci afin de savoir si notre acte a été pleinement conscient et assumé. Le meilleur, évidemment, c'est qu'il ait été conscient. Car si nous ne maîtrisons pas nos actes, on pourra toujours nous rétorquer que nous sommes davantage commandés que commandants à bord de notre propre Moi, que nous ne sommes en définitive jamais libres ; gangrenés que nous sommes par un passé antédiluvien fait de traumas, ou de rencontres accidentelles, ou d'adversités malheureuses, etc. Le Moi serait ici une concrétion vertigineuse de contingences du passé et non une identité claire, transparente à elle-même qui sait ce qu'elle est et sait ce qu'elle veut.
-Deuxièmement (et éventuellement si le cœur nous en dit), proposer ce qu'évoque simplement tel autre avatar (ou plusieurs) pour nous. Si l'identité de l'autre nous est interdite par principe, l'image renvoyée par l'autre fait résonner en nous certains contenus, et peut-être que ces contenus ne sont pas connus de l'autre (puisqu'il lui arrive aussi de se perdre dans ses propres explications justifiant le choix de tel avatar en ne voyant plus les évidences ; cela peut s'appliquer à moi évidemment), peut-être aussi que ces contenus sont faux, mais aussi peut-être qu'ils sont justes et fondés.
Comme nul n'est bon prêcheur en son propre pays, et il est bon parfois d'avoir à ses côtés la neutralité du jugement des autres qui se fie non à nos explications, non à notre histoire personnelle mais à la seule perception immédiate, naïve d'un avatar élu par quelqu'un. Peut-être que cette perception naïve de l'autre suffit-elle à rendre compte après tout de notre être ? Et peut-être que nos explications qui suivront ne seront d'ailleurs qu'élucubrations d'un esprit narcissique s'inventant une image pour cacher son être, ou peut-être qu'inversement c'est dans l'explication consciente de notre image que se trouve tout notre être.
Il s'agit donc d'un petit jeu, et comme tout petit jeu il doit faire sourire.
À titre personnel, je prétendrais donc que le choix de mon avatar était totalement conscient, je revendique donc qu'il n'y ait rien de caché ou de refoulé dans ce choix !
J'avais au départ d'ailleurs choisi une image sublimement évocatrice tirée des « Deux Tours » de Peter Jackson avec une vue de la Tour noire de Saroumane (la tour d'Orthanc, ou alors s'agit-il d'ailleurs plutôt de la tour de Cirith Ungol du Mordor ? j'ai un doute !) nimbée de nuages ténébreux dans un vaste désert (qui fut autrefois une campagne riante et luxuriante) ravagé par le feu de l'industrie mais je me suis rebiffé, considérant à juste titre que « Le seigneur des anneaux » de Tolkien et l'imagerie héroïc-fantasy (même celle d'Alan Lee et de John Howe ayant bien oeuvrés pour les illustrations des ouvrages de Tolkien et aussi des jeux de rôle façon « Livre dont vous êtes le héros ») n'étaient pas suffisants pour me représenter et que je ne m'étais mis à la lecture de Tolkien que récemment c'est-à-dire il y a moins de dix ans !
Alors mon choix s'est naturellement porté sur mes amours d'adolescent et le tableau de Böcklin, « L'île des morts », avait toujours frappé mon imagination : Charon, le passeur, conduit un être drapé de blanc jusqu'à l'île de tous les repos. Autour de cette nef paisible, quelques rochers, une nuit orageuse, et le silence de la mort ! Et l'île surtout, à quelques mètres seulement ! Et une île ouverte, avec des bras prêts à l'enlacement, avec en son sein des sortes d'arbres touffus, et une enceinte de pierre comme une matrice qui engloutirait ou absorberait à jamais les êtres qui reviendraient vers leur origine !
