Danses polonaises
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Re: Danses polonaises
LXIX
Dans un ancien désert, vivait un vieux fennec,
Qui avait vu passer deux mille caravanes.
Des eaux bordant le nord, jusqu'au sud des savanes,
Il connaissait le monde et ses salamalecs.
Or, un lynx venu des nuits hyperboréennes
Se trouva perdu dans l'immensité de l'erg.
Vivant ou mort, demandez-donc à Heisenberg,
Il avançait sous les chaleurs cyclopéennes.
"Que fais-tu, ensablé ? demanda le fennec,
Tu viens du grand nord et tu n'as pas la fourrure
Pour t'adapter ici, vraiment la démesure
A dû mener ton corps jusqu'à ces pays secs !"
"Hélas, lui dit le lynx, je recherche un refuge
Pour soigner mon esprit sombre et désabusé.
Je marche depuis l'aube et l'étoile a fusé
Loin de moi, dans les nues, quel vilain subterfuge".
Le fennec guida le lynx vers une oasis
Où celui-ci put rire, et se désaltérer,
Rafraîchir, un instant, son visage altéré,
Avant de subir à nouveau la Némésis.
Il allait repartir, quand il tourna la tête,
Car le fennec lui dit "conserve pur ton cœur,
Ouvert à la beauté, sans regrets ni rancœur,
La vie est courte, ainsi, vis-la comme une fête".
La légende dit que le lynx aurait connu,
Sur la fin du chemin, la grande magicienne
Qui dévoila pour lui la flamme et l'obsidienne,
Mais de ces secrets-là, personne n'a rien su.
Dans un ancien désert, vivait un vieux fennec,
Qui avait vu passer deux mille caravanes.
Des eaux bordant le nord, jusqu'au sud des savanes,
Il connaissait le monde et ses salamalecs.
Or, un lynx venu des nuits hyperboréennes
Se trouva perdu dans l'immensité de l'erg.
Vivant ou mort, demandez-donc à Heisenberg,
Il avançait sous les chaleurs cyclopéennes.
"Que fais-tu, ensablé ? demanda le fennec,
Tu viens du grand nord et tu n'as pas la fourrure
Pour t'adapter ici, vraiment la démesure
A dû mener ton corps jusqu'à ces pays secs !"
"Hélas, lui dit le lynx, je recherche un refuge
Pour soigner mon esprit sombre et désabusé.
Je marche depuis l'aube et l'étoile a fusé
Loin de moi, dans les nues, quel vilain subterfuge".
Le fennec guida le lynx vers une oasis
Où celui-ci put rire, et se désaltérer,
Rafraîchir, un instant, son visage altéré,
Avant de subir à nouveau la Némésis.
Il allait repartir, quand il tourna la tête,
Car le fennec lui dit "conserve pur ton cœur,
Ouvert à la beauté, sans regrets ni rancœur,
La vie est courte, ainsi, vis-la comme une fête".
La légende dit que le lynx aurait connu,
Sur la fin du chemin, la grande magicienne
Qui dévoila pour lui la flamme et l'obsidienne,
Mais de ces secrets-là, personne n'a rien su.
Dari- Affranchi des Paradoxes
- Nombre de messages : 357
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Re: Danses polonaises
Ce sont là, on dirait, de petits clins d'œil discrets à quelques sujets de ce forum et tout à la fois métaphysiques...Dari a écrit:Or, un lynx venu des nuits hyperboréennes
Se trouva perdu dans l'immensité de l'erg.
Vivant ou mort, demandez-donc à Heisenberg,
Il avançait sous les chaleurs cyclopéennes.
[...]
Il allait repartir, quand il tourna la tête,
Car le fennec lui dit "conserve pur ton cœur,
Ouvert à la beauté, sans regrets ni rancœur,
La vie est courte, ainsi, vis-la comme une fête".
[...]
La légende dit que le lynx aurait connu,
Sur la fin du chemin, la grande magicienne
Qui dévoila pour lui la flamme et l'obsidienne,
Mais de ces secrets-là, personne n'a rien su.
C'était voulu ou est-ce le fait de synchronicités?
Bien tourné, en tout cas... Bravo.
ronron- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Danses polonaises
J'imagine que les interrogations qui nous émeuvent sont plus ou moins les mêmes, seule diffère notre façon d'y répondre ; finalement, les grandes questions qui nous agitent reviennent, d'où les "synchronicités". Pour ma part, je ne comprends pas grand-chose à la métaphysique. Je lis parfois les sujets du forum, mais je sais trop peu de choses pour y participer. J'essaie de pallier l'absence de certitudes en essayant d'en faire quelque chose de vaguement joli. Ça me fait du bien de le faire, j'espère que ça fait parfois du bien à qui les lit...
Dari- Affranchi des Paradoxes
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Re: Danses polonaises
Dans la forêt de la vie,
Le temps passe – si vite, si vite !
Au bord de la Loire,
Fleuve des mille trésors antiques enfouis,
Le plaisir et la douleur : deux faces d'une même pièce de bronze.
Est-ce un étourneau dans les airs
Dont les ailes bruissent légèrement ?
Descendre, encore, descendre,
Dans l'entonnoir
Du désespoir.
Est-ce une corneille sur la branche
Dont le rire moqueur
Blesse mon cœur ?
Il semblerait que la souffrance
Soit la plus fidèle des amies ;
Elle, chère et tendre, elle, jamais ne m'abandonne.
Dans la forêt de la vie,
La joie passe – si vite, si vite !
Nos spectres s'entremêlent,
Dans une fugue
Irradiant l'ironie du destin,
Et qui serait sublime,
Ne serait-ce (trivial) le martyre du corps.
Les oracles lointains disent la béatitude atroce du soleil.
Qui aurait cru que les dieux
Avaient un humour si noir ?
Dans l'ombre, je supplie la plénitude du ciel ;
Lumière éternelle accrochée
À une échancrure dans les nuages.
Et la beauté se consume, plus rapidement qu'une cigarette,
Et ce qu'il reste de nous, anges sombres et frivoles,
Sera un beau sourire, sur un calme squelette.
Dans la forêt de la vie,
Le bonheur passe – si vite, si vite !
J'avais tant de choses à te dire, tant de choses à entendre,
Nous avions tant d'expériences passionnantes à mener ensemble...
Mais la virevolte des notes, à chaque instant
De cette valse effrénée
Nous rapproche (heureusement) de la quiétude du tombeau.
J'avais ce baiser mourant sur les lèvres,
Papillon palpitant
D'impatience, d'ardeur sexuelle
Et de futilité enfantine.
Et tu riais de moi, à cause de cet élan naïf !
Maintenant, je suis serein, et presque sans désir,
Mon regard affable,
(Enfin) sans noirceur,
Est semblable à celui d'un gisant.
Dans la forêt de la vie,
L'espoir passe – si vite, si vite !
Nul chariot endiablé ne m'emmène à son bord,
De manière assez leste,
Quand toute la terrible lenteur
Des journées mornes et des fleurs,
Pourrissantes – sont-elles assez fanées ? –
Se fige dans un rond de fumée.
La vie passe-t-elle,
Est-elle passée ?
Le temps passe – si vite, si vite !
Au bord de la Loire,
Fleuve des mille trésors antiques enfouis,
Le plaisir et la douleur : deux faces d'une même pièce de bronze.
Est-ce un étourneau dans les airs
Dont les ailes bruissent légèrement ?
Descendre, encore, descendre,
Dans l'entonnoir
Du désespoir.
Est-ce une corneille sur la branche
Dont le rire moqueur
Blesse mon cœur ?
Il semblerait que la souffrance
Soit la plus fidèle des amies ;
Elle, chère et tendre, elle, jamais ne m'abandonne.
Dans la forêt de la vie,
La joie passe – si vite, si vite !
Nos spectres s'entremêlent,
Dans une fugue
Irradiant l'ironie du destin,
Et qui serait sublime,
Ne serait-ce (trivial) le martyre du corps.
Les oracles lointains disent la béatitude atroce du soleil.
Qui aurait cru que les dieux
Avaient un humour si noir ?
Dans l'ombre, je supplie la plénitude du ciel ;
Lumière éternelle accrochée
À une échancrure dans les nuages.
Et la beauté se consume, plus rapidement qu'une cigarette,
Et ce qu'il reste de nous, anges sombres et frivoles,
Sera un beau sourire, sur un calme squelette.
Dans la forêt de la vie,
Le bonheur passe – si vite, si vite !
J'avais tant de choses à te dire, tant de choses à entendre,
Nous avions tant d'expériences passionnantes à mener ensemble...
Mais la virevolte des notes, à chaque instant
De cette valse effrénée
Nous rapproche (heureusement) de la quiétude du tombeau.
J'avais ce baiser mourant sur les lèvres,
Papillon palpitant
D'impatience, d'ardeur sexuelle
Et de futilité enfantine.
Et tu riais de moi, à cause de cet élan naïf !
Maintenant, je suis serein, et presque sans désir,
Mon regard affable,
(Enfin) sans noirceur,
Est semblable à celui d'un gisant.
Dans la forêt de la vie,
L'espoir passe – si vite, si vite !
Nul chariot endiablé ne m'emmène à son bord,
De manière assez leste,
Quand toute la terrible lenteur
Des journées mornes et des fleurs,
Pourrissantes – sont-elles assez fanées ? –
Se fige dans un rond de fumée.
La vie passe-t-elle,
Est-elle passée ?
Dari- Affranchi des Paradoxes
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Re: Danses polonaises
Allongé dans les bras d'une muse accueillante,
La lumière a percé l'épaisseur du sommeil.
Mes yeux se sont ouverts sous l'effet du soleil,
Le fond de l'air empli de douceur bienveillante.
Quelle ombre chatoyante a touché mes paupières,
Effleurant le rêve âpre où marchait ma conscience ?
Un reflet fugitif, inconnu de la science,
Évaporé, déjà, dans un souffle de pierre...
Tout va si vite, ainsi, transformé dans les limbes :
La voix qui se réjouit, et la voix qui regimbe,
Emmêlées dans un vent d'argile et de satin.
Quand je peux, je dessine un couplet sur le sable,
Oh, rien de bien sorcier, ni rien d'impérissable,
Un peu de volupté, au calme du matin.
La lumière a percé l'épaisseur du sommeil.
Mes yeux se sont ouverts sous l'effet du soleil,
Le fond de l'air empli de douceur bienveillante.
Quelle ombre chatoyante a touché mes paupières,
Effleurant le rêve âpre où marchait ma conscience ?
Un reflet fugitif, inconnu de la science,
Évaporé, déjà, dans un souffle de pierre...
Tout va si vite, ainsi, transformé dans les limbes :
La voix qui se réjouit, et la voix qui regimbe,
Emmêlées dans un vent d'argile et de satin.
Quand je peux, je dessine un couplet sur le sable,
Oh, rien de bien sorcier, ni rien d'impérissable,
Un peu de volupté, au calme du matin.
