Sujet-expérience-objet... ou expérience tout court ?

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Message par mothman Mar 21 Mai 2013 - 15:48

Quelque part dans un fil j'ai relevé ceci :

JO a écrit:le réel est homocentrique, quoi qu'on fasse, non ? La science a voulu faire comme si elle pouvait être objective à 100%, mais on sait maintenant que l'observateur fait partie de l'observation : énorme changement de vision .

Une petite remarque JO : Qui te dis que l'observateur est nécessairement un être humain ? Une seconde particule ne pourrait-elle pas assumer le rôle d'observateur de la première ?

Mais je te l'accorde, le terme induit en erreur...

Ce qui est homocentrique, c'est de croire que seul l'humain dispose de la faculté d'observation... Qu'en est-il des animaux déjà ? Et qu'en est-il des cailloux ?! Plus encore, et si cette faculté était carrément une fonction intrinsèque de l'existant ? (Type F... mon amour...)

Mais réfléchissons encore un peu, il n'est pas possible de connaitre quoi que ce soit de l'objet en soi, seule l'expérience subjective nous liant à lui est accessible. Et c'est précisément parce que cette expérience à lieu que nous supposons qu'il existe "un objet objectif" qui en est à l'origine. Sans cette expérience pour en témoigner, jamais nous n'aurions été amener à envisager la notion d'objet.

De même le sujet se dérobe, hypothétique centre de l'observation, jamais il n'est possible de l'isoler pour l'observer. Sa présence elle aussi n'est suggérée que par l'expérience qui a lieu, et pour laquelle nous supposons qu'il doive bien exister un recepteur...

Il faudrait donc considérer un Type G... qui envisagerait que tout n'est que pur tissu relationnel/expérienciel... plus d'objet... plus de sujet... juste l'expérience, qui définissait hier l'interface entre ces deux entités, et qui maintenant les dépasse, constituant alors toute la réalité jamais connaissable.

La physique a depuis longtemps supposé l'existence d'un réalité objective, la psychologie assume l'existence de la conscience, et nous tous admettons implicitement que l'expérience résulte de la confrontation entre ces deux entités, sans parvenir jamais à les cerner indépendamment l'une de l'autre. Le Type G les réduit toutes deux à la vacuité.

A ce sujet lire le livre très complet et passionnant (mais un peu aride) de M. Bitbol : "De l'intérieur du monde : Pour une philosophie et une science des relations". Il y recoupe de façon tout à fait rigoureuse (contrairement à certains délires New-age) les conséquences épistémologiques profondes de la MQ avec les analyses de Nagarjuna au sujet de l'interdépendance, philosophe bouddhiste du IIe siècle.

M. Bitbol est un homme à l'érudition et à la finesse d'analyse incomparable en ces domaines, je ne peux que chaudement recommander de lire ses livres à quiconque est curieux de "réalité" et animé d'une volonté sérieuse d'en découdre en toute rigueur avec cette énigme épistémologique poignante.

(Pour ceux qui n'auraient pas suivi ce fil : les histoires de Type F et Type G renvoient à la taxonomie exposée par Edward dans le copieux sujet "La conscience selon saint-Edouard")
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Message par M'enfin Mar 21 Mai 2013 - 17:46

JO est malheureusement contrainte à s'observer elle-même pour les prochains trois mois Mothman, je vais répondre à sa place même si je sais très bien que je ne le peux pas. sourire Car il est évident pour moi que l'objectivité n'existe pas dans la nature: mêmes les atomes de ma thèse ne seraient pas objectifs quand ils s'observent. En voulant simplifier pour aller plus vite, l'esprit humain a inventé l'idée qu'il pouvait faire de la télépathie, comprendre ce que l'autre comprend, imaginer ce qu'il imagine. Selon moi, ce concept sert l'évolution sociale quand nous imaginons les bons sentiments qu'autrui a pour nous, ou quand nous imaginons qu'il pense comme nous, et il la dessert quand nous imaginons l'inverse. Dans ce sens, philosopher sur ce thème ne servirait qu'à vouloir imposer ses idées à ce sujet, ou à vouloir faire partie d'un courant d'idée capable de se confronter à un autre courant du même type. Si l'imagination est ce que je crois, elle devrait finir par se comprendre elle-même et se prendre un peu moins au sérieux au sujet de ses propres spéculations soi-disant objectives. affraid
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Message par mothman Mar 21 Mai 2013 - 19:15

Oh mince, je ne savais pas... Et bien ça lui fera de la lecture en revenant !