Cependant je savais qu'il s'agissait d'une toile appréciée par Hitler, une toile qu'il avait conservée scrupuleusement dans son patrimoine privé. Je me suis donc retenu ! En fac, je me demandais d'ailleurs comment une toile aussi monumentale, emblème pour moi de sérénité, de paix intérieure et de réconciliation, pouvait avoir été appréciée par lui. Je ne pouvais certes pas apprécier les mêmes œuvres qu'Hitler, comme je ne pouvais non plus entonner la chevauchée des Walkyries sans une sorte de frémissement hideux venant des profondeurs de l'âme humaine ! Bref, j'étais sacrément embarrassé : je devais renoncer à une telle œuvre en raison de la surcharge maléfique qu'elle revêtait ! Alors j'ai bien renoncé à « L'île des morts » de Böcklin, comme j'ai bien renoncé à le choisir comme avatar.
Enfin, plus tard, j'ai découvert un peintre suisse Hans Giger, spécialiste de l'organique métallique, et surtout concepteur de l'Alien de Ridley Scott avec tous les cycles de transformation, du face-hugger au chestbuster, et du chestbuster à l'alien adulte en passant par le Space Jockey du vaisseau extra-terrestre ! Plus tard, Giger s'est occupé aussi du ver digestif de « Poltergeist 2 » et de la créature magnifique de verre translucide de « Species ». Bref, il y avait chez Giger de l'horreur, de l'organique, du phallique, du vaginal, du visqueux, du morbide, du vivant, de la mort futuriste, un peu de tout quoi qui rassemblait à ce moment-là un peu de mes rêveries !
Le paysage 14 particulièrement (1973, date de ma naissance) m'évoquait toute une palette de gammes matricielles : cordons ombilicaux perdus et filandreux, râles d'écorchés vifs, enflures sur des lits de langue, sécrétions diverses de plasma ou de suc gastrique ou de liqueur séminale, etc. Mais intérieurement, cela était de trop, évocateur en diable, mais de trop quand même. Je me disais qu'il fallait certainement être plus posé et me représenter différemment.
Mais déjà une idée avait fait son chemin. Je savais en effet que Giger m'avait réconcilié depuis longtemps avec Böcklin. En Fac, comble du hasard, je m'aperçus que Giger avait été aussi fasciné par « L'île des morts » de Böcklin que moi. Et quand l'interprétation picturale de Böcklin par Giger (peinte en 1977) s'est imposée à moi, elle était encore plus désolée, plus sereine, plus anonyme que celle de Böcklin : cette fois-ci plus de barque, plus de Charon, plus d'âme drapée de blanc ; rien qu'un ensemble organique ! Une sorte de vaste matrice, cachant une zone obscure de pilosité, et plongeant ses tubes digestifs dans un liquide amniotique. Bref, l'imagerie parfaite de la mort sereine (mais aussi des retrouvailles toujours différées), plus engageante encore que celle de Böcklin ! Alors le compromis idéal fut tout trouvé : c'était le Böcklin sans Hitler, et surtout le Böcklin débarrassé de tous ses symboles, un Böcklin « pur » sans sous-texte inconscient car ici tout était montré sans aucune censure ! Ici, aucune mythologie, aucune dissipation du sens par le sacré sublimé : la réalité toute simple de l'organique intra-utérin et du retour aux sources !
Ce en quoi il fallait tabler pour sortir des métaphores du sens latent ! On ne peut effectivement avec la toile de Giger beaucoup se tromper dans l'interprétation (comme on pourrait plus facilement le faire avec le tableau de Böcklin), il s'agit bien d'une rêverie intra-utérine vieille comme le monde, avec le trauma du surgissement et la quête de la réintégration ; avec la déjection initiale et l'absorption finale en filigrane.
Il devient en fin de compte sensé d'avoir choisi un tel avatar, mais j'aurais pu cependant faire autrement comme je pourrais parfaitement demain en changer !
