Sagesse du pluvian
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Sagesse du pluvian
Tu vivais, fier et fort, sans jamais obéir ;
Les dieux et les démons, tu ne daignais les craindre.
Des belles qu'un chacun toujours rêvait d'étreindre,
Tu éteignais en toi le fugitif désir.
Diogène, homme serein, maître de ton loisir,
Quand s'allume un besoin, tu sais comment l'éteindre,
Tu ne convoites point ce qu'on ne peut atteindre,
Tu fais un geste simple en vue de ton plaisir.
Un empereur survient, qui admire ta vie,
Beaucoup moins que la sienne aux hommes asservie ;
Il dit un mot aimable, avant de repartir
Faire une autre conquête ou une autre victime.
Tu restes bien au frais, de toi-même l'intime,
Plus fort qu'un souverain, plus digne qu'un martyr.
Folie de Diogène
Diogène est solitaire
Et n’y voit aucun mal ;
Il s’allonge par terre
Ainsi qu’un animal,
Son oreiller de pierre
Lui donne un bon sommeil,
Au fond de ses paupières
Est un autre soleil.
La ville est bien sordide
Malgré son beau rempart ;
Mais Diogène est splendide,
Du monde il a sa part.
Le philosophe juste
A du miel en rayons ;
Le citoyen auguste
Est fier de ses haillons.
Archange vieillissant
Je veille sur un mont dont les pieds sont humides ;
J’aimerais mieux rester couché.
Ce n’est pas que je sois timide,
Mais quoi ! je voudrais me cacher.
J’aime que l’orient s’illumine de rose ;
Mais j’ai trop admiré les cieux,
Même avec les paupières closes,
J’ai trop de soleil dans les yeux.
Pourquoi ne suis-je pas ce primate éphémère,
Rejeton de l’obscurité,
Qui bâtit sa vie sans mystère,
Y compris dans sa volupté ,
Pourquoi du Créateur diriger la fanfare ?
Heureux l’humble et pauvre chasseur
Qui au sous-bois parfois s’égare !
Heureux, même lorsqu’il a peur !
Tant pis. Je suis Michel, qui jamais ne se couche,
Jamais la nuit, jamais le jour,
Michel qui jamais de sa bouche
Ne pourra dire un mot d’amour.
Océan magique
Cet océan de magie est si plein
Qu'il en surgit les formes les plus belles ;
Le vieux conteur ne peut se lasser d'elles,
Vieil océan au pouvoir plus qu'humain !
Un cheval naît de ton monde salin
Qui aussitôt à fendre l'air excelle ;
Dans son regard, je vois une étincelle
Que l'univers n'y plaça pas en vain.
Cheval dansant sur le rocher poli,
Par toi seront des monstres abolis,
Je le devine, et donc je le veux croire ;
Et moi, je fais ce bien modeste écrit
Car je ne sais lancer les vaillants cris
De Du Bellay, quand il a dit ta gloire.
Demoiselle imprudente
Un bal était donné dessus le pont du Nord ;
-- Mère, irai-je danser, demande alors Adèle ;
-- Mais non, vous n’irez point, gentille demoiselle !
Et la voici pleurant les larmes de son corps.
Mais son frère survient dans une nef en or ;
-- Dis, pourquoi pleures-tu ? -- Hélas, lui répond-elle,
Je suis privée de bal par Maman, la cruelle.
-- Mets donc ta robe blanche et grimpe vite à bord.
Sur la robe ont relui les ors de la ceinture,
Et les vollà partis, frondeuses créatures,
La belle fille au bras du vaillant fils aîné.
À danser dans la nuit, quelques instants s’écoulent,
Quelques instants, pas plus, et puis le pont s’écroule :
Sachez-le, c’est le sort des enfants obstinés.
Sagesse de René Char
René Char, tu connais la perversion du monde ;
Et tu as, pour cela, beaucoup à lui donner.
Tu vois un labyrinthe et, sans être étonné,
Tu décris en trois mots sa structure féconde.
L'aiguillon sous ta main devient une fleurette,
De la même façon, tu arrondis l'éclair ;
Oiseau, serpent et chien sont tes frères de chair,
Ton coeur vibre toujours quand ton marteau s'arrête.
Tu as rempli ta vie de quelques folles feuilles,
Brûlant un vieux bouquin dans l'étendue des vents ;
La plage te plaît bien, tu y marches souvent,
Ta plume s'y repose et ton coeur s'y recueille.
