Sagesse du pluvian
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mikael
Cochonfucius
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Lion du Yin et lion du Yang
Voici le lion du Yin, discret de sa personne ;
Selon le Livre Saint, cet animal est pur.
Il admire les fleurs, il goûte les fruits mûrs,
Il connaît l’univers, et plus rien ne l’étonne.
Voici le lion du Yang qui rugit dans l’azur ;
Il pourchasse le cerf dans les bois en automne.
Il mange, il dort, il mène une vie monotone,
Sur les hôtes du monde il jette un regard dur.
Ils sont cousins, et c’est à cause de cela
Que le Yang qui rayonne et le Yin sans éclat
Partagent leurs plaisirs sous une lune ambrée.
Telles sont en mes vers ces grandeurs célébrées
Du fauve que voici, du fauve que voilà ;
Ici un point final, si cela vous agrée.
Diablecerf
D’être animal-démon, il en donne des signes ;
Brûlant est son regard. Diablecerf est son nom.
Verse-lui de la bière, il ne dira pas non,
Il peut en boire un peu, tout en restant très digne.
Certes, son coeur n’est pas plus blanc que n’est un cygne,
Il a bien mérité son terrible renom ;
Car tous les chroniqueurs écrivant sur lui n’ont
Jamais pu rédiger une indulgente ligne.
S’il rencontre le Sphinx, ils s’amusent ensemble,
Et ces deux entités se valent, ce me semble ;
Chacun à l’autre sert de Muse et de Mentor.
Monstre que l’on ne voit jamais sur les peintures,
Dont l’emblème parfois orne une sépulture ;
C’est un être maudit, ce n’est pas un butor.
Oiseau-Ferrant
Le maréchal-ferrant le plus habile au monde
Est ce petit oiseau que des auteurs divers
Nous ont jadis décrit, qui parcourt l’univers
Pour parer les sabots des juments vagabondes.
Traversant le village et la forêt profonde,
N’interrompant ses pas que pour battre le fer,
Il ne craignit jamais de traverser la mer
Pour gagner les terroirs où les chevaux abondent.
Or, c’est d’oiseaux normaux, cependant, qu’il est né ;
Jamais de forgeron dans sa vaste famille
Dont il fut le premier artisan forcené.
La pie est attirée par le métal qui brille
Et d’autres emplumés sont de grands voyageurs ;
Il fut seul à choisir cet étrange labeur.
Sagesse d’un oiseau de passage
Petits oiseaux du ciel, vos leçons apprenez :
Celui qui de la sorte à Nature se plie
Mérite qu’aussitôt sa vertu l’on publie
Et que d’heureux mortel le nom lui soit donné.
Car je le fis jadis, et je fus étonné
De voir facilement mes tâches accomplies ;
D’excellents souvenirs ma mémoire est emplie,
Que mon faible cerveau ne sait pas ordonner.
Surtout, petits oiseaux, n’ouvrez pas trop le bec,
Évitez le chacal, le goupil, le fennec
Désirant s’emparer de votre humble pitance.
N’écoutez pas souvent le barde fredonnant
Qui montre en ses chansons des monstres surprenants :
Trop chante une cigale, et par force, elle danse.
Lièvre du Yin et lièvre du Yang
C’est le lièvre du Yin, le plus timide au monde,
Qui sous les projecteurs ne veut point figurer ;
Et de lui, l’on entend des propos mesurés,
Qui rigoureusement sur le bon sens se fondent.
C’est le lièvre du Yang à la verte faconde
Qui d’être le meilleur est toujours assuré ;
Il marche, triomphant, sous le ciel azuré,
Auprès de la montagne ou de la mer profonde.
Aucun de ces deux-là ne veut qu’on le dorlote ;
Mais chacun volontiers avec l’autre complote,
Prenant conseil, parfois, d’un vénérable porc.
Préférer l’un des deux, ce serait arbitraire,
De n’en aimer aucun, certes, l’on aurait tort ;
L’univers s’enrichit des deux lièvres contraires.