Je suis d'accord sur le fond, la spéculation doit rester humble et bien lucide sur ses limites. Cependant rien n'empêche de jouer à dire les choses le mieux possible.

S'attacher à une quelconque spéculation comme absolu, c'est se leurrer jusqu'à l'os, à cause des limites même du mental qui pense. Notamment à cause de l'usage inévitable que ce dernier fait du concept, dont la vocation est de modéliser la séparation. Or tout phénomène est interdépendant avec tout le reste, si bien que rien ne légitime une séparation intérieur/extérieur, sinon le concept lui même, pris pour chose en soi.
Bref tous les concepts sont inaptes à "saisir" la réalité (objective ou pas)... Mais ils peuvent l'être plus ou moins... :)

On ne peut cependant pas nier qu'ils sont fonctionnels pour la communication de base.

Ce qui est essentiel, à mon avis, c'est de démasquer les croyances implicites et arbitraires qui se cachent derrière les raisonnements. Car malgré nous, nous sommes conditionnés à penser le réel d'une certaine façon, subconsciemment.

Par contre je crois que tu es passé à côté de l'essentiel de mon intervention : Certes l'objectivité n'existe pas, à l'heure quantique actuelle, ce point fait presque consensus chez les spécialistes. Mais j'avance que la notion de sujet et donc celle de subjectivité pourrait tout autant être un leurre. Selon moi, il se pourrait qu'il n'y ait rien qui expérimente, ni rien à expérimenter... il y a juste l'expérience.

En d'autres termes, "je" n'existe pas en tant que sujet qui expérimente, distinct ontologiquement de l'expérience qu'il fait !

Quand Descartes affirme "je pense donc je suis", il passe sous silence la méconnaissance totale de ce que ce "je" est, comme s'il s'agissait d'une évidence. Il n'en rien, loin de là. La seule chose que Descartes serait en droit d'affirmer est "il y a l'expérience de la pensée". Point.

Le "Je" est éventuellement un concept produit par cette expérience de pensée. Mais rien ne permet d'affirmer qu'il existe en soi, comme auteur de la pensée, englobant et pilotant cette dernière.

Une autre façon de le dire serait : Il n'existe pas d'objets en relation, ni de sujets en relation... il n'y a que de la relation.

Dans ce sens, philosopher sur ce thème ne servirait qu'à vouloir imposer ses idées à ce sujet, ou à vouloir faire partie d'un courant d'idée capable de se confronter à un autre courant du même type
Pas forcément imposer, mais mettre à l'épreuve et ajuster, pourquoi pas ?
Vouloir faire partie de... pas forcément. Jouer à essayer de faire de son mieux avec les moyens limités à disposition, pourquoi pas ?
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Message par M'enfin Mar 21 Mai 2013 - 19:31

mothman a écrit:Une autre façon de le dire serait : Il n'existe pas d'objets en relation, ni de sujets en relation... il n'y a que de la relation.
Mince alors, tu aurais fait le lapsus relation-reptation et tu m'aurais cloué le bec! Je l'ai échappé belle! sourire Cloué, mais pas longtemps, parce que c'est justement ce que ma thèse implique, que c'est la relation entre les choses qui induit leur masse, donc leur existence, et non les choses elles-mêmes. Encore une fois, notre reptation intellectuelle semble parfaitement synchronisée d'avance. Une rencontre miracle quoi!
Jouer à essayer de faire de son mieux avec les moyens limités à disposition, pourquoi pas ?
Encore une fois....Banco! okey
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Message par mothman Mar 21 Mai 2013 - 21:45

Mince alors, tu aurais fait le lapsus relation-reptation et tu m'aurais cloué le bec!
Mon but n'est certainement pas de te clouer le bec !