Lointains collègues
Les rimeurs d'autrefois sont des gens que j'adore.
Je recherche leurs vers en tout temps, en tout lieu,
Eux qui, plus d'une fois, m'en mettent plein les yeux,
Ainsi que fait au ciel la Boréale Aurore.
Et peut-il de ma plume un tel langage éclore,
Moi que sous ce rapport n'ont point béni les dieux ?
Il ne m'importe guère, et je fais de mon mieux
Pour que l'alexandrin aujourd'hui vive encore.
Ce verdoyant jardin, s'il est assez petit,
A quelques végétaux pas trop mal assortis ;
Les saisons de l'année à travers lui sont belles.
Et je dis à l'hiver, le voyant revenir,
Que ma muse jamais ne l'en va retenir,
Car même lui, si froid, eut des bontés pour elle.
Sagesse d’un poète du temps jadis
Ce rhapsode, d’abord, était heureux de vivre ;
Avec ses longs cheveux qui flottaient dans le vent,
Sur les fleuves de Chine il allait dérivant,
Ayant sur son radeau bouteilles et vieux livres.
Si la rive portait un sombre cimetière,
Il récitait tout bas les prières des morts,
Leur disant : Dormez bien, le monde oublie vos torts
Et la terre reprend votre auguste matière.
Si le fleuve passait auprès d’une terrasse,
Il trinquait d’assez loin avec tous les buveurs,
Et puis, il reprenait son parcours de rêveur
Limpide, comme l’est le grand fleuve qui passe.
Chanson du roi d'amour épris
-- Que fais-tu loin du fleuve, ondine,
Que fais-tu loin des flots ?
-- Je cherche celle qui domine
Mon petit coeur pâlot.
-- Va donc la quérir dans la plaine
Où pousse un champ de lin :
Elle y était l’autre semaine
Avec un troll malin.
-- Plaine qui bordes le grand fleuve,
Qu’as-tu vu, s’il te plaît ?
-- J’ai vu la fille en robe neuve
S’en aller au palais.
-- Roi, rendez-moi mon amoureuse,
Un harem vous avez ;
Et par votre route pierreuse,
Nous pourrons nous sauver.
-- Je suis amoureux, pauvre ondine,
Donc, je ne suis plus roi ;
Licorne, reine ou gourgandine,
L’amante fait sa loi.
Dernière édition par Cochonfucius le Mer 3 Déc 2014 - 14:54, édité 1 fois
Amour nelliganien
Émile voit en rêve une dame charmante,
Avec grande douceur il en est regardé ;
Sur son dernier sonnet la vierge complimente
Le délicieux auteur, par les muses guidé.
Lui faisant oublier le mal qui le tourmente,
L'angélique harmonie calme un coeur saccadé ;
On lit dans le regard de la sainte clémente
Le pardon pour l'enfant, de l'école évadé.
Émile cependant de ses yeux ne la quitte,
Tel un flâneur ayant trouvé une pépite
D'or au fond d'un torrent dévalant à grands traits ;
Tel un insecte pris dans l'amour d'une flamme,
Il voudrait que jamais ne parte cette dame
Qui pour lui seul, le soir, au dortoir apparaît.
Un hommage à Pouchkine
Le fier Oleg sur un cheval
De son palais s’éloigne ;
Plus d’un ministre et d’un vassal
De sa grandeur témoignent.
Ils trouvent, au bout d’un moment,
Pas très loin du rivage,
De vénérables ossements
Sous les herbes sauvages.
Le prince a posé son soulier
Doucement sur le crâne
Du cheval, jadis familier ;
Puis il parle à ses mânes.
-- « Dors, solitaire compagnon,
Te survit ton vieux maître ;
Et quand mes derniers jours viendront,
Tu ne pourras renaître
Pour offrir ton sang chaleureux
Sur ma tombe vermeille ».
Mais caché dans l’ossement creux
Un serpent se réveille :
Il s’enroule autour du talon
Comme une corde mince.
À peine un cri, ce n’est pas long,
Et c’est la fin du prince.
Sagesse de Ronsard
Plus que les fleurs, quelques mots de ta main
Font ton amante assurément ravie :
Car les fleurs n’ont qu’un bref moment de vie
Et tes écrits, les vastes lendemains.
