Re: Cent ans et les poésies opportunes

[loofrg]

Par la sobriété…

Je retourne vers cet enfant,
Mais chaque fois différemment,
Si je suis celui d’aujourd’hui,
C’est évident, c’est grâce à lui.

Je dis « grâce » car je ne me plains pas,
Dans l’ensemble, je sais poser mes pas,
Aux endroits qui me sont favorables,
Et m’entourer de gens agréables.

Je vis seul sous un modeste toit,
Qui répond à mes exigences,
Etre protégé de la pluie et du froid.

Si je ne suis pas devenu renonçant,
Etat qui seul jadis avait du sens,
Je reste sobre, ce qui lui est adjacent.

[loofrg]

Exister…

J’aime cette veille,
Laisser faire les choses,
Voir s’agiter les passants,
Courant chacun vers un but.

Je me tiens dans cet état
Qui est celui d’exister,
A la terrasse d’un café,
Où rien ne m’appelle.

Je déguste ce cognac,
Un alcool très vieux,
Bien plus vieux que moi,
Aux arômes raffinés.

Ainsi, je reste là,
C’est chose facile,
Il suffit de respirer,
Ce qui m’est naturel.

[loofrg]

Le non parieur…

Celui qui prend un pari,
Le fait pour gagner,
Mais il peut aussi le perdre,
Il doit s’en souvenir.

Celui qui n’en prend pas,
N’est pas lié à cette loi,
C’est une forme de liberté,
C’est celui-là que j’imite.

Il marche ou bien s’arrête,
Au gré de ses désirs,
Qui ne dépendent que de lui,
Faisant comme bon lui plait.

Son bonheur est indépendant,
De la course d’un cheval,
Qu’il soit rapide, qu’il soit lent,
N’accélère pas son sang.

[loofrg]

Dévouement…

______________

L’arbre n’a que le souci d’un seul printemps,

A ce moment où il donne ses feuilles,

Il ne s’inquiète pas de la prochaine année,

Ses feuilles émergeront, il n’en doute pas.

Son rythme s’harmonise avec les saisons,

Ces périodes orchestrées par la nature,

C’est elle qui guide ses actions,

Il a en elle toute confiance.

Les hommes en revanche collectent l’eau,

Craignant les jours de pénurie,

Ils font d’immenses stock de riz,

A peine suffisants pour les sécuriser.

Ils courent au présent vers l'année suivante,

Dont ils tentent de prévoir les ennuis.

De cette manière, ils offensent la nature,

Qui pourtant déborde de générosité.

[loofrg]

Par l’absence d’économie…

______________

Je lui ai accolé un nom,

Je l’ai nommé : arbre.

De cette manière, je passe devant lui,

L’œil affaibli par cette information.

Est-ce un chêne, un acacia ou un bouleau ?

C’est encore plus loin que je veux aller.

Je caresse doucement son tronc,

Me prenant soudain à rêver.

[loofrg]

Malgré son immensité,
Le ciel n’est pas plus lourd qu’une plume.

[loofrg]

S’unir…

J’ai souvent ce morceau de phrase qui me passe par la tête :
-Jusqu’à la rencontre-

C’est le début d’un poème,
Ou peut-être la fin ;
Une histoire commence souvent par une rencontre,
Qui peut de quelque chose être le terme.

Rencontre d’une femme,
Qui dès sa naissance marche vers vous,
Pendant que depuis l'autre bout, vous marchez vers elle.

Rencontre d’un ami, jusqu’à ce que bien loin soit ce visage de la première présentation.

Celle d’une maison où nous emménageons,
Comme si, bientôt, nous l’avions toujours habitée.

Et à travers ces conjonctions,
On se rencontre soi-même,
Faisant sa propre connaissance
A chacune de ces aventures.

On s’imprègne de ces présences,
De jour en jour, un petit peu plus,
Jusqu’à ce que survienne cette date,
A partir de laquelle il serait impensable de s’en distinguer.

[loofrg]

A double tranchant…

J’en serais presque à regretter
Ce temps où les sacrifices me réjouissaient,
Je comprenais bien mieux mes semblables,
Participant avec eux à ces joyeuses fêtes.

Depuis, pourtant, je suis plus sensible à la musique,
Je goûte plus intensément le parfum des fleurs,
Ce qui m’entoure m’apporte une joie plus vive,
Et la solitude est toujours chose plaisante.

J’ai ouvert mon cœur à l’existence des miracles,
Les anges se montrent, sans craindre de me chambouler,
J’accueille leurs signes d’une grande subtilité,
Je me sens grossier de mentionner leur présence.

Ces créatures-là agissent dans l’ombre,
Ne se manifestant pas par de flagrants éclats,
Ainsi, au fond de moi, je ne regrette pas,
Mais il m’arrive parfois d’avoir le cœur lourd.

[loofrg]

Nord…

Je me suis retrouvé ce jour là
Sur cette route déserte,
Je n’entendais pas un bruit,
Le soleil m’écrasait sous son poids.