Dari- Affranchi des Paradoxes
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Re: Danses polonaises
1°
Dans la brume du nord, à bord d’un vieux navire,
Un capitaine était fatigué des rivages.
Il préférait voguer sur les flots bleus sauvages,
Et restait sur le pont qui, sous le grain, chavire.
Il était dégoûté du commerce des hommes,
Ayant vu le même tableau dans tous les ports,
Et sans se l’avouer, il pensait à la mort,
Qui vient pour effacer toute douleur, en somme.
Un marin plus malin que d’autres camarades
Vit que son chef était las de ces mascarades ;
Il s’approcha de lui, mais sans rien oser dire.
Longtemps, les deux amis contemplèrent la mer
Pleine, en ses profondeurs, d’ombres et de chimères.
Que sont-ils devenus, qui saurait le prédire ?
2°
Quel pouvoir éthéré lové dans le langage
Fera vivre à nouveau le feu qui s’est éteint ?
Le sang coulant du ciel servira-t-il de gage
À la réalité qu’un pauvre fou dépeint ?
Puissance incantatoire du verbe et de l’incise
Réveillant les contrées endormies par l’hiver ;
Printemps qui, démasqué dans la prose indécise,
Aura trouvé refuge au mouvement des vers.
Ces sonnets, dérision manifeste et tangible,
De Berlin à Tanger, sous un ciel impassible,
Ne feront pas revivre un espoir déjà mort.
Alors, à quoi bon les césures et les rimes,
Faibles élans (ratés) d’approcher le sublime,
A quoi bon, pour finir, ces risibles efforts ?
3°
Tu t’es envolé dans les airs
Avec les oiseaux et les rêves.
Ton corps est resté sur la terre
Allongé au bord de la grève.
Ceux qui t’aimaient, trop effarés,
N’en auront pas cru leurs oreilles :
Rien ne peut être réparé,
Les nuits ne seront plus pareilles.
Nous tentons de trouver un sens
Dans la grotesque absurdité
D’un monde plein de ton absence,
Entre vacarme et surdité.
Mais les regrets et les remords
Tapissant l’esprit de tes frères,
Fleurissant en bouquets de mort,
Ne mènent pas à la lumière.
Dès lors, le silence est le roi
De ces journées sans feu ni fièvre.
Et quand, parfois, je pense à toi,
Un court soupir me vient aux lèvres.
4°
J’attends que le jour passe et que le ciel décline,
J’attends que le manteau de la nuit me recouvre.
Quand l’ombre gagne enfin le flanc de ces collines
L’obscurité descend, comme une porte s’ouvre.
Dans les ténèbres, là, sans témoin, sans message,
Je demeure immobile, exsangue et dégoûté,
Ressentant la fureur du vent dans le passage,
Sans sagesse, abattu, sceptique et dérouté.
Les instants lumineux se perdent sur la lande,
Les bruits parasites s’inscrivent sur la bande,
Je ne sais plus comment retrouver le chemin.
Que cet adieu me coûte, et m’arrache à moi-même,
Vieux déjà, je dois renoncer à ce que j’aime,
Un peu de sable blanc glisse alors de ma main.
5°
Le carnet de ma vie se déploie sous mes yeux :
Je vois s’en détacher, dans les soirs bleus d’orage,
La calligraphie des souterrains et des cieux,
Livre ouvert, mais je dois déjà tourner la page.
Quelle mélancolie puissante et sans limites,
Irriguant mes idées, fleuve trouble et profond,
Fit déborder le vase ? Et le sang qui s’irrite
Ne pourra s’échapper de cet enfer d’un bond.
Dans mon âme, un démon chante un psaume inversé ;
Tombant dans l’infini, ce rocher renversé,
Que nous nommions jadis loyauté des amis,
Chute sans fin vers l’eau noire et sale du ciel,
Et moi, réfugié dans un songe artificiel,
J’oublie, pour un instant, du monde l’infamie.
6°
Les chants des militants sont pleins de convictions,
Gonflés d’une éloquence alerte et furibonde ;
Ils disent le désir de transformer le monde,
Méprisant la beauté sans objet des fictions.
Leur énergie n’est pas dispensée dans le vide,
Car pour eux, ce chemin mène vers la lumière,
Transportant leurs slogans de chaumière en chaumière
Ils ne redoutent pas l’appel de l’erg aride.
J’aimerai tant les suivre aux sentiers de l’honneur,
Combattre les méchants, faire cesser les pleurs,
Rendre le sourire à la veuve et l’orphelin.
Mais reître sans drapeau, dilettante et poète,
Qui ne sait que trembler, ici, de fête en fête,
Je reste inutile, indolent comme un félin.
7°
J’écris probablement pour combler le grand vide
Qui, quelquefois, m’étreint dans le flux des sanglots.
Désir, espoir, souffrance – ennui, fleur insipide –
Tout sera, un beau jour, balayé par les flots.
Et je ne veux laisser, par ici, comme trace,
Que ces quelques fragments de poésie marine,
Reflets modernes d’un ancien rituel thrace ;
Un fugace rayon de lumière octarine.
Un jour, un jour enfin, la douleur va se taire,
Il ne sera plus temps de faire l’inventaire,
J’ouvrirai les bras et me laisserait partir,
Partir sans résister, vers l’au-delà du voile,
Avec, encore, au cœur la chaleur de l’étoile,
Je laisserai les fleurs de ma vie s’écartir.
8°
J’ai touché la rive de cet enfer livide,
Sans colère et sans joie, sans rire et sans musique.
Vaste étendue blanchâtre, où plus rien n’est valide :
Ni beauté, ni raison, ni chanson, ni logique.
Silence assourdissant qui boit les harmoniques,
Dans lequel voir passer, en cercles, les vautours.
Rien d’humain par ici, pas un cri pathétique
Ne vient peupler ce vide immense et sans amour.
Nul chant ne vient troubler cette agonie sans fin,
L’aigle déchiquetant cette âme honnie, enfin,
Ne laisse de répit qu’au plus sombre baron,
Celui qui répéta : ta faute est éternelle,
Le prix en sera ta douleur sempiternelle,
Jusqu’au jour de donner ton obole à Charron.
9°
Je ressors des enfers, Orphée des temps modernes,
Le chant du désarroi me tient lieu de prière.
Comme lui, je suis descendu dans ces cavernes,
Mais je remonte sans un regard en arrière.
Il faut grimper, grimper, sans égard pour le sol
Friable et dangereux s’effritant sous nos pas.
Ignorer le démon qui me tend ses alcools,
Et qui dit à mon cœur : d’ici, on ne part pas.
En entendant la plainte âpre et lente des morts,
Ne pas se retourner, poursuivre son effort,
Ne pas perdre de vue la lointaine lumière
Scintillant jusqu’ici, du haut de la montagne,
Marcher jusqu’à toucher à nouveau la campagne,
Eurydice attendra sur un bord de rivière.
10°
Il y a un monde de lumière
Contenu dans ton fin sourire.
Et parfois quand je t’entends rire
J’oublie la douleur et la guerre.
Il n’y a qu’un chemin qui vaille,
Cet étroit sentier qui s’élève.
La vie qui ressemble à un rêve
Est une fleur sur la pierraille.
Combien de mètres nous séparent
Du sommet, oh, combien de pas ?
Combien de temps ? Je ne sais pas,
Mais seuls ceux qui sont fous s’égarent.
Bientôt, tu seras sur la cime,
Tu verras le vaste horizon,
Pourras-tu garder ta raison
Face à ce spectacle sublime ?
La vie est un trésor offert
Pour qui sait lire la notice,
Un jardin rempli de délices
Pour qui sait arpenter la terre.
Il y a un monde de lumière
Contenu dans ton fin sourire.
Et parfois quand je t’entends rire
La vie paraît enfin légère.
Dans la brume du nord, à bord d’un vieux navire,
Un capitaine était fatigué des rivages.
Il préférait voguer sur les flots bleus sauvages,
Et restait sur le pont qui, sous le grain, chavire.
Il était dégoûté du commerce des hommes,
Ayant vu le même tableau dans tous les ports,
Et sans se l’avouer, il pensait à la mort,
Qui vient pour effacer toute douleur, en somme.
Un marin plus malin que d’autres camarades
Vit que son chef était las de ces mascarades ;
Il s’approcha de lui, mais sans rien oser dire.
Longtemps, les deux amis contemplèrent la mer
Pleine, en ses profondeurs, d’ombres et de chimères.
Que sont-ils devenus, qui saurait le prédire ?
2°
Quel pouvoir éthéré lové dans le langage
Fera vivre à nouveau le feu qui s’est éteint ?
Le sang coulant du ciel servira-t-il de gage
À la réalité qu’un pauvre fou dépeint ?
Puissance incantatoire du verbe et de l’incise
Réveillant les contrées endormies par l’hiver ;
Printemps qui, démasqué dans la prose indécise,
Aura trouvé refuge au mouvement des vers.
Ces sonnets, dérision manifeste et tangible,
De Berlin à Tanger, sous un ciel impassible,
Ne feront pas revivre un espoir déjà mort.
Alors, à quoi bon les césures et les rimes,
Faibles élans (ratés) d’approcher le sublime,
A quoi bon, pour finir, ces risibles efforts ?
3°
Tu t’es envolé dans les airs
Avec les oiseaux et les rêves.
Ton corps est resté sur la terre
Allongé au bord de la grève.
Ceux qui t’aimaient, trop effarés,
N’en auront pas cru leurs oreilles :
Rien ne peut être réparé,
Les nuits ne seront plus pareilles.
Nous tentons de trouver un sens
Dans la grotesque absurdité
D’un monde plein de ton absence,
Entre vacarme et surdité.
Mais les regrets et les remords
Tapissant l’esprit de tes frères,
Fleurissant en bouquets de mort,
Ne mènent pas à la lumière.
Dès lors, le silence est le roi
De ces journées sans feu ni fièvre.
Et quand, parfois, je pense à toi,
Un court soupir me vient aux lèvres.
4°
J’attends que le jour passe et que le ciel décline,
J’attends que le manteau de la nuit me recouvre.
Quand l’ombre gagne enfin le flanc de ces collines
L’obscurité descend, comme une porte s’ouvre.
Dans les ténèbres, là, sans témoin, sans message,
Je demeure immobile, exsangue et dégoûté,
Ressentant la fureur du vent dans le passage,
Sans sagesse, abattu, sceptique et dérouté.
Les instants lumineux se perdent sur la lande,
Les bruits parasites s’inscrivent sur la bande,
Je ne sais plus comment retrouver le chemin.
Que cet adieu me coûte, et m’arrache à moi-même,
Vieux déjà, je dois renoncer à ce que j’aime,
Un peu de sable blanc glisse alors de ma main.