C'est la relation entre les choses qui induit leur masse
Mais vois tu... encore une fois nous supposons qu'il existe "des choses" en relation... Ce que j'essaye de dire, c'est qu'il faudrait arriver à décrire la relation à elle seule... la seule chose à considérer serait la relation... mais c'est là que ça se complique malheureusement, car notre cerveau est ainsi fait qu'il ne peut pas comprendre cela et le rendre opérationnel. A mon avis, seule les mathématiques peuvent éventuellement contourner cette difficulté, car notre bon sens est complètement perdu s'il n'a pas des choses à mettre en relation.
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Message par M'enfin Mer 22 Mai 2013 - 1:29

Spoiler:
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Message par Edouard LaHonte Ven 24 Mai 2013 - 4:18

Bonjour Mothman sourire ,

Mais réfléchissons encore un peu, il n'est pas possible de connaitre quoi que ce soit de l'objet en soi, seule l'expérience subjective nous liant à lui est accessible.

Tout à fait, c'est l'épine dans le pied du rationalisme radical. Mais...

Et c'est précisément parce que cette expérience à lieu que nous supposons qu'il existe "un objet objectif" qui en est à l'origine. Sans cette expérience pour en témoigner, jamais nous n'aurions été amener à envisager la notion d'objet.

Là, j'ai un peu de mal. dubitatif L'étrange est que nous affirmons qu'il existe un monde en dehors de nos représentations et pourtant rien ne nous permet de justifier une telle affirmation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'approche rationaliste demande à l'individu d'accepter comme brute fact ce fait sinon c'est la porte ouverte à tous les solipsismes.

Il n'y a donc pas vraiment d'experience à l'origine de cette croyance mais bien une prédisposition qui reste à expliquer. C'est aussi ce qui me semble au centre du sujet homme-animal que Dame Stirica a très bien présenté ailleurs copains . Les autres espèces ne semblent pas distinguer entre leur sphère de représentations et le monde physique, du moins leurs comportements semblent le laisser penser.

Il faudrait donc considérer un Type G... qui envisagerait que tout n'est que pur tissu relationnel/expérienciel... plus d'objet... plus de sujet... juste l'expérience, qui définissait hier l'interface entre ces deux entités, et qui maintenant les dépasse, constituant alors toute la réalité jamais connaissable.

Très intéressant ! En fait c'est vieux comme Héraclite et c'est le coeur de l'approche phénoménologique de Husserl, Heidegger à Merleau-Ponty en passant par plein d'autres. James, Peirce dans une moindre mesure et toute la sémiotique est sympathique de cette approche.

En fait plutôt qu'un type G, il s'agit d'une interprétation possible du type F, celle qui a été développée par les adeptes de la philosophie du processus. Tu remarqueras que ta définition (en gras) ressemble beaucoup à celle qui définit le concept d'information.

Le flou vient seulement de savoir si on doit penser littéralement que tout est information ou bien si tout ce qu'on peut concevoir est une information dont la substance reste inaccessible.

Un peu de S-F aide à faire le distingo : On peut imaginer que nous vivons dans une simulation informatique, à notre échelle l'information, le it from bit constitue la limite de la réalité concevable et pourtant il existe un niveau supérieur, la machine physique, l'entité responsable du programme qui sont inconcevables.
Ou bien il faudrait penser que l'univers à son échelle la plus fondamentale est de nature informationnelle, notre perception serait responsable de l'illusion de materialité.

Dans tous les cas on est bien dans le giron du type F. Il y a bien une dualité de propriété, celle de l'esprit et la matière, le problème étant de s'entendre sur ce qu'on met derrière ces mots.

hello
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Message par mothman Lun 27 Mai 2013 - 15:12

Salut Edward !

Et c'est précisément parce que cette expérience à lieu que nous supposons qu'il existe "un objet objectif" qui en est à l'origine. Sans cette expérience pour en témoigner, jamais nous n'aurions été amener à envisager la notion d'objet.

Là, j'ai un peu de mal. dubitatif L'étrange est que nous affirmons qu'il existe un monde en dehors de nos représentations et pourtant rien ne nous permet de justifier une telle affirmation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'approche rationaliste demande à l'individu d'accepter comme brute fact ce fait sinon c'est la porte ouverte à tous les solipsismes.
C'est ce que je voulais dire : postuler l'existence d'une éventuelle réalité objective sur la simple base des expériences subjectives est une prise de position totalement gratuite et injustifiée.
Même dans le cas ou lesdites expériences subjectives sont celles de multiples sujets... La seule notion de réalité qui aurait un sens serait celle de corrélations significatives entre les expériences des ces sujets. Qu'un fait soit intersubjectivé n'est toujours pas suffisant pour en faire un fait objectif indépendant de l'observation...

