Qu'est-ce qu'une chose ?

[loofrg]

Je voulais proposer cette réflexion sur laquelle Heidegger s'est penché en écrivant même un livre là-dessus dont le titre est précisément « Qu’est-ce qu’une chose ? ». Ce livre, je ne l’ai pas lu, mais la question me semble tout à fait intéressante et il y a là-dessus un point tout particulier que je voudrais développer.

Qu’est-ce qu’une chose donc ?

Notre monde est constellé de choses, et chaque chose est une chose en particulier. Or, ici, ce n’est pas de telle chose ou de telle autre dont il est question lorsqu’on interroge « qu’est-ce qu’une chose ? », non, il est plutôt question de ce qui fait l’essence d’une chose, de ce qui fait qu’on peut dire de toute chose en particulier qu’elle est une chose.

D’abord, il convient peut-être de dire qu’une chose n’est pas nécessairement un objet matériel. Une pensée, une idée, une personne, un rêve sont aussi des choses. Donc ce qu’on pourrait dire déjà là-dessus, c’est qu’une chose a comme caractéristique de pouvoir être objectivée.

Donc il semblerait bien qu’il n’y ait rien qui ne soit pas une chose, ceci en tant qu’il n’est rien qui ne puisse d’une manière ou d’une autre être objectivé. Quant à ce qui éventuellement ne pourrait pas être objectivé, comment cela pourrait-il faire partie, si ce n'est de notre expérience, du moins de notre analyse ?

Voilà qui est dit pour introduire le sujet. Mais comme je le disais, il y a un aspect particulier de la chose que je voudrais aborder.

Pour commencer, il faudrait dire qu’à son état indéterminé, la chose reste un concept. Disons qu’une chose ne devient véritablement une chose, qu’une chose ne se manifeste tangiblement que si elle a une histoire. Par cette histoire, elle deviendrait cette chose particulière, cette chose au sujet de laquelle je peux dire qu’elle est comme ceci, qu’elle est comme cela, qu’elle est ancienne, qu’elle est belle, qu’elle m’appartient, qu’elle est petite ou grande etc.

Toutes ces qualités font de la chose dont je parle cette chose particulière ainsi définie, c’est-à-dire cette chose dont je raconte l’histoire, une histoire qui la définie en tant que cette chose là qui est telle chose en particulier.

Maintenant, la question que je veux poser c’est celle de savoir si cette chose existe en soi hors de cette histoire que je raconte à son propos, ceci en questionnant de cette manière : que serait cette chose si je ne racontais pas cette histoire à son sujet, cette histoire qui me permet de la connaître en tant que telle chose particulière. Que serait-elle ? Et bien comment le saurais-je si précisément je cesse de raconter cette histoire à son sujet ?

Mais où commence l’histoire sur cette chose ? Ne commence-t-elle pas dès l’instant où je dis qu’elle est une chose ? Qu’elle est une chose existante ? Comment pourrais-je avoir conscience de son existence si je ne racontais pas l’histoire de cette existence, c’est-à-dire, en tout premier lieu si je ne disais pas en quelque sorte, « il était une fois cette chose ? »

L’autre aspect qui vient directement servir de miroir à ce que je viens de dire est le suivant : sur quoi reposerait une histoire, autrement dit, à quoi renverrait une histoire, si cette histoire n’était pas l’histoire de quelque chose, d’un objet, de quelqu’un ? Autrement dit s’il n’y avait pas l’idée qu’il y a bien une chose au sujet de laquelle il est possible de raconter une histoire susceptible de la définir, à quoi se rapporterait cette histoire ? De qui ou de quoi serait cette histoire ? Ce serait l'histoire de quoi, de quelle chose ?

Donc il semblerait bien que l’histoire de la chose ait à reposer sur l’idée qu’il y a bien une chose à quoi renverrait cette histoire, et qu’inversement la chose ne puisse être véritablement telle chose que si j’en viens à raconter l’histoire qui précisément la déterminera, et en premier lieu, qui la déterminera en tant que chose, ceci pour que je puisse ensuite la connaître en tant que telle chose en particulier.

Ainsi, l’histoire d’une part, et l’idée de la chose à laquelle cette histoire renvoie, sembleraient être interdépendantes, si bien que d’un côté, sans histoire, point de chose, et que de l’autre, sans chose point d’histoire.