Ronsard, devant ce triomphe certain,
Tu sais garder ta douce modestie ;
Jamais ta foi n’avance travestie,
Ni ne s’abrite en de grands mots latins,
Mais en chansons qui font rêver les dames,
En madrigaux qui attisent leur flamme,
Sans nul besoin de les faire trop longs.
À celle qui te semble la plus belle,
Tu lui écris quelques strophes nouvelles
Que tu lui lis dans un ombreux vallon.
Commerçants nostalgiques
Nous sommes les marchands aux superbes vitrines ;
Si nous en sommes fiers, nous regrettons pourtant
Le temps ou notre enseigne était d’or éclatant,
De gueules, de sinople ou de sable ou d’hermine.
De l’or pour le bistro que la bière illumine ;
Azur aux couturiers, lesquels nous vont vêtant
Et préservant nos corps contre le mauvais temps ;
Sable pour l’écrivain dont la plume chemine.
Pour meubles, nous avions les outils des métiers,
Soufflet du forgeron et grands seaux du laitier ;
Long couteau du boucher ; pour le coiffeur, un peigne.
Le bon client lisait ces marques de couleur
Comme une abeille lit le langage des fleurs,
Commerçants, nous étions logés à bonne enseigne.
Vie et mort d'un poète
La vie est le brumeux chemin,
La mort, le couchant rose ;
Vieil homme, en regardant tes mains,
Tu peux rire, sans cause.
La vie est le poids des talons
Sur les sentiers de terre,
Nous conduisant vers des vallons
Dépourvus de mystère.
Ma tête s’emplit de sommeil
Et veut être posée
Dessous un feuillage vermeil,
Qu’importe la rosée.
Saint Nicolas sur la route
Saint Nicolas, quand vient son jour béni, calcule
Combien d'enfants il doit rencontrer en chemin ;
Clepsydre, sablier, calendrier romain,
Et le gros agenda, puis, la vieille pendule.
Tout chargé de cadeaux, le gentil saint circule,
Saluant son public avec ses belles mains ;
Car, pour se reposer, ils attendront demain,
L'évêque et l'âne gris qui jamais ne recule.
Heureux si sur sa route il croise Dupanloup,
C'est l'occasion de rire et de boire un bon coup,
Un généreux godet de liqueur de prunelle.
On entend résonner, dans le fond du tripot,
Leur discours babillant de mots épiscopaux,
Félix et Nicolas, à leur mythe fidèles.
La poésie du passé
Poésie d’autrefois, pourquoi es-tu si belle ?
Tu ornes à nos yeux la naissance du jour,
Tu ferais presque croire aux vertus de l’amour,
Tu bénis plusieurs noms de louange éternelle.
La rime d’aujourd’hui a des atouts pour elle,
Et peut agrémenter le terrestre séjour ;
Il sied que nous prenions la plume à notre tour
Pour donner aux lecteurs des productions nouvelles.
Mais Pierre de Ronsard ! Quel flambeau, quel soleil
Brillant sur les forêts aux feuilles de vermeil,
Rayonnant de candeur, même lorsqu’il est sombre.
Nous sommes des mortels venant après des dieux,
Heureux quand nous avons du soleil dans les yeux ;
Un tel astre, pourtant, ce n’est guère qu’une ombre.
Amnésie temporaire
Qu'est donc cela ?
Je l'avais su,
Je le sais plus ;
Car tout s'en va.
Au dictionnaire on le verra
(Le relisant par le menu) ;
Au dictionnaire ou dans un tas
De papiers des temps révolus.
Je l'ai vécu,
Cet embarras :
Ce que j'ai vu,
Qu'est donc cela ?
Storni voit un phare
Le ciel, un globe de noirceur ;
La mer, du noir sans épaisseur.
Le phare s'adresse à la terre
Avec son éventail solaire.
Lui qui sans cesse tourne et luit,
Qui cherche-t-il en cette nuit ?
Veut-il, en ma poitrine frêle,
Voir mon coeur, cette chair mortelle ?
Regarde donc ce noir rocher
Auquel il se tient accroché :
Un corbeau toujours le picore,
Je ne crois pas qu’il saigne encore.
Les sept renards
Non loin du Pôle Nord vit le renard d’argent ;
De gueules, son cousin lui fait guerre jurée,
Par le goupil d’azur rarement arbitrée.
Le goupil d’or ne va jamais où sont les gens.