5°
Le carnet de ma vie se déploie sous mes yeux :
Je vois s’en détacher, dans les soirs bleus d’orage,
La calligraphie des souterrains et des cieux,
Livre ouvert, mais je dois déjà tourner la page.
Quelle mélancolie puissante et sans limites,
Irriguant mes idées, fleuve trouble et profond,
Fit déborder le vase ? Et le sang qui s’irrite
Ne pourra s’échapper de cet enfer d’un bond.
Dans mon âme, un démon chante un psaume inversé ;
Tombant dans l’infini, ce rocher renversé,
Que nous nommions jadis loyauté des amis,
Chute sans fin vers l’eau noire et sale du ciel,
Et moi, réfugié dans un songe artificiel,
J’oublie, pour un instant, du monde l’infamie.
6°
Les chants des militants sont pleins de convictions,
Gonflés d’une éloquence alerte et furibonde ;
Ils disent le désir de transformer le monde,
Méprisant la beauté sans objet des fictions.
Leur énergie n’est pas dispensée dans le vide,
Car pour eux, ce chemin mène vers la lumière,
Transportant leurs slogans de chaumière en chaumière
Ils ne redoutent pas l’appel de l’erg aride.
J’aimerai tant les suivre aux sentiers de l’honneur,
Combattre les méchants, faire cesser les pleurs,
Rendre le sourire à la veuve et l’orphelin.
Mais reître sans drapeau, dilettante et poète,
Qui ne sait que trembler, ici, de fête en fête,
Je reste inutile, indolent comme un félin.
7°
J’écris probablement pour combler le grand vide
Qui, quelquefois, m’étreint dans le flux des sanglots.
Désir, espoir, souffrance – ennui, fleur insipide –
Tout sera, un beau jour, balayé par les flots.
Et je ne veux laisser, par ici, comme trace,
Que ces quelques fragments de poésie marine,
Reflets modernes d’un ancien rituel thrace ;
Un fugace rayon de lumière octarine.
Un jour, un jour enfin, la douleur va se taire,
Il ne sera plus temps de faire l’inventaire,
J’ouvrirai les bras et me laisserait partir,
Partir sans résister, vers l’au-delà du voile,
Avec, encore, au cœur la chaleur de l’étoile,
Je laisserai les fleurs de ma vie s’écartir.
8°
J’ai touché la rive de cet enfer livide,
Sans colère et sans joie, sans rire et sans musique.
Vaste étendue blanchâtre, où plus rien n’est valide :
Ni beauté, ni raison, ni chanson, ni logique.
Silence assourdissant qui boit les harmoniques,
Dans lequel voir passer, en cercles, les vautours.
Rien d’humain par ici, pas un cri pathétique
Ne vient peupler ce vide immense et sans amour.
Nul chant ne vient troubler cette agonie sans fin,
L’aigle déchiquetant cette âme honnie, enfin,
Ne laisse de répit qu’au plus sombre baron,
Celui qui répéta : ta faute est éternelle,
Le prix en sera ta douleur sempiternelle,
Jusqu’au jour de donner ton obole à Charron.
9°
Je ressors des enfers, Orphée des temps modernes,
Le chant du désarroi me tient lieu de prière.
Comme lui, je suis descendu dans ces cavernes,
Mais je remonte sans un regard en arrière.
Il faut grimper, grimper, sans égard pour le sol
Friable et dangereux s’effritant sous nos pas.
Ignorer le démon qui me tend ses alcools,
Et qui dit à mon cœur : d’ici, on ne part pas.
En entendant la plainte âpre et lente des morts,
Ne pas se retourner, poursuivre son effort,
Ne pas perdre de vue la lointaine lumière
Scintillant jusqu’ici, du haut de la montagne,
Marcher jusqu’à toucher à nouveau la campagne,
Eurydice attendra sur un bord de rivière.
10°
Il y a un monde de lumière
Contenu dans ton fin sourire.
Et parfois quand je t’entends rire
J’oublie la douleur et la guerre.
Il n’y a qu’un chemin qui vaille,
Cet étroit sentier qui s’élève.
La vie qui ressemble à un rêve
Est une fleur sur la pierraille.
Combien de mètres nous séparent
Du sommet, oh, combien de pas ?
Combien de temps ? Je ne sais pas,
Mais seuls ceux qui sont fous s’égarent.
Bientôt, tu seras sur la cime,
Tu verras le vaste horizon,
Pourras-tu garder ta raison
Face à ce spectacle sublime ?
La vie est un trésor offert
Pour qui sait lire la notice,
Un jardin rempli de délices
Pour qui sait arpenter la terre.
Il y a un monde de lumière
Contenu dans ton fin sourire.
Et parfois quand je t’entends rire
La vie paraît enfin légère.
Dari- Affranchi des Paradoxes
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Re: Danses polonaises
Je me disais à la fin de ma lecture que tu savais sonder le cœur à vif...
Et tu me rappelles :
- Que de perles au collier de paroles...
- Le cœur est poète, c'est pourquoi la beauté... L'art est ceci qui la révèle...
Et tu me rappelles :
- Que de perles au collier de paroles...
- Le cœur est poète, c'est pourquoi la beauté... L'art est ceci qui la révèle...
ronron- Seigneur de la Métaphysique
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Re: Danses polonaises
Je veux la vie légère,
Tel est mon vain désir,
La fumée s'évapore
A travers le blizzard.
Rien de sûr à saisir,
Je vacille, étonné,
Promenant au hasard,
Un humour patiné.
Ma lyre désaccordée,
A-t-elle désappris
Les rives abordées,
La Loire et la Volga ?
Langue amoindrie, du reste
Rien que des fleurs précaires.
Des grands rêveurs, la caste
Apprend les vers par cœur.
Avant d'avoir fini
D'effeuiller les archives.
Là où le ciel s'achève,
Entre aube et fleur fanée.
Tel est mon vain désir,
La fumée s'évapore
A travers le blizzard.
Rien de sûr à saisir,
Je vacille, étonné,
Promenant au hasard,
Un humour patiné.
Ma lyre désaccordée,
A-t-elle désappris
Les rives abordées,
La Loire et la Volga ?
Langue amoindrie, du reste
Rien que des fleurs précaires.
Des grands rêveurs, la caste
Apprend les vers par cœur.
Avant d'avoir fini
D'effeuiller les archives.
Là où le ciel s'achève,
Entre aube et fleur fanée.
Dari- Affranchi des Paradoxes
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Re: Danses polonaises
La brise effleura l'aube, aux étendues marines.
L'horizon perce enfin la brume qui s'échancre,
Dans ces feuillets perdus, les confessions d'un cancre,
Sur la mer, le soleil forme une mandarine.
Tirésias a conté la splendeur et l'absurde,
Et le prix à payer, qui vient à point des mythes,
Il a dit : poésie, formation d'archers scythes,
Cherchant à traduire un couplet d'espoir en kurde
Depuis longtemps déjà, depuis des vies anciennes
Dont je n'ai pas gardé le moindre souvenir,
J'ai voulu deviner les chants de l'avenir,
Que savaient certains dieux, masqués par des persiennes.
J'ai vu, au point du jour, les plus nobles ardeurs,
J'ai vu le déclin de ma civilisation,
Cristallisée sur l'illusion de la « nation ».
Le poète a raison, la vraie vie est ailleurs.
J'ai vu les ports du nord, la ligue hanséatique,
Et la blanche cité méditerranéenne :
Partout, la convoitise était systématique,
La corruption du monde, une œuvre arachnéenne.
Mais dans le froid le plus saisissant de l'Arctique,
À l'instant le plus dur, vers le ton le plus bas,
Je me suis souvenu du soleil qui là-bas
Est un fruit de lumière, une énigme aquatique.
La sorgue a frôlé l'aube, et délivré les songes,
Au levant, sortilège apparu sur le sable
Inscrivant sur la plage, en marge des mensonges,
La magie d'un amour unique et périssable.
L'horizon perce enfin la brume qui s'échancre,
Dans ces feuillets perdus, les confessions d'un cancre,
Sur la mer, le soleil forme une mandarine.
Tirésias a conté la splendeur et l'absurde,
Et le prix à payer, qui vient à point des mythes,
Il a dit : poésie, formation d'archers scythes,
Cherchant à traduire un couplet d'espoir en kurde
Depuis longtemps déjà, depuis des vies anciennes
Dont je n'ai pas gardé le moindre souvenir,
J'ai voulu deviner les chants de l'avenir,
Que savaient certains dieux, masqués par des persiennes.
J'ai vu, au point du jour, les plus nobles ardeurs,
J'ai vu le déclin de ma civilisation,
Cristallisée sur l'illusion de la « nation ».
Le poète a raison, la vraie vie est ailleurs.
J'ai vu les ports du nord, la ligue hanséatique,
Et la blanche cité méditerranéenne :
Partout, la convoitise était systématique,
La corruption du monde, une œuvre arachnéenne.
Mais dans le froid le plus saisissant de l'Arctique,
À l'instant le plus dur, vers le ton le plus bas,
Je me suis souvenu du soleil qui là-bas
Est un fruit de lumière, une énigme aquatique.
La sorgue a frôlé l'aube, et délivré les songes,
Au levant, sortilège apparu sur le sable
Inscrivant sur la plage, en marge des mensonges,
La magie d'un amour unique et périssable.
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Re: Danses polonaises
La SorgueDari a écrit:La sorgue a frôlé l'aube, et délivré les songes
Très beau poème de René Char.
Mephisto- Maître du Relatif et de l'Absolu
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Re: Danses polonaises
Nous avions entrouvert la porte de la cage,
Pour se glisser dehors
Dans les herbes sauvages.
Nous avions épuisé la douleur et la rage,
Nous en avions rêvé,
La steppe et ses nuages.
Nous avions fait le tour des donjons et des tours,
Bilan d'un monde amer
Où se lit peu d'amour.
Nous avions planifié l'évasion dans la nuit,
Sortir de Babylone,
Partir vers l'infini.
*****
Quelques femmes, quelques hommes, dans le regard des flammes,
Lassés de n'être en somme
Que des machines sans âme,
Debout après minuit, quand dort encore la ville,
Se faufilaient tranquilles,
Dans la rue, sans un bruit.
A l'entrée du désert attendaient nos montures,
Nous partions vers l'azur
Loin des anciennes misères.
Plutôt que de pourrir dans les geôles de l'empire,
Autant chevaucher hors
Du temps, quitter le port.
*****
Sous l'appel de l'errance
La soif de connaissances
Nous avions décidé
D'une autre itinérance
Dans la danse la souffrance
Le silence et la transe
Nous avions dessiné
Cette vision d'espérance
*****
Et dehors, au grand-air, échappés de la nasse,
Traçant enfin l'itinéraire
Dans le chaos des grands espaces.
Loin de ces hiérarchies, un rayon de soleil,
Le vent de l'anarchie
Soufflant doucement dans nos oreilles.
Fini l'arbre impassible quand enfin c'est possible
De quitter le vieux monde,
Ses archers et ses cibles.