Certes cette position a bien fait avancer la science, jusqu'à ce que les phénomènes quantiques débarquent...

"En fait plutôt qu'un type G, il s'agit d'une interprétation possible du type F, celle qui a été développée par les adeptes de la philosophie du processus. Tu remarqueras que ta définition (en gras) ressemble beaucoup à celle qui définit le concept d'information."


Certes... et pour cause... tout se joue à mon avis autour des notions d'information et d'entropie quantique...
(J'emploi ici les notions d'information et d'entropie au sens de Von-neumann, en me permettant de faire l'amalgame entre l'information et la matrice densité)

Petit rappel de mécanique quantique pour fixer le cadre de mes interrogations :

A priori, la fonction d'onde (distribution de probabilité sur une famille d'états possibles) représente l'état de la connaissance d'un observateur sur un paramètre du système physique étudié, une fonction d'onde étalée signifie "un doute" (état d'entropie élevée). La réduction de la fonction d'onde en un pic de Dirac provoquée par la mesure signifierait alors "la levée complète de ce doute" (aboutissant à un état d'entropie nulle).

Si le système physique avait une réalité objective préexistante, on se rend bien compte que l'information à obtenir par l'observateur à la levée de ce doute devrait-être indépendante de l'acte même d'observation. Il n'en est rien : l'information à obtenir se détermine au moment précis de la mesure, pas avant (Un examen attentif de l'expérience des fentes de Young mènera la vie dure à ceux qui oseront prétendent le contraire). De plus, la détermination de l'information qui sera finalement obtenue et un processus totalement inexpliqué et aléatoire.

Ce qui fait consensus chez les épistémologistes quantique, au regard de ces faits, c'est que la fonction d'onde est la seule réalité qui ait un sens physique. La fonction d'onde EST le système physique (c'est le premier postulat de la mécanique quantique).

La mesure ne serait donc plus, contrairement à l'habitude de conception, une "extraction d'information préexistante", mais plutôt une actualisation de l'information, point. Cette actualisation serait de surcroît totalement indéterminée (Voir : "Problème de la mesure" en mécanique quantique).

Seulement, dit comme cela, on sent bien que tout n'est pas encore digéré : le mot même de mesure sous-entend qu'il y aurait une réalité objective préexistante à mesurer... alors que c'est précisément ce qui est remis en question... mais ce n'est pas tout :
qui mesure ? et qu'est-ce qui déclenche l'événement de mesure ?

Sur ces questions l'épistémologie quantique consensuelle reste dans le flou artistique...
Qui mesure ? : selon elle "L'Observateur" sans préciser le moins du monde le statut ontologique de ce drôle d'inconnu.
Pour les besoins pragmatiques, il est généralement sous-entendu qu'il s'agit d'un observateur humain, avec une tignasse grise hirsute, une blouse blanche et des lunettes en cul de bouteille que l'on appelle généralement "un scientifique de laboratoire"... Mais ce serait alors prêter à cet "observateur" le statut d'objet physique objectif... position pour le moins beaucoup trop naïve (voire même contradictoire avec le premier postulat... mais hélas fort répandue)

Qu'est-ce qui déclenche l'événement de mesure ? : Ici la MQ est totalement muette, bouche bée... elle se contente de décrire probabilistiquement ce qui se passerait si la mesure avait lieu, mais n'explique en rien la survenue de cet événement singulier, ni ce qu'il implique, à savoir la réduction instantanée et aléatoire de la fonction d'onde sur un état exclusif.

Une prise de position un peu hâtive sur ce point pourrait conduire à penser que c'est l'observateur lui-même qui est "l'auteur" de "l'acte" de mesure, ainsi que de son résultat (en gros l'observateur décide à la volée de ce qu'il va observer). Mais cela ne fait que reporter le problème : quand et comment cet observateur déclenchera-t-il la mesure ? Selon quels critères se fera la sélection de l'état réduit finalement observé ?...
"Selon son bon vouloir !" ne semble pas très scientifique comme réponse... je laisse donc la question en suspens.



Pour bien parler il faudrait distinguer deux choses : l'information (l'état quantique pré-mesure) et l'expérience (l'état réduit post-mesure), en s'appuyant sur le fait empirique que jamais il n'est fait l'expérience d'états quantiques superposés. Le chat sera toujours observé soit mort, soit vivant... pas dans un état d'incertitude hybride entre les deux. Les expériences sont donc assimilables aux états d'entropie quantique nulle uniquement.