Je me dis que le choix des autres doit être aussi conscient, et que si sens latent il peut y avoir, celui-ci ne devrait avoir aucune primauté sur le sens premier, c'est-à-dire assumé. Car, on pourrait se dire que ce qui est caché ou involontaire ne m'appartient pas, ou ne définit l'identité que très superficiellement ; et qu'il n'y a d'identité réelle que révélée consciemment à soi et aux autres (certes toujours partiellement) à travers un avatar, un écrit, un acte, etc.
Il m'est cependant aussi cher de soutenir que l'ambiance générale d'un avatar (en dehors des explications de celui qui l'a choisi) ouvre une perspective sur l'autre et fait naître inévitablement une pléthore d'idées, idées liées certes au vécu et au cadre de référence de celui qui interprète, mais aussi au sens intrinsèque de l'image (et non nécessairement au sens projeté par celui qui l'a choisie).
Par exemple, l'avatar nouvellement choisi de Jo (coucou Jo ! J'espère que tu ne m'en voudras pas de prendre l'exemple de ton avatar, qui est si mignon ? ) me fait évidemment penser (dans un cadre phénoménologique et non psychanalytique) à l'espièglerie et à l'insouciance de la chatte d'Alice de Walt Disney (qui est la production Disney la plus intelligente et la plus extravagante qui soit, avec aussi « La belle au bois dormant » pour le graphisme médiéval et pointu, et « Mary Poppins » pour la délicatesse des sentiments dépeints, la féerie de l'enfance et le visage éternel de Julie Andrews).
Or, Dinah (si elle incarne bien l'insouciance de la vie accompagnant la jeune Alice toujours prompte à s'évader du monde réel et aux livres sans images -parole extrêmement signifiante : Alice aime les images, et l'illusion des copies contre le réel des écrits, cependant ce qu'elle va trouver par la suite n'est pas qu'un monde d'images folles mais bien un autre niveau du réel-) ne suit pas Alice dans le terrier du lapin blanc : elle trébuche, aurait pu traverser le miroir, mais se relève et observe, toute interdite, la plongée d'Alice dans l'abîme.
Est-ce à dire que Dinah, avec sa joie de vivre et son harmonie avec les choses de la nature (Dinah joue avec les papillons, s'étonne des pétales de fleurs qui recouvrent ses pattes), préfère (plus mature qu'Alice donc) le réel au rêve ?
Ou préfère (dans un cadre « matrixien », j'y reviens encore, désolé, c'est la faute à Orthon7 ! ) la pilule bleue du réel rêvé à la pilule rouge du rêve réel ?
Alcibiade- Affranchi des Paradoxes
- Nombre de messages : 412
Localisation : Saöne et Loire
Identité métaphysique : Rationaliste pascalien
Humeur : Serein
Date d'inscription : 09/07/2012
Re: Sur le jeu des avatars
Très, très subtile analyse,Alcibiade! Et je prendrais volontiers l'île des morts pour fond d'écran: j'ai fait ce rêve-là, sans connaitre le tableau, il y a longtemps, mais, dans mon rêve, il fallait revenir à la nage sur la terre ordinaire et j'étais si incertaine d'y parvenir ...que je me suis réveillée . C'était l'époque de mes "grands rêves" . La mort avait tout démoli et je savais qu'il faudrait reconstruire la demi-vie restante . "On" m'y aidait ...par le rêve.
Le rêve est plus réel que le réel, mais c'est dans le réel qu'il faut le vivre .
Pour y revenir, ce que j'aime, moi, dans le tableau, et que tu as ôté, c'est la barque, et les humains, les passeurs, accompagnant la forme blanche - ce qui reste, la forme, le contenu matériel est parti . Je pense irrésistiblement à la tempête sur le lac de Tiberiade, et au "n'ayez pas peur..." .
Ce que j'aime, dans le tableau, c'est la barque, justement, et son contenu .
Quant à Dinah, c'est moi, profondément : je ne plonge pas dans l'irréel, mais je vis le réel comme un scénario et je cherchais à exprimer ça, que tu as bien senti .