Loin du flicage, des cages, dans le vif du mirage,
Escaladant les dunes
Sous un croissant de lune.
*****
Plus loin, plus loin, toujours, vers l'avant, sans retour,
La fumée s'élevant
Tout au long du parcours.
Enfin quand vient le soir, près d'un lac pour y boire,
Nous campons dans la steppe
Grignotant quelques cèpes.
Quand le ciel s'illumine, au-dessus des collines,
La nuit fait comme une toile
Pleine de millions d'étoiles.
Tu peux passer des heures à contempler les sphères,
En sentant dans ton cœur
Palpiter l'univers.
*****
Dans le noir, cette lueur, la magie du chemin
Dessinée sur la main,
La fleur du lendemain.
La fièvre du départ, aller partout, nulle part,
Ce feu qui nous dévore,
Chevaucher jusqu'au bord.
Contemplant la splendeur de la nature sauvage,
En lisant le bonheur
Furtif, sur un visage,
Un présage éphémère, si légère, la nuance
Délivrant la conscience
Entre terre et nuages.
*****
Fugace est cette errance, mais je crois qu'elle vaut mieux
Que le banquet des dieux,
Quand je vois rire tes yeux.
Ensemble sur la rive, surmontant les épreuves,
Nous traversons le fleuve
Unis quoi qu'il arrive.
Avec nous, les absents chevauchent en silence
En nous accompagnant
Dans l'extase et la transe.
Ensemble, jusqu'au bout, dépassant la frontière,
La steppe est devant nous,
Le vieux monde est derrière.
*****
Sous l'appel de l'errance
La soif de connaissances
Nous avions décidé
D'une autre itinérance
Dans la danse la souffrance
Le silence et la transe
Nous avions dessiné
Cette vision d'espérance
Pour se glisser dehors
Dans les herbes sauvages.
Nous avions épuisé la douleur et la rage,
Nous en avions rêvé,
La steppe et ses nuages.
Nous avions fait le tour des donjons et des tours,
Bilan d'un monde amer
Où se lit peu d'amour.
Nous avions planifié l'évasion dans la nuit,
Sortir de Babylone,
Partir vers l'infini.
*****
Quelques femmes, quelques hommes, dans le regard des flammes,
Lassés de n'être en somme
Que des machines sans âme,
Debout après minuit, quand dort encore la ville,
Se faufilaient tranquilles,
Dans la rue, sans un bruit.
A l'entrée du désert attendaient nos montures,
Nous partions vers l'azur
Loin des anciennes misères.
Plutôt que de pourrir dans les geôles de l'empire,
Autant chevaucher hors
Du temps, quitter le port.
*****
Sous l'appel de l'errance
La soif de connaissances
Nous avions décidé
D'une autre itinérance
Dans la danse la souffrance
Le silence et la transe
Nous avions dessiné
Cette vision d'espérance
*****
Et dehors, au grand-air, échappés de la nasse,
Traçant enfin l'itinéraire
Dans le chaos des grands espaces.
Loin de ces hiérarchies, un rayon de soleil,
Le vent de l'anarchie
Soufflant doucement dans nos oreilles.
Fini l'arbre impassible quand enfin c'est possible
De quitter le vieux monde,
Ses archers et ses cibles.
Loin du flicage, des cages, dans le vif du mirage,
Escaladant les dunes
Sous un croissant de lune.
*****
Plus loin, plus loin, toujours, vers l'avant, sans retour,
La fumée s'élevant
Tout au long du parcours.
Enfin quand vient le soir, près d'un lac pour y boire,
Nous campons dans la steppe
Grignotant quelques cèpes.
Quand le ciel s'illumine, au-dessus des collines,
La nuit fait comme une toile
Pleine de millions d'étoiles.
Tu peux passer des heures à contempler les sphères,
En sentant dans ton cœur
Palpiter l'univers.
*****
Dans le noir, cette lueur, la magie du chemin
Dessinée sur la main,
La fleur du lendemain.
La fièvre du départ, aller partout, nulle part,
Ce feu qui nous dévore,
Chevaucher jusqu'au bord.
Contemplant la splendeur de la nature sauvage,
En lisant le bonheur
Furtif, sur un visage,
Un présage éphémère, si légère, la nuance
Délivrant la conscience
Entre terre et nuages.
*****
Fugace est cette errance, mais je crois qu'elle vaut mieux
Que le banquet des dieux,
Quand je vois rire tes yeux.
Ensemble sur la rive, surmontant les épreuves,
Nous traversons le fleuve
Unis quoi qu'il arrive.
Avec nous, les absents chevauchent en silence
En nous accompagnant
Dans l'extase et la transe.
Ensemble, jusqu'au bout, dépassant la frontière,
La steppe est devant nous,
Le vieux monde est derrière.
*****
Sous l'appel de l'errance
La soif de connaissances
Nous avions décidé
D'une autre itinérance
Dans la danse la souffrance
Le silence et la transe
Nous avions dessiné
Cette vision d'espérance
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Re: Danses polonaises
Mephisto a écrit:
La Sorgue
Très beau poème de René Char.
Effectivement, un texte magnifique.
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Re: Danses polonaises
Comme un bon vin, savouré long en bouche...
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Re: Danses polonaises
La présence et l'absence, ainsi que des enfants,
En-deçà du langage, en marge de la prose,
Jouent dans le jardin clair où, parfois, la narcose
Du bonheur étreint le vieux cœur des éléphants.
Je sais, je sais, je sais, tout est bref et futile :
La neige des instants fondant sous le soleil.
Joie de celle ou celui qui souvent s'émerveille,
Léviathan de la foule, au ventre de la ville.
Mais les doigts engourdis par le clavier des heures
Sont parfois prolongés par des bourgeons, des fleurs,
Dans la palinodie tissée par l'âme humaine.
Loin des rois, des soldats, des moutons et des prêtres,
Tandis qu'un musicien paraît à la fenêtre,
L'écho de sa chanson résonne dans la plaine.
En-deçà du langage, en marge de la prose,
Jouent dans le jardin clair où, parfois, la narcose
Du bonheur étreint le vieux cœur des éléphants.
Je sais, je sais, je sais, tout est bref et futile :
La neige des instants fondant sous le soleil.
Joie de celle ou celui qui souvent s'émerveille,
Léviathan de la foule, au ventre de la ville.
Mais les doigts engourdis par le clavier des heures
Sont parfois prolongés par des bourgeons, des fleurs,
Dans la palinodie tissée par l'âme humaine.
Loin des rois, des soldats, des moutons et des prêtres,
Tandis qu'un musicien paraît à la fenêtre,
L'écho de sa chanson résonne dans la plaine.
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Re: Danses polonaises
Quand les vifs accords dans la symphonie d'ébène
Croisent la magie blanche et sucrée du voyage,
Un éclair dans le ciel, à l'acmé de l'orage :
C'est Ilion qui périt pour les beaux yeux d'Hélène,
Scipion qui tombe, en pleurs, en incendiant Carthage.
Dans la nuit, j'ai perdu le rire et la mesure,
L'idée du printemps et le simple élan de vivre.
Quand je me réfugie dans les pages d'un livre,
J'oublie le monde, enfin, en creusant la césure
Jusqu'au bout du sommeil ; inconscient, solaire, ivre.
Pas d'élégie d'amour, plus de feu, de promesse :
Sous le vent du désert, la musique est aride.
Sur l'océan de sable, un bateau tourne à vide
Tissant les cordeaux effilés de sa tristesse,
Aux dagues du regret sur l'eau creusant des rides.
L'énigme du passage affleure aux mains d'Olga,
Modelant la mémoire au parfum d'anémone.
Dans les steppes du nord, un sortilège aphone
Allant s'engloutir aux trous d'eau de la Volga,
Un dernier soleil noir que l'espérance étonne.
Adieu, fugace erreur, écart de ma pensée,
Ardeur de mon cœur fauve et chaleur de mon corps.
Adieu, chère égérie, adieu piètre décor
Que sans discernement j'ai jadis encensé,
Je m'en vais vers le soir, et je fredonne encore.
Croisent la magie blanche et sucrée du voyage,
Un éclair dans le ciel, à l'acmé de l'orage :
C'est Ilion qui périt pour les beaux yeux d'Hélène,
Scipion qui tombe, en pleurs, en incendiant Carthage.
Dans la nuit, j'ai perdu le rire et la mesure,
L'idée du printemps et le simple élan de vivre.
Quand je me réfugie dans les pages d'un livre,
J'oublie le monde, enfin, en creusant la césure
Jusqu'au bout du sommeil ; inconscient, solaire, ivre.
Pas d'élégie d'amour, plus de feu, de promesse :
Sous le vent du désert, la musique est aride.
Sur l'océan de sable, un bateau tourne à vide
Tissant les cordeaux effilés de sa tristesse,
Aux dagues du regret sur l'eau creusant des rides.
L'énigme du passage affleure aux mains d'Olga,
Modelant la mémoire au parfum d'anémone.
Dans les steppes du nord, un sortilège aphone
Allant s'engloutir aux trous d'eau de la Volga,
Un dernier soleil noir que l'espérance étonne.
Adieu, fugace erreur, écart de ma pensée,
Ardeur de mon cœur fauve et chaleur de mon corps.
Adieu, chère égérie, adieu piètre décor
Que sans discernement j'ai jadis encensé,
Je m'en vais vers le soir, et je fredonne encore.
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Re: Danses polonaises
Vibrent les vers d'argent des vies les plus légères,
Et c'est toujours Venise au carmin de ta robe :
A Murano, pour toi, je suis souffleur de verre,
Traçant pour t'égayer les merveilles du globe.
Aux nefs incurvées des temples les plus antiques,
Magie de la musique et monstre du silence :
Ardente intensité, sans l'égo romantique,
M'accordez-vous, darling, une dernière danse ?
Que montent les marées faisant chanter les voiles :
Du coeur de l'océan, la mélodie binaire ;
Du vent de ma mystique éprise des étoiles,
Je laisse, en testament, la fleur non-linéaire.
Je m'en vais ; la lumière irisant les absinthes
Et les dalhias blancs, l'aube effleurant tes cheveux ;
Je m'en vais vers le ciel où les pensées sont peintes,
Ne pleure pas pour moi, demain tout ira mieux.
En fin d'après-midi, quand le soleil existe,
Je voudrais dans les cieux dessiner ton visage,
Murmurer au courant que j'aime une améthyste
Et délivrer tes yeux du gel et des nuages.
Et c'est toujours Venise au carmin de ta robe :
A Murano, pour toi, je suis souffleur de verre,
Traçant pour t'égayer les merveilles du globe.
Aux nefs incurvées des temples les plus antiques,
Magie de la musique et monstre du silence :
Ardente intensité, sans l'égo romantique,
M'accordez-vous, darling, une dernière danse ?