C'est du moins ce à quoi m'a menée mon analyse.

[Dodo]

Hello Mister Loofrg!  L’un dans l’autre, on pourrait dire que la chose en soi c’est déjà toute une histoire.
Que si une histoire, c’est une chose… alors pour la chose, ce serait une toute autre histoire.
Se raconter une histoire, ce ne serait que la façon de définir une chose à sa manière toute personnelle, la sortir du vague… se limiter à la chose ne voudrais rien dire en ce sens, il n’y aurait que perception sans partage.

[loofrg]

L’un dans l’autre, on pourrait dire que la chose en soi c’est déjà toute une histoire.

Ha ha ! Oui. La chose serait une histoire, et l’histoire serait celle de la chose…car la chose sans histoire, à savoir en tant que concept, n’est peut-être que la prédisposition à pouvoir considérer l’existence des choses. En revanche avec histoire, la chose devient tangible, elle devient telle chose en particulier.

Se raconter une histoire, ce ne serait que la façon de définir une chose à sa manière toute personnelle,

Oui, personnelle ou collective.

se limiter à la chose ne voudrais rien dire en ce sens, il n’y aurait que perception sans partage.

La chose ne se limite pas en effet à elle-même, puisque c’est par le biais de quantité de choses qu’elle en vient à être définie, que nous pouvons raconter son histoire.

[loofrg]

il n’y aurait que perception sans partage.

La question qui se pose serait celle de savoir de quoi serait cette perception, c’est-à-dire de quelle chose. Et pour savoir de quoi serait cette perception, il faut d’abord il me semble que ce « quoi » là qui est l’idée que cette chose est bien une chose, serve de support à ce que nous pourrions raconter sur lui.

Puis, il faudrait que ce « quoi » là s’expande en quelque sorte, qu’il s’expande au travers de son histoire, car au début, lorsque nous rencontrons une chose nouvelle, nous ne savons pas ce qu’est ce « quoi » là, nous ne savons pas ce qu’est cette chose, cette chose qui sera par là à nos yeux vierge de toute histoire propre à nous permettre de déterminer ce qu’elle est. Donc il faudrait que ce « quoi » là qui serait une chose encore vierge d’histoire en vienne en somme, pour pouvoir se manifester en tant que telle chose particulière, à déployer son histoire, cette histoire qui déterminera qu’elle soit enfin pour nous cette chose en particulier, particularité déterminée par son histoire.

Entre parenthèses, l’histoire la plus courte que nous pourrions raconter au sujet d’une chose serait de la nommer, ce nom qui en réalité contient déjà toute l’histoire de la chose, ceci, bien sûr à supposer que nous connaissions l'histoire de la chose que nous nommons, en d'autre termes que ce nom ne soit pas celui d'une chose dont nous ne connaîtrions pas l'histoire ; ce nom donc, qui en quelque sorte et considérant que nous connaîtrions l'histoire de la chose qui serait nommée, serait le condensé ou le résumé de l’histoire de la chose.

Quoi qu’il en soit, l’histoire de la chose doit se servir de ce support qui est l’idée qu’il y a une chose, ceci pour qu’il y’ait quelque chose à raconter, quelque chose à raconter sur cette chose. Il faudrait donc qu’au départ, il y’ait cette prédisposition à considérer que le monde est fait de choses, ceci pour pouvoir ensuite raconter l’histoire de chacune d’elles.

Et peut-être que ce qui nous confirmerait que le monde est bien constitué de choses, ce serait proprement le fait que nous puissions raconter leur histoire. Donc peut-être que chaque chose serait en quelque sorte confirmée dans sa choséité par ce récit.

Il semblerait donc qu’il y aurait comme un jeu de miroir entre l’idée qu’une chose est une chose, et l’histoire qui viendrait confirmer sa choséité.

[la vagabonde]

Je me souviens de quelque chose qui disait:
"la chose n'est pas la chose."
Mais je ne me souviens pas tellement de la suite...
Peut être y avait il quelque chose à retenir.?
mais tout de suite, cela m'a échappé.

[loofrg]

Ah ! super ! Oui, « la chose n’est pas la chose », cela pourrait vouloir dire que la chose n’est toujours ce qu’elle est qu’en vertu de cette histoire dont la particularité serait de raconter quelque chose sur son être.

Cela impliquerait que la chose ne serait rien par elle-même, ceci hors de cette histoire propre à permettre que nous la connaissions en tant que telle chose particulière.

D'ailleurs, cela me fait penser au film "Les dieux sont tombés sur la tête", je ne sais pas si tu l'as vu. Un gars qui depuis son avion jette une bouteille de coca quelque part sur le territoire d'une tribu en Afrique. Ces personnes là, voyant la bouteille ne savent absolument pas ce que c'est. Par contre ils lui trouvent une grande utilité. Il s'en servent en effet comme d'un mortier, comme d'une flûte et de pas mal de manières différentes.

La chose n'est pas la chose, ramènerait à l'idée que la bouteille de coca n'est pas une bouteille de coca par elle-même, non, elle peut être un mortier, une flûte etc.

[Dodo]

Il semblerait donc qu’il y aurait comme un jeu de miroir entre l’idée qu’une chose est une chose, et l’histoire qui viendrait confirmer sa choséité.

Hello Mister Loofrg!  Je me demande ce que donnerait votre réflexion si vous remplaciez la chose par le temps lui-même…
Pour votre information, en soi, l’idée qu’une chose est une chose, c’est ce qu’on appelle le principe d’identité logique : (une chose) est (une chose) est toujours vrai, peu importe ce qu’elle est.

[loofrg]

Pour votre information, en soi, l’idée qu’une chose est une chose, c’est ce qu’on appelle le principe d’identité logique : (une chose) est (une chose) est toujours vrai, peu importe ce qu’elle est.

Merci Dodo…ce qui revient à dire il me semble que l’idée que le monde soit fait de choses est une donnée a priori, d’où qu’il soit si intéressant de questionner cette donnée.

Et donc les questions que cette donnée posent sont tout au moins les suivantes il me semble :

- Le monde est-il en soi constitué de choses ?

- Est-ce le propre de la conscience de pouvoir considérer ainsi le monde, c’est-à-dire en tant que monde fait de choses ?

- Pourrait-il y avoir conscience sans cette donnée a priori ?

- Pourrait-il exister une forme de conscience qui ne soit pas définie en tant que conscience de quelque chose ?

- Cette donnée a priori est-elle une condition innée propre à permettre l’existence de la conscience, ou bien est-elle une chose acquise, autrement dit, cette donnée a priori selon laquelle le monde est fait de choses est-elle innée ou bien transmise.

Etc.

Voilà, je ne pense pas avoir fait le tour de toutes les questions que cette donnée a priori pourrait entrainer, disons que ce sont celles qui me sont venue à l’esprit.

[Bulle]

Maintenant, la question que je veux poser c’est celle de savoir si cette chose existe en soi hors de cette histoire que je raconte à son propos, ceci en questionnant de cette manière : que serait cette chose si je ne racontais pas cette histoire à son sujet, cette histoire qui me permet de la connaître en tant que telle chose particulière. Que serait-elle ? Et bien comment le saurais-je si précisément je cesse de raconter cette histoire à son sujet ?
Mais où commence l’histoire sur cette chose ? Ne commence-t-elle pas dès l’instant où je dis qu’elle est une chose ? Qu’elle est une chose existante ? Comment pourrais-je avoir conscience de son existence si je ne racontais pas l’histoire de cette existence, c’est-à-dire, en tout premier lieu si je ne disais pas en quelque sorte, « il était une fois cette chose ? »

Le film de Sautet "Les Choses de la Vie" montre que deux domaines, celui des sentiments, des joies des peines, en gros des réalités ordinaires de ta vie  peuvent parfaitement devenir une chose et disparaitre comme un objet dans le cas du film parce que c'est une lettre qui est déchirée, dans le cas d'une narration parce que ces "choses" ne sont pas répétées.

L’autre aspect qui vient directement servir de miroir à ce que je viens de dire est le suivant : sur quoi reposerait une histoire, autrement dit, à quoi renverrait une histoire, si cette histoire n’était pas l’histoire de quelque chose, d’un objet, de quelqu’un ? Autrement dit s’il n’y avait pas l’idée qu’il y a bien une chose au sujet de laquelle il est possible de raconter une histoire susceptible de la définir, à quoi se rapporterait cette histoire ? De qui ou de quoi serait cette histoire ? Ce serait l'histoire de quoi, de quelle chose ?

L'histoire reposerait sur les évènements que tu as vécus non ? On a donc dans la constitution d'un sujet épistémologique, ou encore d'un objet matériel si c'est un sujet producteur. La corrélation entre le sujet ou l'objet n'enlève pas l'indépendance de la chose par rapport au sujet producteur.

Donc il semblerait bien que l’histoire de la chose ait à reposer sur l’idée qu’il y a bien une chose à quoi renverrait cette histoire, et qu’inversement la chose ne puisse être véritablement telle chose que si j’en viens à raconter l’histoire qui précisément la déterminera, et en premier lieu, qui la déterminera en tant que chose, ceci pour que je puisse ensuite la connaître en tant que telle chose en particulier.

En fait la chose c'est l'histoire que tu racontes... A partir de tes vécus, de tes rêves, de tes sentiments.

[loofrg]

L'histoire reposerait sur les évènements que tu as vécus non ?

Oui, ces événements qui par ailleurs ne deviennent une chose qu’à partir du moment où ils sont embrassés dans leur totalité, à partir du moment où ils sont considérés dans leur unité. Par exemple, imaginons que je sois en voiture en train de conduire et que tout à coup il m’arrive un accident. Pendant que je vis le truc, ce n’est pas encore une chose, une somme d’événement dont j’aurais pris conscience. Non, pour que ces événements deviennent une chose, je dois me trouver comme en dehors de la situation, ceci pour pouvoir raconter cette chose qui m’est arrivée.

On a donc dans la constitution d'un sujet épistémologique, ou encore d'un objet matériel si c'est un sujet producteur. La corrélation entre le sujet ou l'objet n'enlève pas l'indépendance de la chose par rapport au sujet producteur.

Tout à fait, cette indépendance de la chose vis-à-vis de moi fait précisément il me semble qu’elle puisse être une chose. Dans l’exemple de l’accident, celui-ci n’est en effet pas une chose tant que je suis en train de le vivre directement. Il devient une chose à partir du moment où je peux pour ainsi dire distinguer cet événement de mon vécu actuel, ceci afin que je puisse l’objectiver en tant que chose, en tant que cette chose qui est cet événement qui s’est produit.

De ce fait, on pourrait dire que rien de ce qui m'arrive maintenant n’est une chose. Si quoi que ce soit m’arrive ici et maintenant, cela deviendra une chose après que je me sois rendu des comptes à son sujet, c’est-à-dire dans un instant postérieur à celui de l'événement lui-même.

[la vagabonde]

Ah ! super ! Oui, « la chose n’est pas la chose », cela pourrait vouloir dire que la chose n’est toujours ce qu’elle est qu’en vertu de cette histoire dont la particularité serait de raconter quelque chose sur son être.

Cela impliquerait que la chose ne serait rien par elle-même, ceci hors de cette histoire propre à permettre que nous la connaissions en tant que telle chose particulière.

D'ailleurs, cela me fait penser au film "Les dieux sont tombés sur la tête", je ne sais pas si tu l'as vu. Un gars qui depuis son avion jette une bouteille de coca quelque part sur le territoire d'une tribu en Afrique. Ces personnes là, voyant la bouteille ne savent absolument pas ce que c'est. Par contre ils lui trouvent une grande utilité. Il s'en servent en effet comme d'un mortier, comme d'une flûte et de pas mal de manières différentes.

La chose n'est pas la chose, ramènerait à l'idée que la bouteille de coca n'est pas une bouteille de coca par elle-même, non, elle peut être un mortier, une flûte etc.

Oui, alors ce serait plutôt le mot n'est pas la chose.
"Un mot n'est pas la chose, mais un éclair à la lueur duquel on l’aperçoit"
Diderot.

Il a été convenu qu'une chose devait être d'une façon, sans avoir envisagé qu'elle pourrait tout à fait se transformer à la lueur d'une autre lumière, d'un autre regard, qui n'aurait pas été éduqué par les mêmes concepts.
L'exemple de la bouteille qui finit en flûte,  c'est très bien vu.
Cela démontre que toute chose est soumise à une détermination de ce qu'elle est par une culture.Mais qu'elle ne l'est plus si on sort de
cette culture.

[loofrg]

Oui, alors ce serait plutôt le mot n'est pas la chose.  

Quelle chose ? Pourrais-tu me dire laquelle sans la nommer, sans me dire ce qu’est cette chose ?  

[loofrg]

Le mot, qui serait peut-être le résumé de ce que nous connaissons de la chose ne se prononce que dès lors que la chose est reconnue comme étant telle chose particulière il me semble, telle chose particulière définie dans sa particularité par ce nom.

Qu’est-ce qui fait la particularité de telle chose particulière ? Qu’est-ce qui fait la particularité d’une bouteille de coca si nous la connaissons en tant que bouteille de coca ? Ce qui fait cette particularité à mon sens, c’est notre connaissance du fait qu’elle est destinée à être remplie de coca.

Mais si je ne possède pas cette connaissance et que cet objet me semble destiné à jouer de la musique en soufflant dedans, alors cette chose à mes yeux devient une flûte.

Si en revanche je ne trouve aucune utilité à cette chose, alors celle-ci semblera rester à son état de chose, de chose indéterminée. C’est dans cette situation que vient à se poser la question : qu'est-ce que c'est ? qu’est-ce que cette chose ? Qu’est-ce que cette chose qui n’est rien d’autre à mes yeux qu’une chose ?

[dedale]

je n'avais pas remarqué ce sujet.

Comme tous les termes d'un langage, le mot "chose" possède une définition de base mais son utilisation peut être étendue, vulgarisée, popularisée ou romancée. Son utilisation peut désobéir à la sémantique originale par liberté de langage. Le sens des mots évolue, s'adapte, notamment quand le terme en question est très ancien et a connu de nombreux transferts linguistiques.
Dans son acception intellectuelle, chez les latins et les grecs de la basse époque, la chose désigne ce qui existe indépendamment de l'esprit, ce qui possède sa propre cause. L'étymologie de chose est causa. C'est l'équivalent de res, racine de real, préfixe du mot réalité. Les choses sont le moyen de définir ce qui est réel.
Ce qui est réel est ce qui est censé avoir une existence propre.
C'est la base. (Et bien évidemment, je résume à l'essentiel).

Dans la littérature, quand on traite les sentiments ou autres expériences de choses, ce sont des métaphores, des allégories.
- Les sentiments dépendent de ceux qui les ressentent et les expriment et ne possèdent pas de "chosité" en soi. C'est du vécu, le vécu d'un être sensible. Mais je le répète, la liberté de langage permet ce genre d'assimilations et de confusions car si nous parlons de sentiments ou d'autres émotions, nous ne mettons pas l'accent sur leur réalité intrinsèque mais sur le ressenti, c'est à dire sur l'expérience sensible. Cette expérience, quelle qu'elle soit, n'a pas de raison d'être remise en question: L'expérience en question est ce que l'on ressent. Point. On peut toujours penser que ce que l'on ressent n'est pas réel mais le fait est qu'on le ressent. Je veux dire que le vécu peut être tel un retour de manivelle, une forme de réalité complexe touchant les êtres vivants et pensants. On dira que la réalité de l'expérience dépend de l'être qui la vit ou peut-être que l'être qui vit la dite expérience n'a aucun contrôle: Il vit et c'est dans la nature de la vie que d'être une expérience.
On peut penser par philosophie que l'homme est une sorte de chose.

La chose possède la particularité d'être inconnaissable en soi. C'est le propre de toute réalité indépendante de l'esprit.
- Sinon il faudrait pouvoir devenir cette chose et ça ne serait pas pour autant réel, simplement une défaillance dans l'identification, dans la reconnaissance de soi - mais certainement pas un savoir.
Il existe des récits brahmaniques, orientaux, décrivant ces expériences mais elles n'apportent rien de plus que ce que l'on peut observer ou imaginer. On s'imagine être un écureuil et sentir l'écorce de l'arbre sous les griffes... Mais de là à devenir un écureuil, c'en est très loin. Aucune réalité ne se laisse capturer par quelque élan de poésie ou de mysticisme. C'est beaucoup plus fondamental.