Le rêve est plus réel que le réel, mais c'est dans le réel qu'il faut le vivre .
Pour y revenir, ce que j'aime, moi, dans le tableau, et que tu as ôté, c'est la barque, et les humains, les passeurs, accompagnant la forme blanche - ce qui reste, la forme, le contenu matériel est parti . Je pense irrésistiblement à la tempête sur le lac de Tiberiade, et au "n'ayez pas peur..." .
Ce que j'aime, dans le tableau, c'est la barque, justement, et son contenu .
Quant à Dinah, c'est moi, profondément : je ne plonge pas dans l'irréel, mais je vis le réel comme un scénario et je cherchais à exprimer ça, que tu as bien senti .
JO- Seigneur de la Métaphysique
- Nombre de messages : 22786
Localisation : france du sud
Identité métaphysique : ailleurs
Humeur : paisiblement réactive
Date d'inscription : 23/08/2009
Re: Sur le jeu des avatars
Peut-être qu'Hitler n'est pas maudit . Comme Cain, le mal s'incarne mais ne doit pas être éradiqué, seulement exilé, de l'humain .
JO- Seigneur de la Métaphysique
- Nombre de messages : 22786
Localisation : france du sud
Identité métaphysique : ailleurs
Humeur : paisiblement réactive
Date d'inscription : 23/08/2009
Re: Sur le jeu des avatars
Bof Hitler n'était qu'un schizo qui as (bien) servi ses maitres!
_dede 95- Seigneur de la Métaphysique
- Nombre de messages : 7119
Localisation : -
Identité métaphysique : -
Humeur : -
Date d'inscription : 10/12/2011
Re: Sur le jeu des avatars
Alcibiade, en toute sincérité, tes projets d'avatar "me fichent le mouron" ! Le noir, l'abîme ...je préfère encore les flammes joyeuses et légères du crématorium ! Il faut prendre la vie à la rigolade, sinon on ajoute encore du poids à l'existence ! JO, l'île des morts ! Brrr...Pense plutôt que là-haut, on va s'en payer des bonnes tranches ! Tu sais déjà comment j'occuperai mes loisirs !
gaston21- Seigneur de la Métaphysique
- Nombre de messages : 6875
Localisation : Bourgogne
Identité métaphysique : agnostique
Humeur : ricanante
Date d'inscription : 26/07/2011
Re: Sur le jeu des avatars
Je n'ai aucune idée de l'après-mort, Gaston . Je penche du côté de la réintégration dans sa propre famille spirituelle . Ta frustration sexuelle s'y trouvera comblée par une extase sensuelle purement imaginative, dit-on .
JO- Seigneur de la Métaphysique
- Nombre de messages : 22786
Localisation : france du sud
Identité métaphysique : ailleurs
Humeur : paisiblement réactive
Date d'inscription : 23/08/2009
Re: Sur le jeu des avatars
gaston21 a écrit:Alcibiade, en toute sincérité, tes projets d'avatar "me fichent le mouron" ! Le noir, l'abîme ...je préfère encore les flammes joyeuses et légères du crématorium !
Non, non, faut pas !
Il ne faut pas tant penser à la mort qu'à la nostalgie d'une étoile perdue, d'un âge d'or égaré ; c'est davantage l'idée d'un retour aux origines (recommencement) que l'idée d'un anéantissement total que ce soit dans le tombeau muet ou par les flammes dévorantes qu'il faut considérer. La pensée du recommencement éternel des choses n'est pas neuve, elle n'est pas morbide cependant, même si elle témoigne d'un passé en attente d'être retrouvé (et donc d'un certain spleen, mais il y a des spleens "joyeux" ou "musicaux"). Et d'ailleurs une pensée de la joie n'exclut pas nécessairement une pensée de la mort (sans y projeter d'ailleurs nécessairement une quelconque dimension eschatologique).