Que montent les marées faisant chanter les voiles :
Du coeur de l'océan, la mélodie binaire ;
Du vent de ma mystique éprise des étoiles,
Je laisse, en testament, la fleur non-linéaire.
Je m'en vais ; la lumière irisant les absinthes
Et les dalhias blancs, l'aube effleurant tes cheveux ;
Je m'en vais vers le ciel où les pensées sont peintes,
Ne pleure pas pour moi, demain tout ira mieux.
En fin d'après-midi, quand le soleil existe,
Je voudrais dans les cieux dessiner ton visage,
Murmurer au courant que j'aime une améthyste
Et délivrer tes yeux du gel et des nuages.
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Re: Danses polonaises
Du fond du gouffre noir émerge un faisceau d'or
Illuminant soudain le règne et l'infortune.
D'un éclair fulgurant sur la cité qui dort,
Le reflet chatoyant, comme un rayon de lune.
Si nous devons périr, alors hissons les voiles,
Et voguons sur les mers inconnues du savoir.
Nous apprendrons le nom des lointaines étoiles
Et nous aurons le rêve encor pour s'émouvoir.
Que l'ultime oraison soit dite avec panache,
Avant de disparaître, avant qu'un dieu se fâche
Et détruise en riant le fruit de nos efforts.
Que la tête en arrière, et le sourire aux lèvres,
Jusque dans l'agonie, portés par cette fièvre,
Nous chantions dans la nuit sans redouter la mort.
Illuminant soudain le règne et l'infortune.
D'un éclair fulgurant sur la cité qui dort,
Le reflet chatoyant, comme un rayon de lune.
Si nous devons périr, alors hissons les voiles,
Et voguons sur les mers inconnues du savoir.
Nous apprendrons le nom des lointaines étoiles
Et nous aurons le rêve encor pour s'émouvoir.
Que l'ultime oraison soit dite avec panache,
Avant de disparaître, avant qu'un dieu se fâche
Et détruise en riant le fruit de nos efforts.
Que la tête en arrière, et le sourire aux lèvres,
Jusque dans l'agonie, portés par cette fièvre,
Nous chantions dans la nuit sans redouter la mort.
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Re: Danses polonaises
Je rentre à la maison, je mange et je suis ivre :
Pas de quoi pavoiser ni tracer de chansons.
Je cherche un chemin pour poursuivre, et pour survivre,
D'un sarcasme imprudent, me voici l'échanson.
J'ai dû trouver le cœur de mon chant dans un livre,
Je ne vois à ce cri, non, pas d'autres raisons ;
Nous attendons, du vent, le couplet qui délivre
Qui sculpte la tristesse et brasse les saisons.
Que dire à la beauté, quelle métamorphose
Saura donner au lit du jardin cette rose,
Quelle aura magnifique a touché cette image ?
Je ne sais, la douleur et du plaisir la rose
Me font ressentir, dans le chaos, cette osmose,
Et bien de la douceur au milieu des orages.
Pas de quoi pavoiser ni tracer de chansons.
Je cherche un chemin pour poursuivre, et pour survivre,
D'un sarcasme imprudent, me voici l'échanson.
J'ai dû trouver le cœur de mon chant dans un livre,
Je ne vois à ce cri, non, pas d'autres raisons ;
Nous attendons, du vent, le couplet qui délivre
Qui sculpte la tristesse et brasse les saisons.
Que dire à la beauté, quelle métamorphose
Saura donner au lit du jardin cette rose,
Quelle aura magnifique a touché cette image ?
Je ne sais, la douleur et du plaisir la rose
Me font ressentir, dans le chaos, cette osmose,
Et bien de la douceur au milieu des orages.
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Re: Danses polonaises
Je me suis dit : dessine, évade-toi du monde,
Plutôt que de chercher sans voir la vérité.
Tu sais assez d'ici l'acide aridité,
Invente un désert bleu d'où la lumière abonde.
Le chant de la forêt parle à mon cœur brisé,
Reprenant à rebours, jusqu'à la plénitude
Je t'écris depuis ces lointaines latitudes
Où déjà tout l'azur va mourir irisé,
Renaissant aux fictions des récits bien menés,
Mondes fascinants que des sages chevronnés
Inventèrent pour nous dévoiler les mystères
D'une vie légère, où l’œil embellit la fresque,
Dans le chaos du temps traçant des arabesques,
Au bord de l'océan, jusqu'où finit la terre.
Plutôt que de chercher sans voir la vérité.
Tu sais assez d'ici l'acide aridité,
Invente un désert bleu d'où la lumière abonde.
Le chant de la forêt parle à mon cœur brisé,
Reprenant à rebours, jusqu'à la plénitude
Je t'écris depuis ces lointaines latitudes
Où déjà tout l'azur va mourir irisé,
Renaissant aux fictions des récits bien menés,
Mondes fascinants que des sages chevronnés
Inventèrent pour nous dévoiler les mystères
D'une vie légère, où l’œil embellit la fresque,
Dans le chaos du temps traçant des arabesques,
Au bord de l'océan, jusqu'où finit la terre.
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Re: Danses polonaises
Ta douleur, elle est belle autant qu'était Byzance,
Plus haute qu'un sommet, plus vaste que la plaine.
Sculptant le matériau de ta désespérance,
Infusant dans ton sang le venin de sa haine.
Ta douleur, elle est proche ainsi qu'une maîtresse,
Confidente et complice, elle a dicté tes gammes :
Elle est ta première âme et ta dernière ivresse,
Brûlant ton coeur défunt de sa plus vive flamme.
Ta douleur est ton corps et ton identité,
Elle est du fond des nuits l'unique vérité,
Toujours à tes côtés, tandis qu'autour tout change.
Ta douleur est le prix de ton talent d'écrire,
Tu lui dois la vigueur des cordes de ta lyre,
Au noir de l'existence, un peu d'or sur la frange.
Plus haute qu'un sommet, plus vaste que la plaine.
Sculptant le matériau de ta désespérance,
Infusant dans ton sang le venin de sa haine.
Ta douleur, elle est proche ainsi qu'une maîtresse,
Confidente et complice, elle a dicté tes gammes :
Elle est ta première âme et ta dernière ivresse,
Brûlant ton coeur défunt de sa plus vive flamme.
Ta douleur est ton corps et ton identité,
Elle est du fond des nuits l'unique vérité,
Toujours à tes côtés, tandis qu'autour tout change.
Ta douleur est le prix de ton talent d'écrire,
Tu lui dois la vigueur des cordes de ta lyre,
Au noir de l'existence, un peu d'or sur la frange.
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Re: Danses polonaises
Mazurka
Incipit
Aux soirs doux d'été,
Ton cœur si léger
Faisait se pâmer,
Sous les cerisiers,
Les longs cheveux des fées.
Maintenant l'éternel automne,
Cortège monotone,
Une horreur aphone
Résonne dans mon corps.
Loin des ardentes flammes,
Loin des prétendus drames,
Sous mes pas sidérés
S'est invité l'enfer,
Ironie meurtrière
Car il est apparu
Dans un domaine hardi,
Si près du paradis.
I
Errant parmi les morts et les vivants mêlés,
L'esprit pris par la vague insane,
Seulement le temps d'une mélopée,
Je vois devant nous les années
Dans nos afflictions surannées,
Pour nos esprits déjà vannés
La traversée de la flaque de Lapsane.
Douleur fulgurante au centre névralgique que nous appelons ''conscience'',
Et sans entendre Dieu – pas de foi, plus de science -
Aux heures d'une tragédie qui n'aurait pas dû être,
En nous les survivants, bâillant à la fenêtre,
Maintenant désœuvrés, vaguement écœurés,
Notre entendement repère
Avec facilité
Le son si singulier
De la fatalité.
Dès lors nous demeurons sur la plage où l'orage
A pris le chant des muses
À contretemps, déluge qui se tient en suspens
Au-dessus du néant,
La chaleur des amis faisant comme un refuge
Dans l'obscur, un abri.
II
Avant mon dernier râle, j'irai vers ce jardin,
Déposer la fleur rouge,
La fleur blanche,
La fleur noire,
Sur un bris de miroir, sur la stèle, un matin,
Sentant la brise légère
Sur nos épaules de pierre
Un parfum froid dans l'air, un peu de romarin.
Et les passants de pluie s'évaporent
Dans des bulles,
Et ma plume affabule
Pour tromper la souffrance, le silence et l'ennui,
Quand à l'orée des nuits
Ce stylet trace et brûle
De minuscules ridules sur l'eau froide du puits.
Clair de lune solitaire, loin de la fourmilière ;
Une fugace accalmie :
Accaparé par la poussière,
Les souvenirs enfuis,
J'oublie d'être binaire,
Le cerveau stationnaire,
Et ma prose lacunaire
Unit par la folie, l'amour et le désert
Cesse d'être atrabilaire
Et s'envole au gouffre de la mélancolie.
Triompher des abysses, des attraits pour le noir du dessin qui déborde,
Fasciné par la horde et les voyages d'Ulysse,
Obnubilé par les dessins intelligents,
L'esprit fond du calice, piano qu'on désaccorde,
Il me reste une issue,
Encore,
Un interstice
Pour aller de la terre à la lointaine lumière.
III
J'ai payé Charron d'une obole, maintenant mon pote, filons,
Sortons de cette horreur,
En emportant la peine
Au-dessus de l'arène,
Il paraît que l'étoile
Qui vit derrière ce voile
Veille sur des nuits sereines.
Pour le reste, bientôt vieux,
Je veux laisser la trace des nobles aspirations
Qui jadis nous guidèrent,
Avant qu'un monde captieux plein d'effluves délétères,
N'emportent vers la mort le plus doué des Ases.
Ah, la dévastation. La flûte insidieuse de l'appel,
La tristesse ainsi qu'un serment
Sur un sentier tortueux,
Mon langage de serpent
Ne trouve pas les mots
Assez doux et soyeux
Pour décrire l'égarement de ta disparition.
Ah, la noblesse du cœur, la clarté dans l'esprit, la certitude de l'âme !
Tous tes dons enfantins, par l'époque envolés,
Comme les raisins volés,
Et nous qui demeurons près de l'embarcadère,
Toujours plus isolés,
Quand le deuil nous sidère.
De ma cabine, à travers le hublot,
J'aperçois les vagues,
Quelquefois un sanglot
Perle ainsi qu'une bague.
A la surface des flots.
Loin d'ici, la terre ferme,
Et le cerne que discerne le regard terne
Dans le miroir
Court sur mon derme,
Nouveau bijou pour la nuit noire.
IV
Une enfance heureuse, puis face au ravin
Prétendu devin aux prédictions creuses.
J'ai confié les rênes à ces arabesques,
La douleur simiesque multiplie les masques,
Puisque ici je casque, autant dévoiler même le plus fantasque :
– Putain, tu y étais presque...
Tu nous a quitté avant que la lumière ne revienne sur le monde.
Mais la lumière serait-elle revenue sans cette supernova que tu dessinas ?