Fantôme d’un coq
En rêve, il s’en retourne en je ne sais quels lieux,
Il goûte encore un peu de vin sous les tonnelles ;
Il n’est pas attiré par les choses nouvelles,
Il est indifférent aux caprices des cieux.
Jamais il ne perçut la présence de Dieu
(Et qu’en aurait pu dire une raison mortelle ?) ;
Jamais il ne connut la sagesse éternelle
Ni rien qui s’en rapproche, et d’ailleurs, c’est tant mieux.
Bien loin de la fortune et loin de la misère,
On n’entend point de lui des paroles amères ;
Même, on le voit sourire à de tendres faveurs.
Sans recevoir d’honneurs, il a sauvé la face ;
Il compose ces vers qu’il récite à voix basse,
Et dont il apprécie la timide saveur.
L’apôtre Coquillard
Il n’a point le talent de prévoir les orages
Mais peut, d’une parole, apaiser la douleur ;
Cet apôtre n’est pas un oiseau de malheur,
Son verbe est plus vaillant que force ni que rage.
Dans Babylone, il a prié sur les rivages
Et l’encre sous sa plume a diverses couleurs ;
Les buveurs du quartier le voient comme un des leurs
Car à la tavernière il parle sans tapage.
Cet apôtre est subtil : il nous raconte, au lieu
De la réalité d’un évanescent dieu,
Celle des inspirés qui s’en vont à sa quête.
Je trouve une sagesse au reflet de ses yeux
Qui de nombreuses fois m’ont permis de voir mieux :
Ce lumineux apôtre, il vaut tous les prophètes.
Épicurisme d’un porc
C’est un cochon flâneur, il médite en marchant,
Lui qui de rêvasser bien rarement se lasse ;
Et quand il se croit seul, il répète à voix basse
Les phrases d’un récit, les paroles d’un chant.
Il traverse la ville, il traverse les champs,
Il explore les rues, il traîne sur les places ;
Il voit tout ce qui change au fil du temps qui passe,
Son corps qui devient lourd, et son pas trébuchant.
Dans les nuits de sommeil ou dans les nuits de veille,
Dans les conversations autour d’une bouteille,
Une idée se dessine, un poème prend corps ;
Différent des moutons que le berger rassemble,
Il s’attache à tous ceux qui point ne lui ressemblent,
Car c’est un réconfort pour son coeur de vieux porc.
Nef sans envergure
Sur cette nef en mer nous fûmes vingt ou trente
Avec de la morue, toujours, pour tout repas.
Au début, nous aimions cette chair odorante,
Nous étions enchantés, mais ça ne dura pas.
Même étant préservé de la faim dévorante,
Le lieutenant rêvait d’un chapon gros et gras ;
Nous regardions danser la mer indifférente
En hissant le grand foc à la force des bras.
En songe, nous avons contemplé des merveilles,
De savoureux desserts, des crêpes, des gâteaux,
Puis tous les fruits du monde emplissant des corbeilles.
Allons, ne rêvons pas, ce n’est qu’un vieux bateau,
On n’y sert point des plats comme en ce bon resto
Où je buvais, jadis, à l’ombre d’une treille.
Saint Polychrome
De sobrement prêcher il avait le souci,
Avec des mots bien clairs et des pauses fréquentes ;
Il disait que notre âme est une verte plante
Qui veut de la lumière et du bon air aussi.
Sa voix nous enchanta, son discours fut précis,
Il fut bien ordonné malgré sa vie errante ;
Très peu de serviteurs et jamais de servante,
À la Mort il disait : « Je suis à ta merci ».
Te souviens-tu de lui, toi qui fus son amie ?
Vous étiez amusés de vos antinomies,
Tu étais provocante, il était indulgent.
Il est vieux maintenant, sa force est consumée,
Tous ses naïfs espoirs sont partis en fumée ;
Ainsi va notre vie, en ce monde changeant.
Vestale des nuages
Sous le grand firmament son charme déployé
Pourrait bien émouvoir les astres immuables ;
Dame du mauvais temps, vestale mémorable
Que séduisit jadis un ange dévoyé.
Par l’orage des cieux les vagabonds noyés
Tournent vers le zénith un regard pitoyable,
À la Dame disant « Nous voilà misérables » ;
Vainement ces soupirs lui seront envoyés.
En se remémorant les défuntes années,
Elle revoit tous ceux qui l’ont abandonnée,
Dont le regard absent l’obsède tous les jours.
Est-on sûr qu’elle existe ? Est-on sûr qu’elle vive,
Du Cupidon farceur n’attendant nul secours
Sur le sombre nuage où son âme est captive…
Alpha Comae Berenices
star
Des étoiles du ciel, s’il faut en choisir une,
Je veux celle qui semble être un miroir brisé :
Alpha de Bérénice, astre favorisé
Dont les grands de ce monde espèrent la fortune.
Ce n’est pas un trou noir ni une naine brune ;
C’est un astre superbe, un soleil irisé
Porteur d’une vertu qu’on ne peut déguiser,
J’en pourrais oublier ma planète et sa lune.
Platon, me semble-t-il, à Socrate en parlait,
Disant «Nous partirions là-bas, si tu voulais,
Pour nous y établir et sagement y vivre.»
Socrate a préféré la terrestre beauté
D’un éphèbe élégant qui brûlait de le suivre,
Oubliant le Cosmos et son immensité.
Pattes de sinople
Cet oiseau peut chanter tout au long de l’année,
Pour la saison qui naît, pour la saison qui meurt,
Pour la fleur éclatante et pour la fleur fanée ;
Quel plaisir de l’entendre, il chante avec son coeur…
Par mille autres chanteurs la friche est animée,
Loin de toute richesse et loin de tout labeur ;
Les étoiles du soir, une à une allumées,
Semblent accompagner la nocturne rumeur.
La chanson dit la peine et dit aussi la joie,
Qui dans ce calme endroit l’une en l’autre se noient ;
Le barde songe alors à ses jours révolus.
Il a compris qu’il est un oiseau de passage,
Et ce constat, d’ailleurs, ne le rend pas plus sage ;
Car il ne fut jamais en quête d’absolu.
Noble poisson d’azur
Ce vif poisson d’azur traverse les saisons,
Il trouve des trésors au fond de la Mer Noire ;
Il remonte souvent l’estuaire de Loire
Pour de France admirer les vertes frondaisons.
Il vogue prudemment, surveillant l’horizon,
Et le vent printanier lui narre des histoires ;
Traverser l’océan n’est pas la mer à boire,
Surtout pour un seigneur à l’illustre blason.
Ce poisson bien souvent dit des mots véritables ;
Même, ses jugements sont toujours équitables,
Car son esprit subtil est très sage et très fou.
Il récite les vers de Racine et Corneille
Auxquels le cachalot volontiers tend l’oreille,
Ainsi que l’exocet ; mais le poulpe s’en fout.
Dame du Karma
La dame du Karma repasse des linceuls,
Mais vers la fin du jour sa besogne est finie ;
Alors, elle s’en va rêver sous un tilleul
Que son père planta, venu de Roumanie.
Elle feuillette un livre écrit par son aïeul,
Elle retient par coeur ses paroles bénies ;
Elle songe au vieillard, qui longtemps vécut seul,
Composant de la prose au fil des insomnies.
Au jardin vient une oie ; son plumage est si beau
Que l’admirent le cygne, et même le corbeau ;
Et la légende dit qu’elle est un peu sorcière.
Voyant ce volatile en plumes d’apparat,
La dame à ce moment s’en réconfortera,
Oubliant tout à fait que le monde est poussière.
Improbable goupil
Dans cette friche est un goupil de gloire,
Par ce sonnet je le veux honorer ;
Les korrigans dont il est adoré
Pourront chanter ces vers à sa mémoire.
Sa mère fut une renarde noire
Qui l’emmena les poules dévorer ;
Son père aussi, vétéran décoré,
Encouragea son désir de victoire.
Parle-nous donc, vrai goupil aux grands yeux,
Raconte-nous le Diable et le Bon Dieu,
Et l’inframonde aux incubes voraces ;
Explique-nous le charme et la beauté
De l’Univers, et puis sa cruauté,
Sa pesanteur, son mystère et sa grâce.
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