Je pose maintenant une question : a priori, pour distinguer l'information de l'expérience, il faudrait un observateur qui puisse justifier cette distinction. Si l'on suit les indications de la MQ, qui semble disqualifier froidement la notion d'objet, on commence à se douter que si observateur il y a, il ne s'agit en aucun cas d'un objet particulier (donc pas un humain, pas un animal, pas une particule...), puisque les objets ne semblent pas exister autrement que comme expérience...
Nous avons donc affaire à un "machin" dont le statut ontologique est particulier. Ce "sujet" serait donc totalement défini par sa fonction : distinguer entre information et expérience ; et cette fonction ne pourrait raisonnablement être le propre d'aucun objet... puisque les objets n'existent que via cette fonction.

Nous voilà donc en train de bricoler une notion d'observateur désincarné... fourrant ses guêtres dans les arcanes même de dame nature puisqu'elle affecte des phénomènes relevant de l'infiniment petit...

Le flou vient seulement de savoir si on doit penser littéralement que tout est information ou bien si tout ce qu'on peut concevoir est une information dont la substance reste inaccessible.
Je ne te le fais pas dire... mais les inégalités de Bell semblent pour le moment disqualifier la seconde version (celle des théories à variable cachée)

Un peu de S-F aide à faire le distingo : On peut imaginer que nous vivons dans une simulation informatique, à notre échelle l'information, le it from bit constitue la limite de la réalité concevable et pourtant il existe un niveau supérieur, la machine physique, l'entité responsable du programme qui sont inconcevables.
Si tel était le cas, il y aurait des processus observables au sein de cette réalité virtuelle qui ne trouveraient aucune explication se limitant à considérer l’intérieur de cette réalité. Le niveau supérieur trahirait sa présence de lui-même, simplement à cause du fait que la réalité virtuelle ne renferme pas, a elle seule, sa propre dynamique (c'est d'ailleurs le cas de notre réalité, semble-t-il, puisque la réduction de la fonction d'onde semble être un processus inexplicable par des lois physiques, pour ce que nous en savons). Mais question : le simulateur existe dans son monde à lui... mais qu'en est-il si ce monde est lui-même simulé... et ainsi de suite... il faut bien qu'il existe, en bout de chaîne une réalité "mère" dont la complexité est suffisante pour simuler toutes les autres, (c'est à dire, pour ce qui nous occupe, capable de simuler sans approximation les phénomènes quantiques (au moins), cette réalité mère s'apparenterait donc à une machine de turing quantique universelle (au moins)). Même dans cette réalité mère le concept d'information va s’avérer central, puisque c'est à partir de cette réalité que s'orchestreront tous les traitements d'information des réalités subalternes ...

"Ou bien il faudrait penser que l'univers à son échelle la plus fondamentale est de nature informationnelle, notre perception serait responsable de l'illusion de materialité."

La perception de qui ? de quoi ?
L'illusion de qui? de quoi ?
Poil au doigts...

Dans tous les cas on est bien dans le giron du type F. Il y a bien une dualité de propriété, celle de l'esprit et la matière, le problème étant de s'entendre sur ce qu'on met derrière ces mots.
Si tu le dis ça me va, je suis moins versé en philo qu'en physique... mais par contre je ne vois pas la dualité que tu mentionnes si à la fois l'esprit et la matière sont abandonnés au profit de la notion "d'interface expériencielle" (une interface qui ne joindrait rien, qui serait la seule réalité)

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Message par Edouard LaHonte Mar 28 Mai 2013 - 2:44

Salut Mothman sourire ,

mais par contre je ne vois pas la dualité que tu mentionnes si à la fois l'esprit et la matière sont abandonnés au profit de la notion "d'interface expériencielle" (une interface qui ne joindrait rien, qui serait la seule réalité)

...Et pourtant tu distingues toi aussi et très bien les deux phases, la première deterministe et la suivante qui est formulée par des probabilités. Même dans le cas de l'hypothèse la plus gonflée que c'est l'observation qui est responsable de la réduction de forme d'onde, il y a bien un avant et un après.
Mais en effet, la distinction matière/esprit est plutôt floue dans ce cas. Encore une fois, la typologie en question prétend n'être qu'un état des lieux des hypothèses les plus populaires à propos du hard problem et non pas de ce qui se cache derrière la réduction de la forme d'onde en MQ.

Mais histoire de couper les nouilles jusqu'à la distance de Planck, c'est sympa sourire , poursuivons...

il y a aussi le type C qui justement propose l'hypothèse que la conscience est réductible à la matière mais que c'est à l'echelle du quantique et non pas à celle de la physique classique qu'elle emerge.

Penrose par exemple pense que la décoherence est un phénomène objectif indépendant de l'observation mais que la conscience ne peut s'expliquer dans le cadre de la physique classique. Dans ce cas il me semble qu'il n'y a pas de dualisme implicite.

Mais Stapp au contraire pense que le cerveau entier doit être considéré comme relevant de la MQ parce-que les connexions sont éléctro-chimiques. Il me semble que ton hypothèse est assez similaire, non ? dubitatif
Le problème est que rien dans les équations de la MQ ne nous dit quand et comment une observation a lieu, on est bien d'accord ?
Une fois qu'une observation a lieu, le processus se déroule selon les équations et no problemo. Mais comment peux-tu éviter une forme de dualisme pour justifier la réduction de forme d'onde si tu penses qu'elle dépend de l'observateur ? wistle
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Message par M'enfin Mer 29 Mai 2013 - 22:50

mothman a écrit:Ce qui est essentiel, à mon avis, c'est de démasquer les croyances implicites et arbitraires qui se cachent derrière les raisonnements. Car malgré nous, nous sommes conditionnés à penser le réel d'une certaine façon, subconsciemment.
Le réel pour un humain, c'est ce qui dure, et la seule chose de durable dans nos pensées a trait à nos automatismes. Dans ce sens, notre réel intellectuel, c'est notre subconscient lui-même. Quand nous pensons, c'est à notre subconscient que nous pensons et, nos croyances, ce sont tout simplement les pensées qui nous viennent de nos automatismes les plus résistants.
Par contre je crois que tu es passé à côté de l'essentiel de mon intervention : Certes l'objectivité n'existe pas, à l'heure quantique actuelle, ce point fait presque consensus chez les spécialistes. Mais j'avance que la notion de sujet et donc celle de subjectivité pourrait tout autant être un leurre. Selon moi, il se pourrait qu'il n'y ait rien qui expérimente, ni rien à expérimenter... il y a juste l'expérience.
Dans ma thèse, ce qui rendrait nos idées objectives, c'est leur rapport avec leur milieu, car une nouvelle idée viendrait de l'utilisation du hasard pour en modifier une ancienne. Dans la MQ, c'est la détection d'une particule qui déterminerait son existence, mais son futur état serait imprévisible. Dans les deux cas, le hasard est présent, mais l'avantage de ma thèse, c'est que l'interaction en cause y est bien concrète.
En d'autres termes, "je" n'existe pas en tant que sujet qui expérimente, distinct ontologiquement de l'expérience qu'il fait !
Tu peux parfaitement imaginer que tu n'existes pas mais, de mon point de vue, si tu résistes au changement que je te propose, c'est que tu existes. Ma thèse signifie qu'il faut être au moins deux pour savoir qu'on existe. sourire
Quand Descartes affirme "je pense donc je suis"...
...il n'est pas assez précis. Avec ma thèse, il aurait pu affirmer: "Je résiste au changement donc j'existe" ou plus précisément encore "Mes idées résistent au changement donc elles existent."
Le "Je" est éventuellement un concept produit par cette expérience de pensée. Mais rien ne permet d'affirmer qu'il existe en soi, comme auteur de la pensée, englobant et pilotant cette dernière.
Si notre pensée fonctionne comme je le crois, elle serait effectivement la plupart du temps sur le pilote automatique, et elle zigzaguerait au hasard le reste du temps, belle perspective n'est-ce pas? sourire
Une autre façon de le dire serait : Il n'existe pas d'objets en relation, ni de sujets en relation... il n'y a que de la relation.
Mais si cette relation était aussi inexistante que celle de l'intrication quantique, il ne nous resterait malheureusement plus rien sur quoi nous appuyer pour avancer.
Jouer à essayer de faire de son mieux avec les moyens limités à disposition, pourquoi pas ?
Ces moyens sont limités à nos connaissances, mais ils doivent demeurer concrets, sinon, on risque de ne pas découvrir grand chose de concret! sourire
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