Je ne sais plus (que) croire.
De pauvres pensées fleurissent sur la vitre,
Entre deux lichens.
Deux orangs-outans
Méditatifs
Regardent de loin les lueurs de la ville.
Qu'est-ce que nous avons pu rire...
Combien de ces soubresauts, ces sursauts au dessus des vagues,
Cette percée par l'esprit
De la surface de ce monde triste,
Ce couplet vite appris,
Aux doigts du guitariste,
Déploiement des zygomatiques
Ou plissement du risorius,
Le plus souvent, ce mince sourire,
Un peu démuni dans cette ire,
Ironique,
Insoumis,
Faisant éclater par le rire la haine et la stupidité,
Et faisant s'effondrer
Pour un temps futuriste
Les murs qui séparent les autistes.
Maintenant, le monde d'après.
Supporter la futilité : les vitrines et les apparats
Marchant sur les boulevards sans toi,
Parfois, me retournant en voulant vérifier
Que tu n'es pas plus loin, t'arrêtant et flânant.
Mais j'avance indéfiniment,
C'est le passage du temps.
V
Ne voulant pas finir,
Ne voulant pas laisser ce chant inachevé
Comme tant d'autres avant lui.
Ne voulant pas céder non plus à l'atonalité de la tristesse,
Cherchant à réveiller des souvenirs de liesse
Dans le sombre des jours,
À trouver de l'amour
Dans une vie bien trop brève.
Cherchant à conserver mes rêves
Parmi les fous rationalistes
Qui pensent que leurs neurones,
Ces pathétiques insectes, clones,
Peuvent plus que le sentiment océanique, terrestre,
Cette révélation épileptique
De l'unisson métaphysique
Vibrato
Tremblant
Dans le multivers,
Givré : couvert de cette fine pellicule de gel, si jolie,
Prisonnier de la glace,
Au bord de la folie,
Ce serait dégueulasse de déraper maintenant,
Je dois trouver dedans
La nécessaire chaleur
Pour survivre à ces pleurs, aller jusqu'au printemps.
Peu me chaut si je suis crédible,
La critique au fond m'est risible
Quand le ronron presque inaudible
De la musique aux écouteurs
Fait vibrer mes nerfs et mon cœur,
D'une prose presque illisible
Et pour un remord indicible
Aiguillonné par l'impossible
J'écris ce pamphlet de douleur
Je ne demande ni lauriers ni opinions,
N'étant intéressé par aucun des fanions,
Je ne veux pas broder sur tout ''artistement'',
Je ne demande pas l'opprobre ou la légion,
Ni faveur, ni bannissement,
Je serai l'artisan d'un simple bâtiment :
Ce cénotaphe où, à défaut de recréer l'heure révolue,
Je laisserai la trace de cet être solaire,
Quelques fleurs de néant,
Pour un ami défunt,
Avant de me taire.
Mon cher ami,
Te voilà parti loin de nous,
Nous voilà démunis, parfois je me sens fou,
Parfois sentant la pluie
Sur ma peau – que c'est doux, que c'est froid, que c'est gris.
Voici la vie sans toi, me laissant très souvent sans voix.
VI
La douleur dans mon âme est incommensurable :
Nulle combinaison de mots ne peut la capter,
Nul chant ne peut la réciter,
Nulle équation ne peut la résoudre,
Nul dieu ne peut la renverser.
Et dans ma poitrine, l'oppression annihile le souffle ;
Et dans ma tête, la désillusion dispute à la tristesse la faveur de régner sur mon esprit ;
Et pourtant, dans mes songes, toujours danse la flamme ardente du souvenir.
Que les années de jeunesse, les insomnies, les cigarettes, le café noir brûlant,
Ainsi que les précieuses minutes de nos conversations,
Ah, que tout ce rythme tremblant
De nos pensées en gestation,
Encore chrysalides, prisonnières des derniers méandres de l'adolescence,
Encore attirées par la transe,
Que ces alvéoles dans la ruche de ma mémoire, m'émeuvent profondément.
Nous parlions de tout, y compris de l'attrait des gouffres
De tout ce qui vit, de tout ce qui souffre,
Mais je croyais que nous étions forts,
Insensibles à la séduction
Du sortilège de la mort.
Hélas cette naïveté n'est plus d'actualité,
Et la dernière fois, je t'ai vu alité,
Mais tu n'étais plus là.
VII
Quelle musique céleste saura dire l'intensité de ton absence ?
Ce deuil fait chavirer mon cœur et mon désir,
Et je suis affalé, sans amour et sans haine,
Subissant du destin cette ire,
Sous le grand voile, sombre et funeste,
Et mes nuits peuplées de délires,
Loin des idées sereines,
Me font pressentir
Ce qu'ont dû ressentir les manants et les reines
Infestés par la peste.
Je ne sais plus le son, ni la clarté des vers,
La tristesse a tout obscurci.
Mon cœur est enchaîné à l'éternel hiver
De cette errance, ici.
Les philosophies m'indiffèrent, les consolations me transpercent,
La pitié me dégoûte ;
La mort étend sa main de fer ; du mauvais côté de la herse,
M'éloignant sur la route...
Pluie sale et froide tombant sur le parvis,
Parvenu vers nulle part,
Je recherche un abri ;
Les vrais amis sont rares ;
Je fuis les indécis, les malins, les bavards,
Me réfugie le soir
Dans le vent de folie
Pour oublier la vie.
Des millions de pas éperdus,
Qui font de nous ces pions qui vont au long des rues,
Cherchant la rédemption ;
Interrogeant l'abysse, des milliers de questions,
Restées suspendues dans les nues
Martèlent le corps,
Subtil supplice,
Et la chair arrachée par les doigts crochus
De la Némésis.
Oh, je sais les prières, je sais les espoirs bleus,
Scintillant dans les cieux
Pour qui
N'est que poussière ;
Mais les larmes amères au désert de mes yeux
Ne se satisfont pas de la foi des rosaires,
Chutant vers la terre
En rivières.
Perte ineffable, même les fables
Ne parviennent plus à m'endormir
La consomption en ligne de mire
De cette existence lamentable,
Nous parlions de vivre,
Étions-nous donc ivres ?
Ô la désolation, partout où je regarde !
Et sans destination, constamment sur mes gardes,
La mélancolie vampirise
Mes facultés intellectuelles ;
Dans l'entonnoir, je me dégrise,
Mais j'ai perdu le goût du miel.
VIII
Tu étais le plus pur, le plus noble des hommes,
Ta générosité se moquait bien des sommes,
Et ta disparition
Dans l'horreur d'un frisson
Nous laisse au désarroi, les poings en suspension.
Tu étais le plus doux et le plus attentif ;
Tu planais au-dessus ce monde d'insectes
Pris dans le faisceau des collusions et des sectes ;
Mais ce couplet déçu
Ne fera pas revenir le temps d'une jeunesse
Consumée bien trop vite,
Maintenant, la détresse a frappé à ma vitre,
Sous la forme d'une goule,
Désespoir qui me saoule,
Elle s'invite à ma table.
Quel fut ton dernier râle ?
Quelle dernière pensée fugitive, bouleversée par l'adrénaline
Anima ton esprit tant féru de logique ?
Tu étais le fier descendant d'une des lignées de dieux ;
Maintenant, tu es parti,
Maintenant, je me sens vieux,
Maintenant vient la nuit.
Tu étais l'honneur, dans un monde corrompu ;
Tu avais tant de cœur, quand eux ne pensent qu'au cul ;
Tu sentais la douleur terrible d'être en vie
Trop honnête et sincère,
Trop égaré, trop fier,
Tu es parti,
Tant pis.
Nous avions tant à bâtir ensemble,
Et je ne t'ai donné, trop souvent, que l'amer et l'obscur ;
Un visage qui te ressemble
Est gravé sur ce mur,
Me regardant descendre,
Car je suis coupable, il me semble.
Ton absence est atroce, irradiante, irréelle,
Je suis loin d'adhérer
Au vol des hirondelles
Tant j'ai le cœur serré.
Tu étais un météore dans le vide de ce monde.
IX
À mon tour de parler.
Ton visage a disparu sous les voiles,
Ton empreinte est restée, dans les plis de la toile ;
Ici, tout est plus lent,
Plus ennuyeux, plus terne,
Et sous mes yeux, des cernes
Toujours plus insistants
Témoignent de mes nuits blanches passées dans la caverne.
Je paie mon cynisme, ma désespérance et mon nihilisme ;
Les ondes positives que je n'ai su transmettre,
La vacuité,
Superfétatoire,
De mon être.
Oh, que la musique est splendide ;
Dans cet enfer, infini, dans lequel je descends pas à pas,
Les notes sont des oiseaux de nuit
Accompagnant ma peine horrible, et ton trépas,
Dans ces ténèbres de la souffrance,
Assourdit tous les bruits ;
Je pleure constamment, souvent à l'intérieur,
Au nord, je laisse le vent
Écorcher mon cœur et orner ma douleur
De mille instants blessants, pour ne rien oublier ;
Soudain, sous la pâleur
Affleure un peu de sang :
Ah, cruelle destinée, ô Parques détestables !
Quelle maligne fureur anima vos pensées
Quand vous fîtes de nos vies,
Précaires,
Et si peu stables,
Ces errances insensées
Dirigées par l'envie,
La fureur et les fables ;
Mais me voici à table
Sans encore avoir faim
Noyé par le chagrin,
Me trouvant incapable
De participer au festin.
X
Je ne t'ai donné que si peu, toi qui as toujours donné tant ;
Pour me rattraper, j'ai cru que j'aurais le temps,
Ou la chance, ou les deux ;
Maintenant, c'est trop odieux de désirer, de vivre, d'espérer, de survivre,
Et j'attends que mon heure sonne, avec insistance,
L'heure de ma délivrance.
XI
Nous rêvons quelquefois du déluge,
Aux confins du refuge,
Nous rêvons de la fin
De nos existences misérables,
De quelque puissante miséricorde
Effaçant enfin ces vies minables.
Mais ce gigantesque tsunami
Qui s'est abattu
Sur mon cœur éperdu
Quand est-ce que ça finit ?
Quel sacrilège de trop ai-je commis pour avoir
En guise de fin d'histoire,
D'épilogue ironique
Au destin dérisoire
D'un pantin pathétique,
Le silence et la pluie ?
Incipit
Aux soirs doux d'été,
Ton cœur si léger
Faisait se pâmer,
Sous les cerisiers,
Les longs cheveux des fées.
Maintenant l'éternel automne,
Cortège monotone,
Une horreur aphone
Résonne dans mon corps.
Loin des ardentes flammes,
Loin des prétendus drames,
Sous mes pas sidérés
S'est invité l'enfer,
Ironie meurtrière
Car il est apparu
Dans un domaine hardi,
Si près du paradis.
I
Errant parmi les morts et les vivants mêlés,
L'esprit pris par la vague insane,
Seulement le temps d'une mélopée,
Je vois devant nous les années
Dans nos afflictions surannées,
Pour nos esprits déjà vannés
La traversée de la flaque de Lapsane.
Douleur fulgurante au centre névralgique que nous appelons ''conscience'',
Et sans entendre Dieu – pas de foi, plus de science -
Aux heures d'une tragédie qui n'aurait pas dû être,
En nous les survivants, bâillant à la fenêtre,
Maintenant désœuvrés, vaguement écœurés,
Notre entendement repère
Avec facilité
Le son si singulier
De la fatalité.
Dès lors nous demeurons sur la plage où l'orage
A pris le chant des muses
À contretemps, déluge qui se tient en suspens
Au-dessus du néant,
La chaleur des amis faisant comme un refuge
Dans l'obscur, un abri.
II
Avant mon dernier râle, j'irai vers ce jardin,
Déposer la fleur rouge,
La fleur blanche,
La fleur noire,
Sur un bris de miroir, sur la stèle, un matin,
Sentant la brise légère
Sur nos épaules de pierre
Un parfum froid dans l'air, un peu de romarin.
Et les passants de pluie s'évaporent
Dans des bulles,
Et ma plume affabule
Pour tromper la souffrance, le silence et l'ennui,
Quand à l'orée des nuits
Ce stylet trace et brûle
De minuscules ridules sur l'eau froide du puits.
Clair de lune solitaire, loin de la fourmilière ;
Une fugace accalmie :
Accaparé par la poussière,
Les souvenirs enfuis,
J'oublie d'être binaire,
Le cerveau stationnaire,
Et ma prose lacunaire
Unit par la folie, l'amour et le désert
Cesse d'être atrabilaire
Et s'envole au gouffre de la mélancolie.
Triompher des abysses, des attraits pour le noir du dessin qui déborde,
Fasciné par la horde et les voyages d'Ulysse,
Obnubilé par les dessins intelligents,
L'esprit fond du calice, piano qu'on désaccorde,
Il me reste une issue,
Encore,
Un interstice
Pour aller de la terre à la lointaine lumière.
III
J'ai payé Charron d'une obole, maintenant mon pote, filons,
Sortons de cette horreur,
En emportant la peine
Au-dessus de l'arène,
Il paraît que l'étoile
Qui vit derrière ce voile
Veille sur des nuits sereines.
Pour le reste, bientôt vieux,
Je veux laisser la trace des nobles aspirations
Qui jadis nous guidèrent,
Avant qu'un monde captieux plein d'effluves délétères,
N'emportent vers la mort le plus doué des Ases.
Ah, la dévastation. La flûte insidieuse de l'appel,
La tristesse ainsi qu'un serment
Sur un sentier tortueux,
Mon langage de serpent
Ne trouve pas les mots
Assez doux et soyeux
Pour décrire l'égarement de ta disparition.
Ah, la noblesse du cœur, la clarté dans l'esprit, la certitude de l'âme !
Tous tes dons enfantins, par l'époque envolés,
Comme les raisins volés,
Et nous qui demeurons près de l'embarcadère,
Toujours plus isolés,
Quand le deuil nous sidère.
De ma cabine, à travers le hublot,
J'aperçois les vagues,
Quelquefois un sanglot
Perle ainsi qu'une bague.
A la surface des flots.
Loin d'ici, la terre ferme,
Et le cerne que discerne le regard terne
Dans le miroir
Court sur mon derme,
Nouveau bijou pour la nuit noire.
IV
Une enfance heureuse, puis face au ravin
Prétendu devin aux prédictions creuses.
J'ai confié les rênes à ces arabesques,
La douleur simiesque multiplie les masques,
Puisque ici je casque, autant dévoiler même le plus fantasque :
– Putain, tu y étais presque...
Tu nous a quitté avant que la lumière ne revienne sur le monde.
Mais la lumière serait-elle revenue sans cette supernova que tu dessinas ?
Je ne sais plus (que) croire.
De pauvres pensées fleurissent sur la vitre,
Entre deux lichens.
Deux orangs-outans
Méditatifs
Regardent de loin les lueurs de la ville.
Qu'est-ce que nous avons pu rire...
Combien de ces soubresauts, ces sursauts au dessus des vagues,
Cette percée par l'esprit
De la surface de ce monde triste,
Ce couplet vite appris,
Aux doigts du guitariste,
Déploiement des zygomatiques
Ou plissement du risorius,
Le plus souvent, ce mince sourire,
Un peu démuni dans cette ire,
Ironique,
Insoumis,
Faisant éclater par le rire la haine et la stupidité,
Et faisant s'effondrer
Pour un temps futuriste
Les murs qui séparent les autistes.
Maintenant, le monde d'après.
Supporter la futilité : les vitrines et les apparats
Marchant sur les boulevards sans toi,
Parfois, me retournant en voulant vérifier
Que tu n'es pas plus loin, t'arrêtant et flânant.
Mais j'avance indéfiniment,
C'est le passage du temps.
V
Ne voulant pas finir,
Ne voulant pas laisser ce chant inachevé
Comme tant d'autres avant lui.
Ne voulant pas céder non plus à l'atonalité de la tristesse,
Cherchant à réveiller des souvenirs de liesse
Dans le sombre des jours,
À trouver de l'amour
Dans une vie bien trop brève.
Cherchant à conserver mes rêves
Parmi les fous rationalistes
Qui pensent que leurs neurones,
Ces pathétiques insectes, clones,
Peuvent plus que le sentiment océanique, terrestre,
Cette révélation épileptique
De l'unisson métaphysique
Vibrato
Tremblant
Dans le multivers,
Givré : couvert de cette fine pellicule de gel, si jolie,
Prisonnier de la glace,
Au bord de la folie,
Ce serait dégueulasse de déraper maintenant,
Je dois trouver dedans
La nécessaire chaleur
Pour survivre à ces pleurs, aller jusqu'au printemps.
Peu me chaut si je suis crédible,
La critique au fond m'est risible
Quand le ronron presque inaudible
De la musique aux écouteurs
Fait vibrer mes nerfs et mon cœur,
D'une prose presque illisible
Et pour un remord indicible
Aiguillonné par l'impossible
J'écris ce pamphlet de douleur
Je ne demande ni lauriers ni opinions,
N'étant intéressé par aucun des fanions,
Je ne veux pas broder sur tout ''artistement'',
Je ne demande pas l'opprobre ou la légion,
Ni faveur, ni bannissement,
Je serai l'artisan d'un simple bâtiment :
Ce cénotaphe où, à défaut de recréer l'heure révolue,
Je laisserai la trace de cet être solaire,
Quelques fleurs de néant,
Pour un ami défunt,
Avant de me taire.
Mon cher ami,
Te voilà parti loin de nous,
Nous voilà démunis, parfois je me sens fou,
Parfois sentant la pluie
Sur ma peau – que c'est doux, que c'est froid, que c'est gris.
Voici la vie sans toi, me laissant très souvent sans voix.
VI
La douleur dans mon âme est incommensurable :
Nulle combinaison de mots ne peut la capter,
Nul chant ne peut la réciter,
Nulle équation ne peut la résoudre,
Nul dieu ne peut la renverser.
Et dans ma poitrine, l'oppression annihile le souffle ;
Et dans ma tête, la désillusion dispute à la tristesse la faveur de régner sur mon esprit ;
Et pourtant, dans mes songes, toujours danse la flamme ardente du souvenir.
Que les années de jeunesse, les insomnies, les cigarettes, le café noir brûlant,
Ainsi que les précieuses minutes de nos conversations,
Ah, que tout ce rythme tremblant
De nos pensées en gestation,
Encore chrysalides, prisonnières des derniers méandres de l'adolescence,
Encore attirées par la transe,
Que ces alvéoles dans la ruche de ma mémoire, m'émeuvent profondément.
Nous parlions de tout, y compris de l'attrait des gouffres
De tout ce qui vit, de tout ce qui souffre,
Mais je croyais que nous étions forts,
Insensibles à la séduction
Du sortilège de la mort.
Hélas cette naïveté n'est plus d'actualité,
Et la dernière fois, je t'ai vu alité,
Mais tu n'étais plus là.
VII
Quelle musique céleste saura dire l'intensité de ton absence ?
Ce deuil fait chavirer mon cœur et mon désir,
Et je suis affalé, sans amour et sans haine,
Subissant du destin cette ire,
Sous le grand voile, sombre et funeste,
Et mes nuits peuplées de délires,
Loin des idées sereines,
Me font pressentir
Ce qu'ont dû ressentir les manants et les reines
Infestés par la peste.
Je ne sais plus le son, ni la clarté des vers,
La tristesse a tout obscurci.
Mon cœur est enchaîné à l'éternel hiver
De cette errance, ici.
Les philosophies m'indiffèrent, les consolations me transpercent,
La pitié me dégoûte ;
La mort étend sa main de fer ; du mauvais côté de la herse,
M'éloignant sur la route...
Pluie sale et froide tombant sur le parvis,
Parvenu vers nulle part,
Je recherche un abri ;
Les vrais amis sont rares ;
Je fuis les indécis, les malins, les bavards,
Me réfugie le soir
Dans le vent de folie
Pour oublier la vie.
Des millions de pas éperdus,
Qui font de nous ces pions qui vont au long des rues,
Cherchant la rédemption ;
Interrogeant l'abysse, des milliers de questions,
Restées suspendues dans les nues
Martèlent le corps,
Subtil supplice,
Et la chair arrachée par les doigts crochus
De la Némésis.
Oh, je sais les prières, je sais les espoirs bleus,
Scintillant dans les cieux
Pour qui
N'est que poussière ;
Mais les larmes amères au désert de mes yeux
Ne se satisfont pas de la foi des rosaires,
Chutant vers la terre
En rivières.
Perte ineffable, même les fables
Ne parviennent plus à m'endormir
La consomption en ligne de mire
De cette existence lamentable,
Nous parlions de vivre,
Étions-nous donc ivres ?
Ô la désolation, partout où je regarde !
Et sans destination, constamment sur mes gardes,
La mélancolie vampirise
Mes facultés intellectuelles ;
Dans l'entonnoir, je me dégrise,
Mais j'ai perdu le goût du miel.
VIII
Tu étais le plus pur, le plus noble des hommes,
Ta générosité se moquait bien des sommes,
Et ta disparition
Dans l'horreur d'un frisson
Nous laisse au désarroi, les poings en suspension.
Tu étais le plus doux et le plus attentif ;
Tu planais au-dessus ce monde d'insectes
Pris dans le faisceau des collusions et des sectes ;
Mais ce couplet déçu
Ne fera pas revenir le temps d'une jeunesse
Consumée bien trop vite,
Maintenant, la détresse a frappé à ma vitre,
Sous la forme d'une goule,
Désespoir qui me saoule,
Elle s'invite à ma table.