[dedale]

Qu’est-ce qui fait la particularité de telle chose particulière ? Qu’est-ce qui fait la particularité d’une bouteille de coca si nous la connaissons en tant que bouteille de coca ? Ce qui fait cette particularité à mon sens, c’est notre connaissance du fait qu’elle est destinée à être remplie de coca

C'est une chose par fonction, destinée comme tu le dis à une utilisation humaine.
A la différence d'une chose par nature, définie indépendamment de son utilité dans l'univers humain.

Il y a des cas où cela passe de l'un à l'autre: Nos ancêtres utilisaient des panses de brebis pour transporter de l'eau ou du vin.
Je sais que j'aurais pu choisir un meilleur exemple mais bon... pour dire que la fonction naturelle de la panse est celle d'un estomac de ruminant que l'homme transforme en récipient.
A savoir que dans le cas de la panse , la chose naturelle, l'homme sélectionne cet organe pour s'en servir de chose par fonction.

[alex_x]

C'est une question toute simple et pourtant c'est impossible d'en parler sans se révéler soi-même et sa vision du monde. 

La chose est ce qui est le plus près de nous et pourtant elle est souvent lointaine parce qu'elle n'occupe que peu de place dans notre esprit. 

En logique formelle, qu'une chose est égale à une autre chose semblable. L'on dira que A=A. Par exemple, une livre de sucre équivaut à une autre livre de sucre. Cela permet les échanges entre nous et pourtant cela ne peut pas tout dire sur la réalité des choses. Une chose est équivalente à une autre uniquement dans certaines conditions. Dans mon exemple, les conditions d'entreposage du sucre auront une grande influence sur la qualité. 

Les êtres humains ont tendance à ne voir que les choses utiles. Les outils. Des êtres sous la mains afin d'exécuter une tâche immédiate. En réaction à cela, des artistes ont créé des œuvres qui n'ont pas vocation à être ni utile, ni belle. 

Cela montre que notre conception des choses est comme un fleuve. Elle n'est jamais semblable à elle-même. Hegel parlait de thèse, antithèse et synthèse. Cela est vrai des choses et cela est vrai de la réalité elle-même.

[Nailsmith]

Il y a tellement de choses à dire sur la question que la chose ne veut rien dire.

[Bulle]

A part dans le roman d'Alphonse Daudet qui, en appelant son personnage "Le Petit chose" en dit en fin de compte long sur l'enfance, l'éducation, la société et l'identité à une certaine époque.

[loofrg]

J’aime bien aussi ce que dit Christian Bobin lorsqu’il dit que le  poétique s’occupe de choses qui ne sont pas des choses.

[loofrg]

Et ce que je trouve intéressant aussi concernant cette réflexion sur la chose, c’est ce à quoi elle renvoie, à savoir à notre aptitude à pouvoir considérer le monde comme fait de choses.

Je cite :

« Les articulations principales des membres ont une importance fondamentale dans la pensée des Dogons et des Bambaras du Mali. Au début des temps, les hommes n’avaient pas d’articulations, leurs membres étaient mous et ils ne pouvaient pas travailler. Les ancêtres mythiques de l’humanité actuelle furent les premiers êtres dotés d’articulations. Ils étaient du reste au nombre de huit, nombre qui devint celui de la création. (…) Avec l’apparition des hommes articulés vient celle de la troisième parole : le verbe dans sa plénitude, et celle des techniques traditionnelles propres à ces peuples, agriculture, filage, tissage, forge. » ( Dico des symboles )

Ce symbole de l’articulation est vraiment très fort je trouve, c’est une chose qu’on retrouve en métaphysique d’après ce qu’on m’a expliqué, la métaphysique dont on pourrait dire qu’elle est l’art d’articuler l’être, ceci de sorte à en dégager des principes, des lois qui pour chacun se trouve de cette manière comme objectivé, donc ramené à l’état de chose connaissable.

[alex_x]

Notre rapport aux choses et les choses eux-mêmes en disent beaucoup sur nous-mêmes.

[loofrg]

Eh oui, c'est bien vrai par exemple que le botaniste se révèle être tel de par sa manière de considérer les végétaux ; il se révèle être ce qu'il est, c'est à dire un botaniste grâce à ce regard érudit qu'il porte sur ces choses là que sont les végétaux.

[loofrg]

Par ailleurs, il y a cette belle citation de Gurdjieff je crois, Gurdjieff qui dit, de mémoire, qu'il y a toujours plus à voir derrière chaque chose.