Je ne me souviens plus,
Etait-ce en Grèce, en Espagne ?
Pourquoi me suis-je retrouvé là ?
Ce souvenir est coupé de tout.

En réalité, j’ai marché bien peu,
Car une auto est venue à passer,
Le chauffeur voulu bien s’arrêter,
Ayant pris en compte mes appels.

Il m’amena jusqu’au village voisin,
Qui se trouvait très près de là,
J’étais donc bien quelque part,
Malgré ce sentiment d’être perdu.

[loofrg]

J’ai entendu le chant du coq un peu avant le lever du jour. Le brouillard matinal circonscrit le paysage aux arbres qui bordent mon jardin, on perçoit déjà le bleu du ciel qui tinte ce rideau. Ce jour ensoleillé sera jour de baignade, la première de la saison. L’été n’a pas jusqu’à présent été bien chaud, l’eau de la rivière sera probablement froide.

[loofrg]

Fossile…

Fleurs jaunes, fleurs violettes,
Qui peinent à sortir de ce profond puits,
Règne d'un silence absolu,
D'une créature sans yeux.

Il n’y a pas de lumière, pas de parfum,
Pas un aliment, pas une caresse,
Les collines ont disparu,
Tout est parfaitement arrêté.

On se secoue comme on peut,
On cherche à se défaire
De cette extraordinaire torpeur
Qui noie notre énergie.

On restera là, assis,
A laisser défiler les heures,
Jusqu’au retour de la nuit,
Qui tombera, sans faire un bruit.

[loofrg]

Du milieu…

Ecrire une bafouille,
Griffonner quelques traits,
Qui s’en iront rejoindre
Ces lointaines frontières.

Ce lieu où vivent les fantômes,
Ces spectres dont je rêvais,
Je viens de le retrouver,
C’est un endroit fascinant.

Le cœur doit s’accrocher,
Car il pourrait s’envoler,
Et ne jamais revenir,
Comment imaginer pire.

Bien soudé à cet axe,
Je peux aller n’importe où,
Naviguer sur l’océan,
Pénétrer dans le désert.

[loofrg]

L’envie…

Elle vous chatouille le ventre,
Vous fait voir des papillons,
Qui, de mille couleurs,
Virevoltent dans vos yeux.

Elle est le scintillement,
De cette quantité d’étoiles,
Qui cherchent dans la matière
Une façon de s’incarner.

Le poète la ressent
Quand il se plonge sur sa feuille,
Qui ne demande qu’à se remplir
De ces songes ouraniens.

Elle manifeste le sacré,
Qui chez l’homme est créativité,
A l’image de Dieu,
Duquel émane le monde.

[loofrg]

Amour canin…
___________

Je ferme les yeux,

J’obstrue mes oreilles,

Pour que tu viennes me visiter,

Toi que le vide appelle.


Tu exiges de mon esprit

Qu’il te soit dévoué,

Lorsque tu viens à apparaître,

Il n’est plus rien d’autre que toi.


En rien tu ne m’obliges,

Je prie pour ta venue,

Je sollicite tes visites,

Me réjouissant quand tout se fige,


Quand toute mon âme, attentive,

Est assise devant cette porte,

Qu’elle attend de voir s’ouvrir,

Pour se remettre à sourire.

[loofrg]

Clochette…

__________

C’est une petite quantité,

Tenant dans un petit espace,

C’est un petit oiseau,

Ce n’est pas un grand rapace.


Ca ne pèse pas bien lourd,

Pas davantage qu’une plume,

C’est perdu dans le paysage,

Au beau milieu de la forêt.


Ce n’est pas le tonnerre,

Il nous faut tendre l’oreille,

Et puis attendre patiemment,

Que ce soit le bon moment.


C’est une promenade,

Qui ne vise aucun but,

Comme flâner dans son jardin,

Les mains croisées derrière le dos.

[loofrg]

Echo…

C’est dans le ventre,
Comme une petite flamme,
Qui apporte sa lumière,
Et puis aussi sa chaleur.

Elle consomme la nuit
Qui se voit toute remplie
Par les milliers d’étoiles
Qui luisent dans le ciel.

Elle est une direction,
Elle oriente nos pas,
Traçant une ligne,
Une continuité.

On la voit se poursuivre,
Se prolonger très loin,
Plus loin que cette vie
Bien vite traversée.

[loofrg]

Libre gouvernail…

Y a-t-il autre chose que la fleur
Pour l’abeille qui butine,
Y a-t-il un monde au-delà des collines ?

Je me prends à rêver lorsque je dessine,
Univers limité à mon petit bureau,
J’oublie qu’il existe guerres et famines.

Suis-je égoïste ? Non, je montre l’exemple,
Que ceux qui interviennent sur la vie des gens,
Puissent trouver cet espace hors du temps.

Qu’ils puissent trouver en eux cette mine,
Qui les rendra parfaitement indépendants,
Laissant le monde se gouverner par lui-même.

Que toutes ces têtes occupées à faire des plans,
Se mettent à voler comme de jolis oiseaux,
Et laissent le corps décider comme il faut.