Quel fut ton dernier râle ?
Quelle dernière pensée fugitive, bouleversée par l'adrénaline
Anima ton esprit tant féru de logique ?
Tu étais le fier descendant d'une des lignées de dieux ;
Maintenant, tu es parti,
Maintenant, je me sens vieux,
Maintenant vient la nuit.
Tu étais l'honneur, dans un monde corrompu ;
Tu avais tant de cœur, quand eux ne pensent qu'au cul ;
Tu sentais la douleur terrible d'être en vie
Trop honnête et sincère,
Trop égaré, trop fier,
Tu es parti,
Tant pis.
Nous avions tant à bâtir ensemble,
Et je ne t'ai donné, trop souvent, que l'amer et l'obscur ;
Un visage qui te ressemble
Est gravé sur ce mur,
Me regardant descendre,
Car je suis coupable, il me semble.
Ton absence est atroce, irradiante, irréelle,
Je suis loin d'adhérer
Au vol des hirondelles
Tant j'ai le cœur serré.
Tu étais un météore dans le vide de ce monde.
IX
À mon tour de parler.
Ton visage a disparu sous les voiles,
Ton empreinte est restée, dans les plis de la toile ;
Ici, tout est plus lent,
Plus ennuyeux, plus terne,
Et sous mes yeux, des cernes
Toujours plus insistants
Témoignent de mes nuits blanches passées dans la caverne.
Je paie mon cynisme, ma désespérance et mon nihilisme ;
Les ondes positives que je n'ai su transmettre,
La vacuité,
Superfétatoire,
De mon être.
Oh, que la musique est splendide ;
Dans cet enfer, infini, dans lequel je descends pas à pas,
Les notes sont des oiseaux de nuit
Accompagnant ma peine horrible, et ton trépas,
Dans ces ténèbres de la souffrance,
Assourdit tous les bruits ;
Je pleure constamment, souvent à l'intérieur,
Au nord, je laisse le vent
Écorcher mon cœur et orner ma douleur
De mille instants blessants, pour ne rien oublier ;
Soudain, sous la pâleur
Affleure un peu de sang :
Ah, cruelle destinée, ô Parques détestables !
Quelle maligne fureur anima vos pensées
Quand vous fîtes de nos vies,
Précaires,
Et si peu stables,
Ces errances insensées
Dirigées par l'envie,
La fureur et les fables ;
Mais me voici à table
Sans encore avoir faim
Noyé par le chagrin,
Me trouvant incapable
De participer au festin.
X
Je ne t'ai donné que si peu, toi qui as toujours donné tant ;
Pour me rattraper, j'ai cru que j'aurais le temps,
Ou la chance, ou les deux ;
Maintenant, c'est trop odieux de désirer, de vivre, d'espérer, de survivre,
Et j'attends que mon heure sonne, avec insistance,
L'heure de ma délivrance.
XI
Nous rêvons quelquefois du déluge,
Aux confins du refuge,
Nous rêvons de la fin
De nos existences misérables,
De quelque puissante miséricorde
Effaçant enfin ces vies minables.
Mais ce gigantesque tsunami
Qui s'est abattu
Sur mon cœur éperdu
Quand est-ce que ça finit ?
Quel sacrilège de trop ai-je commis pour avoir
En guise de fin d'histoire,
D'épilogue ironique
Au destin dérisoire
D'un pantin pathétique,
Le silence et la pluie ?
Dari- Affranchi des Paradoxes
- Nombre de messages : 357
Localisation : ici et là...
Identité métaphysique : humain, trop humain
Humeur : la nuit sera calme
Date d'inscription : 13/04/2012
Re: Danses polonaises
Du fond de mon abri, j'attends le crépuscule
Pour sortir dans la nuit, ombre parmi les ombres ;
Sans chercher à saisir le soleil qui recule,
Je vole vers l'acmé des pensées les plus sombres.
J'abandonne et divague au vent qui tonnait rogue,
Je plonge au cœur glacé des mélodies funèbres,
Loin des consolations, je m'adonne à la drogue.
Le ciel immense et vide est voilé de ténèbres.
Un instant, puis la chute à l'entonnoir ignoble,
Perdu, sans rémission, moi qui m'étais cru fort,
Voici le vin amer que produit mon vignoble
De la douleur du deuil au désir de la mort.
Adieu, vive éclaircie de l'azur sous l'orage !
Adieu, mon frère ! Adieu printemps et voluptés !
Aucun dieu ne répond à mes sanglots de rage,
Seul, je meurs de froid sous les chaleurs de l'été.
Allez, que ça finisse ! Allez, que ma vie cesse !
Je n'ai plus aucun goût pour tes palinodies,
Existence insensée - détestable princesse,
Sous tes charmes menteurs attend la tragédie.
Mais sans pouvoir quitter cette vie qui me lasse,
Sans pouvoir terminer ce chant qui me torture,
Je me noie lentement dans une mer de glace,
Mieux vaut encor se taire avec désinvolture.
Pour sortir dans la nuit, ombre parmi les ombres ;
Sans chercher à saisir le soleil qui recule,
Je vole vers l'acmé des pensées les plus sombres.
J'abandonne et divague au vent qui tonnait rogue,
Je plonge au cœur glacé des mélodies funèbres,
Loin des consolations, je m'adonne à la drogue.
Le ciel immense et vide est voilé de ténèbres.
Un instant, puis la chute à l'entonnoir ignoble,
Perdu, sans rémission, moi qui m'étais cru fort,
Voici le vin amer que produit mon vignoble
De la douleur du deuil au désir de la mort.
Adieu, vive éclaircie de l'azur sous l'orage !
Adieu, mon frère ! Adieu printemps et voluptés !
Aucun dieu ne répond à mes sanglots de rage,
Seul, je meurs de froid sous les chaleurs de l'été.
Allez, que ça finisse ! Allez, que ma vie cesse !
Je n'ai plus aucun goût pour tes palinodies,
Existence insensée - détestable princesse,
Sous tes charmes menteurs attend la tragédie.
Mais sans pouvoir quitter cette vie qui me lasse,
Sans pouvoir terminer ce chant qui me torture,
Je me noie lentement dans une mer de glace,
Mieux vaut encor se taire avec désinvolture.
Dari- Affranchi des Paradoxes
- Nombre de messages : 357
Localisation : ici et là...
Identité métaphysique : humain, trop humain
Humeur : la nuit sera calme
Date d'inscription : 13/04/2012
Re: Danses polonaises
Nuit de la ville, intense, et peuplée de chimères
Qui se dissiperont - vite, au petit matin -
Nuit de doute où pourtant la certitude amère
Tient à l'iniquité placide du destin.
Nuit nomade à minuit quand le désir ardent
Assouvi fait l'esprit libre de concevoir
La vacuité de tout, quand le spleen irradiant
Son poison me rend las de tout déjà savoir.
Mais qu'un rayon se brise à la roue de fortune,
Qu'un écart imprévu dans le jeu de Chronos
Permette à l'étranger de déchiffrer ces runes,
Délaissant son "projet" dont le hasard se gausse,
Il jouit pour un instant d'une hérésie nouvelle,
Dans le pur présent perd la douleur éternelle.
Qui se dissiperont - vite, au petit matin -
Nuit de doute où pourtant la certitude amère
Tient à l'iniquité placide du destin.
Nuit nomade à minuit quand le désir ardent
Assouvi fait l'esprit libre de concevoir
La vacuité de tout, quand le spleen irradiant
Son poison me rend las de tout déjà savoir.
Mais qu'un rayon se brise à la roue de fortune,
Qu'un écart imprévu dans le jeu de Chronos
Permette à l'étranger de déchiffrer ces runes,
Délaissant son "projet" dont le hasard se gausse,
Il jouit pour un instant d'une hérésie nouvelle,
Dans le pur présent perd la douleur éternelle.
Dari- Affranchi des Paradoxes
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Identité métaphysique : humain, trop humain
Humeur : la nuit sera calme
Date d'inscription : 13/04/2012
Re: Danses polonaises
Longtemps après les vents et les comptoirs connus,
Après des mois en mer, sans escale et sans îles,
Les neuf marins cherchaient des oiseaux dans les nues,
Désespérant de voir la fin de leur exil.
Ils avaient navigué depuis les anciens mondes,
Persuadés de trouver dans les mers orientales
Le viatique et pensant, puisque la terre est ronde,
Allons vers le couchant trouver l'aube ancestrale.
Longtemps après le songe idiot de leur errance,
Ils touchèrent la rive, assoiffés, comme en transe,
Coururent dans la jungle au bord de la folie.
La rive étrange et sombre où ces fous accostèrent
Ne laissa nul récit de leur destin précaire
Dilué dans les eaux du temps et de l'oubli.
Après des mois en mer, sans escale et sans îles,
Les neuf marins cherchaient des oiseaux dans les nues,
Désespérant de voir la fin de leur exil.
Ils avaient navigué depuis les anciens mondes,
Persuadés de trouver dans les mers orientales
Le viatique et pensant, puisque la terre est ronde,
Allons vers le couchant trouver l'aube ancestrale.
Longtemps après le songe idiot de leur errance,
Ils touchèrent la rive, assoiffés, comme en transe,
Coururent dans la jungle au bord de la folie.
La rive étrange et sombre où ces fous accostèrent
Ne laissa nul récit de leur destin précaire
Dilué dans les eaux du temps et de l'oubli.
Dari- Affranchi des Paradoxes
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Re: Danses polonaises
LXXXVII
Les chiens pourpres dansaient leur famélique appel
Autour du feu de l'hôte aux versets sardoniques,
Dont la verve glacée tout autant qu'ironique
Invite notre orgueil à descendre en rappel.
Nos vices, nos vertus - nos forces, nos faiblesses -
Tout cela n'est au fond qu'un jeu de la nature :
Puisque ce monde-ci n'est que villégiature,
En passant, du présent prisons la brève ivresse.
Vision que le soleil aveugle à contre-jour,
Nous bâtissons l'abri qui permet le séjour,
Cette magie procure une extase éphémère ;
Loin des chiens et des dieux, des princes et des fous,
Là où pourra vibrer le rêve autour de nous,
Là où la soie du vent fait la vie plus légère.
Les chiens pourpres dansaient leur famélique appel
Autour du feu de l'hôte aux versets sardoniques,
Dont la verve glacée tout autant qu'ironique
Invite notre orgueil à descendre en rappel.
Nos vices, nos vertus - nos forces, nos faiblesses -
Tout cela n'est au fond qu'un jeu de la nature :
Puisque ce monde-ci n'est que villégiature,
En passant, du présent prisons la brève ivresse.
Vision que le soleil aveugle à contre-jour,
Nous bâtissons l'abri qui permet le séjour,
Cette magie procure une extase éphémère ;
Loin des chiens et des dieux, des princes et des fous,
Là où pourra vibrer le rêve autour de nous,
Là où la soie du vent fait la vie plus légère.
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