Le renard de sinople erre invisiblement
Au pays savoureux des lurettes fourrées ;
Le blanc goupil d’hermine à la griffe acérée
Contre tout ennemi se bat, terriblement,
Que ce soit l’ours du bois, le démon des fougères
Le troll de bière empli, la licorne légère
Ou la chimère prompte à sortir de ses gonds ;
Celui que je préfère est le renard de sable.
Il fait en promenade un compagnon passable,
Et du blasonnement capte bien le jargon.
Les sept nations
En Terre d’Argent sont personnes fort civiles
Qui toujours du bon sens adoptent le parti ;
En Terre d’Azur sont des esprits amortis
Qui devant le labeur chaque jour se défilent.
De Gueules la Terre a des messieurs bien fragiles
Et, qui plus est, ce sont de parfaits abrutis.
En Terre d’Or ils sont du vice repentis :
Cette démarche, en soi, me semble fort utile.
En Terre de Sinople on charrie des fardeaux
Même pendant la nuit, quand brûlent les flambeaux ;
Gens de Terre d’Hermine, on ne peut faire pire,
Traitent tous les débats à coups de calembours.
S’il est un endroit qui convient à mes vieux jours,
C’est la Terre de Sable, un agréable empire.
Vieux jardins
Irai-je en tes coteaux, terre des hautes herbes ?
Pays de joyeux vignerons !
Le vin dans les godets brille d'un feu superbe :
Sans tarder, nous irons.
Quand Rilke parcourut tes différents étages,
Il avait le coeur vigilant ;
Surtout en traversant ces jardins qui engagent
À prendre un rythme un peu plus lent.
Chimère de sinople
Garde-toi d'éveiller la chimère qui dort !
N'approche même pas en rêve de sa couche ;
Tu devrais le savoir, c'est un bestiau très louche,
Si tu ne me crois pas, demande au goupil d'or.
D'un lion de la savane elle arbore le corps ;
Mais son chef est celui d'une vierge farouche.
Malheur à l'animal imprudent qui la touche !
C'est très déconseillé, sauf pour chercher la mort.
Toutefois, ce n'est point une bête de proie :
Grignoter quelques fruits est pour elle une joie,
Dans lesquels, au matin, jubilante, elle mord ;
En habit de sinople, elle parcourt la Terre,
Disant : Je suis la noble et puissante Chimère,
Je me passe de muse autant que de mentor.
Sur une exoplanète
Dans une plaine aux rochers d'ambre,
Chaque maison est faite en or.
On ne voit personne dehors
Car il fait plus frais dans leurs chambres.
La plaine est peuplée de chimères
Qui font un vin pas trop mauvais.
J'irais là, si je le pouvais,
Boire avec ces braves commères.
D'ailleurs, tu m'y verras, peut-être,
Si tu dors, dans la nuit qui vient,
Et si ton rêve avec le mien
Partage une même fenêtre !
Licorne de banlieue
La licorne a suivi les berges de la Seine ;
C’est un jour comme un autre, et c’est presque le soir.
L’horizon par endroits se festonne de noir,
Comme s’il abritait une forêt lointaine.
Nulle senteur de thym ou bien de marjolaine ;
Mais le flot de sinople a des reflets d’espoir
Et, du jour déclinant fantaisiste miroir,
Au fil du lent parcours trace des formes vaines.
-- Licorne, réponds-moi, dans ta sincérité !
Vas-tu le long des eaux quérir des vérités
Que l’on peut seulement trouver dans la nature ?
-- Non, c’est par les poissons, des plus fins et menus,
Que se trouve aujourd’hui mon esprit retenu :
À l’auberge du port, ils les font en friture.
Dame des houles
Sur l'Armorique une voix
Portée par la brise, tinte
En traversant les grands bois ;
Une voix jadis éteinte.
La mer froide a des frissons ;
Surtout quand du ponant viennent
De la Dame les chansons
Qui d'autrefois se souviennent.
C'est une sirène d'or,
Son dos, sa queue, sa crinière,
Chaque partie de son corps
Est un trésor de lumière.
Chacun de ses mouvements
Dévoile un fort caractère ;
Que seront ses sentiments,
Sinon ceux d'une panthère ?
Ah, si cet être est fictif,
Puisse ma chair vagabonde
Rejoindre son corps lascif,
Baigner dans sa lueur blonde !
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