Alcibiade- Affranchi des Paradoxes
- Nombre de messages : 412
Localisation : Saöne et Loire
Identité métaphysique : Rationaliste pascalien
Humeur : Serein
Date d'inscription : 09/07/2012
Re: Sur le jeu des avatars
Ouah ! D'abord, je trouve les tableaux que tu nous a présentés absolument superbes, Alcibiades, superbes esthétiquement parlant, bien sûr. Mais je les ressens tous comme macabres, et ils me renvoient à mes problèmes personnels, en particulier le troisième qui interpelle du dégoût pour certains aspects de la vie. Toutefois, en exagérant la "tubulure" visqueuse dans laquelle baignent les nourrissons, ainsi que leur physionomie peu empreinte de sérénité, tu fais de moi l'avocat du diable et je me dis que finalement, toutes ces humeurs peuvent être source de joies et de sérénité; ça me fait penser à ce superbe film, avec Barbra Streisand, " Une leçon de séduction", je crois, où finalement elle réclame de la sueur, de la salive et du sperme. Je trouve les îles peu accueillantes, notamment celle de Böcklin, avec ses fenêtres qui semblent ouvertes sur des pièces froides et non meublées. Bref, j'aurais tendance à penser que tu as une vision du monde plutôt pessimiste, mais je ne suis pas psychanalyste, comme tu le dis.
Pour ce qui est de mon avatar, je l'ai choisi en souvenir d'une méditation au cours de laquelle j'ai rêvé que j'étais sur un trône, un lion gris assis à ma droite et des amis venaient me féliciter. Depuis, je le considère comme mon animal totem, mon garde du corps. Tout le monde sur ce forum m'appelle " le vieux lion", mais l'avatar ne me représente pas, du moins, je ne l'ai pas choisi consciemment comme tel.
Pour ce qui est de mon avatar, je l'ai choisi en souvenir d'une méditation au cours de laquelle j'ai rêvé que j'étais sur un trône, un lion gris assis à ma droite et des amis venaient me féliciter. Depuis, je le considère comme mon animal totem, mon garde du corps. Tout le monde sur ce forum m'appelle " le vieux lion", mais l'avatar ne me représente pas, du moins, je ne l'ai pas choisi consciemment comme tel.
Geveil- Akafer
- Nombre de messages : 8776
Localisation : Auvergne
Identité métaphysique : universelle
Humeur : changeante
Date d'inscription : 18/05/2008
Re: Sur le jeu des avatars
Mais, vieux Lion, ton avatar te va comme un gant ! J'y vois la sérénité qu'on retrouve dans tes tableaux ( je les ai revus ce matin! ), la réflexion du vieux penseur, et un air de bougonnement intérieur qui ne s'exprime guère que devant les fautes d'orthographe...
gaston21- Seigneur de la Métaphysique
- Nombre de messages : 6875
Localisation : Bourgogne
Identité métaphysique : agnostique
Humeur : ricanante
Date d'inscription : 26/07/2011
Re: Sur le jeu des avatars
c'est intéressant d'étudier les avatars.
Le mien ne me ressemble pas physiquement, mais peut-être le caractère ? Ou, plutôt, celui vers lequel j'aimerais évoluer ?
Le mien ne me ressemble pas physiquement, mais peut-être le caractère ? Ou, plutôt, celui vers lequel j'aimerais évoluer ?
_adrienne-- Sorti de l'oeuf
- Nombre de messages : 12
Localisation : Belgique
Identité métaphysique : variable
Humeur : calme
Date d'inscription : 13/11/2012
Re: Sur le jeu des avatars
Ah ben Geveil, c'est effectivement le roi de la savane qui contemple le monde d'un air impassible, comme si l'adversité des choses ne l'atteignait jamais, et comme si la nouveauté avait toujours un goût de réchauffé ! (enfin, ce que l'avatar m'inspire) Néanmoins, étant le maître de la savane, j'aurais tendance à penser que la menace gronde toujours et que l'attaque peut être aussi imprévue que fatale !