Qu’elles prennent le temps de se promener,
Qu’elles ne soient pas sans cesse occupées,
A décider de ce qui serait vrai ou faux.

N’est-ce pas que si l’hommes était sage,
L’état de la Terre serait à son image ?
Se résoudra-t-il à lâcher les commandes ?

[loofrg]

Dessin…

J’ai fait le vide dans ma tête,
Et l’histoire s’est interrompue,
Les fils ont été coupés,
A ne plus savoir où j’étais.

J’ai alors inventé un lieu,
Un lieu près d’une rivière,
Où le chant des cigales,
Me transportait en vacances.

J’ai longé la berge,
Jusqu’à ce petit pont,
Le pont du merle,
Comme nous l’appelions.

J’ai planté ce grand pin,
Placé là notre maison,
Et la pizza de Sardaigne,
Sur la longue table en bois.

Assis à chaque bout,
Mon père et ma mère,
Et puis tout autour,
Mes oncles, tantes et cousins.

[loofrg]

Arbre de vie…

Je m’absente de moi-même,
Pour que viennent me remplir
Le vent, les nuages, le ciel,
Ces merveilles dont je suis le témoin.

Je n’en suis pas l’origine,
Cette origine c’est toi,
Toi qui coules dans nos boyaux,
Plus doux que le sirop d’orgeat.

Pour t’accueillir, nous prions,
Assoiffés de tes vibrations,
Qui traversent notre cœur,
Qui en maintiennent la lueur.

Cette implacable attention,
A ce qui fait chanter notre vie,
Se charge d’une céleste envie,
A mesure que nous murissons.

[loofrg]

Bénéfique…

Il n’y a ni mort ni vie,
Ni victoire ni défaite,
Il y a juste le temps qui passe,
Que traversent des idées.

Libres de nous promener
Dans le vaste espace,
Et dans le cycle des saisons,
Rien ne change vraiment.

Des événements se produisent,
Qui nous semblent importants,
Puis ils se dissolvent,
Et finissent dans l’oubli.

Mais certains tout de même
Enrichissent notre expérience,
Devant une chose ressemblante,
On se souvient de ses erreurs.

[loofrg]

Mandala…

C’est sur ce point que s’effacent nos pas,
Là où toutes les histoires fusionnent,
Qui dans le futur, ne se prolongent pas,
Et comme n’ayant jamais eu de passé.

Tout sera contenu dans une fleur,
Dans son parfum, sa forme, sa couleur,
Notre esprit flirtant avec le vide,
Avec un silence parfaitement limpide.

Chaque pas est pour nous l’occasion,
De nous arrêter, de choisir cette option,
De ne pas laisser s’échapper le temps,
Comme si l’éternité se trouvait devant soi.

Pour notre bonheur, pour notre joie,
La mort est une fort bonne conseillère,
Qui nous remémore le prix de la vie,
Se manifestant à tous les instants.

[loofrg]

Chêne…
__________

Je n’ai pas planté cet arbre,

J’ai bâti ma maison à son côté.

Il me donne de l’ombre et de la fraîcheur en été,

Il fait de ma terrasse un doux cocon.

Cette terre calcaire ne le nourrit pas beaucoup,

Je ne l’élague que très rarement,

Pour que nous puissions ensemble poursuivre

A vivre nos vies en parfaite harmonie.

[loofrg]

Ces belles gens…

C’est un monceau de choses bonnes,
Qui est entassé dans le cœur de ces gens,
Qui les fait vivre bravement
Dans l’autonomie la plus totale.

Ils n’attendent rien de vous,
Car ils se suffisent à eux-mêmes,
Leur esprit est comme le miel,
Aussi pur que la colombe.

Ils vivent d’amour et d’eau fraiche,
Jusqu’à l’âge de cent-soixante-dix ans,
Dans ce sublime paradis,
Qu’ils ont su faire de leur terre.

Chacun désir leur compagnie,
Pour ce qu’ils donnent, tant ils possèdent,
Leurs mots sont utiles comme les fleurs,
Qui gravent sur vos lèvres un doux sourire.

[loofrg]

Place !

___________

Un petit démon était passé par là,

En toute discrétion,

L’air de rien,

Se glissant entre les oreilles de l’homme,

Soufflant dans son crâne une infâme chose.

L’homme l’a observé,

Son regard était bon,

Rempli de tendresse.

« Allé !» a-t-il dit au monstre,

« Mon cœur n’est pas fermé,

Trouves-y ta place,

Va t’amuser. »

Le démon rougît un peu,

Puis il éclata de joie,

Tel un enfant bienheureux.

[loofrg]

Les ailes du rêve…

_____________

La nuit est belle…

Comme c’est simple de le dire.

Cela suffit-il à écrire un poème ?


Oui, la nuit m’emporte quand j’en prononce le nom,

Il me transporte jusqu’aux étoiles,

Je caresse la lune en chemin.


Je la parcours à une vitesse infinie,

Je m’arrête, je lève les yeux,

Je les pose délicatement sur Terre.