Gaston, d'après ton avatar et ton humeur, je te vois comme le dénonciateur par l'ironie (mais l'ironie grinçante, car "ricaner" renvoie non pas au simple sourire de l'ironie, mais plutôt au rire mordant du sarcasme) des postures et des prétentions de la raison lorsqu'elle recherche à exprimer ce qui est simple alors qu'un seul coup d'oeil suffit, le coup d'oeil du bon sens ! Cependant ton épagneul me semble en recueillement, mélancolique étonnament, comme si ce sarcasme était proverbial et traduisait plutôt un monde que l'on contemple dans toute sa dérisoire circularité mais dont on regrette cependant l'absence de sens.
Mais c'est de la pure spéculation d'après ton avatar et aussi ton humeur et tes écrits ! (tu peux faire de même avec moi)
Coucou Adrienne ! Ton avatar m'évoque évidemment toute l'imagerie Manga (et peut être aussi les personnages tirés de Final Fantasy auquel j'ai joué il y a bien longtemps, m'étant arrêté au X-2 sur Playstation 2). Dirais-je à première vue la tonalité générale m'évoque la grâce, la fragilité, le regard compatissant qui espère (mais il faut toujours se méfier de l'eau qui dort) !
Gaston, d'après ton avatar et ton humeur, je te vois comme le dénonciateur par l'ironie (mais l'ironie grinçante, car "ricaner" renvoie non pas au simple sourire de l'ironie, mais plutôt au rire mordant du sarcasme) des postures et des prétentions de la raison lorsqu'elle recherche à exprimer ce qui est simple alors qu'un seul coup d'oeil suffit, le coup d'oeil du bon sens ! Cependant ton épagneul me semble en recueillement, mélancolique étonnament, comme si ce sarcasme était proverbial et traduisait plutôt un monde que l'on contemple dans toute sa dérisoire circularité mais dont on regrette cependant l'absence de sens.
Mais c'est de la pure spéculation d'après ton avatar et aussi ton humeur et tes écrits ! (tu peux faire de même avec moi)
Coucou Adrienne ! Ton avatar m'évoque évidemment toute l'imagerie Manga (et peut être aussi les personnages tirés de Final Fantasy auquel j'ai joué il y a bien longtemps, m'étant arrêté au X-2 sur Playstation 2). Dirais-je à première vue la tonalité générale m'évoque la grâce, la fragilité, le regard compatissant qui espère (mais il faut toujours se méfier de l'eau qui dort) !
Alcibiade- Affranchi des Paradoxes
- Nombre de messages : 412
Localisation : Saöne et Loire
Identité métaphysique : Rationaliste pascalien
Humeur : Serein
Date d'inscription : 09/07/2012
Re: Sur le jeu des avatars
Va falloir que je me le procure fissa-fissa ce film, il a l'air véritablement très engageant !Geveil a écrit:toutes ces humeurs peuvent être source de joies et de sérénité; ça me fait penser à ce superbe film, avec Barbra Streisand, " Une leçon de séduction", je crois, où finalement elle réclame de la sueur, de la salive et du sperme.
Alcibiade- Affranchi des Paradoxes
- Nombre de messages : 412
Localisation : Saöne et Loire
Identité métaphysique : Rationaliste pascalien
Humeur : Serein
Date d'inscription : 09/07/2012
Re: Sur le jeu des avatars
Un homme lassé du sexe ? c'est quoi, ça ? Ecoutez Gaston ...
Il n'y a pas de grand amour platonique .
Des tendresses, des amitiés, oui, pas des amours . Elle a raison, Barbara du film ...
Il n'y a pas de grand amour platonique .
Des tendresses, des amitiés, oui, pas des amours . Elle a raison, Barbara du film ...
JO- Seigneur de la Métaphysique
- Nombre de messages : 22786
Localisation : france du sud
Identité métaphysique : ailleurs
Humeur : paisiblement réactive
Date d'inscription : 23/08/2009
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum