Re: Si tu vois Bouddha

[Jipé]

Alors dans cette métaphore, qu'est-ce le Soi ?

[loofrg]

Bah justement, il n'existe pas de soi : Anātman

[loofrg]

Mais attention, parce que tu mets une majuscule au Soi, majuscule qui dans certaines traditions fait de ce Soi un synonyme de vacuité.

[Jipé]

Soi ou soi, ne change rien à l'affaire, mais le nier, qu'il soit avec ou sans majuscule, me semble hautement étrange. Quant à la vacuité, aucun rapport avec le soi, enfin pour ma part.

[loofrg]

Disons que ce Soi là (avec une majuscule) exclut toute autre chose que lui-même, ceci à la différence du soi qui est le principe d'altérité, celui là même qui après analyse selon les bouddhistes, se révèle être une illusion.

[Jipé]

Mais le soi, pour parler de lui sans majuscule, ce n'est pas l'autre puisque c'est le principe même de l'individuation ! Reviens à la base de ce qu'est le soi et tu verras que cela ne colle pas du tout.

Ps:Le Soi, si tu veux mettre une majuscule , n'exclue rien, il est ce qui englobe les notions du moi et du je.

[loofrg]

Mais le soi, pour parler de lui sans majuscule, ce n'est pas l'autre puisque c'est le principe même de l'individuation ! Reviens à la base de ce qu'est le soi et tu verras que cela ne colle pas du tout.

Oui, bien-sûr, mais ce que veux dire, c'est qu'il ne peut y avoir de soi qu'en vertu de la dualité impliquant qu'il y-ait autre chose que soi. Autrement dit, si l'autre n'existait pas, il n'y aurait pas de soi.

Ps:Le Soi, si tu veux mettre une majuscule , n'exclue rien, il est ce qui englobe les notions du moi et du je.

Nous sommes partis sur deux sens différents du Soi. Raison pour laquelle nous ne nous comprenons pas. Le Soi dont je parle et tel que je l'ai défini doit impérativement porter une majuscule. Celui dont tu parles s'inspire certainement de la science occidentale de la psychologie si je ne me trompe pas. Et à mélanger toutes ces notions derrières lesquelles chacun d'entre nous mettons un sens différent, nous risquons je crois de nous perdre, notre conversation risquant de finir par ressembler à un dialogue de sourds.

Cela dit ta définition du Soi est intéressante

[Melchior]

Si l'individuation désigne le processus psychologique qui fait d'un être humain un individu, qui sur cette base se raconte ensuite le roman du moi, ce processus est une des activités de la conscience ; par conséquent cette individuation rentre dans la désignation des agrégats et subit une pulvérisation au niveau le plus subtil. Le soi a une utilité conventionnelle notamment pour préserver la notion de responsabilité juridique des individus en société.

[loofrg]

Ben oui, quand le roman s'arrête.

[loofrg]

Le soi a une utilité conventionnelle notamment pour préserver la notion de responsabilité juridique des individus en société.

Effectivement, très intéressant, et ce qui est mis en prison le cas échéant, c'est un corps. Les pensées, elles, ont tout à fait la faculté de pouvoir s'évader.

[Jipé]

Et à mélanger toutes ces notions derrières lesquelles chacun d'entre nous mettons un sens différent, nous risquons je crois de nous perdre, notre conversation risquant de finir par ressembler à un dialogue de sourds.

Oui je confirme, nous ne pouvons nous comprendre car la démarche est différente et qu'en Occident le bouddhisme et ses définitions sont très décalées à mon avis.

[Jipé]

Si l'individuation désigne le processus psychologique qui fait d'un être humain un individu, qui sur cette base se raconte ensuite le roman du moi, ce processus est une des activités de la conscience ; par conséquent cette individuation rentre dans la désignation des agrégats et subit une pulvérisation au niveau le plus subtil. Le soi a une utilité conventionnelle notamment pour préserver la notion de responsabilité juridique des individus en société.

Jung parlait de "l'individuation pour désigner le processus par lequel un être devient un in-dividu psychologique, c'est-à-dire une unité autonome et indivisible, une totalité."

[loofrg]

Oui je confirme, nous ne pouvons nous comprendre car la démarche est différente et qu'en Occident le bouddhisme et ses définitions sont très décalées à mon avis.

Oui, pour comprendre l'enseignement d'une école quelle qu'elle soit, il faut d'abord pénétrer sa terminologie.

[Melchior]

[...] en Occident le bouddhisme et ses définitions sont très décalées à mon avis.

Le bouddhisme est une création occidentale, depuis qu'en Europe on s'est rendu compte à partir du XIXe siècle qu'il y avait une forme distincte du brahmanisme, mais aujourd'hui l'enseignement est mieux compris, largement disponible et de qualité ici en Occident. Comme le note Éric Rommeluere (tradition zen) on peut entendre la méthode du Bouddha et donner une réponse inventive et créative aux besoins des êtres, dans un dialogue avec le monde. Ça demande d'approfondir certains aspects mais comprendre le christianisme exige aussi un effort, à partir du moment où on rentre dans les Écritures pour aller vers une intelligence de la foi. La Trinité, un dieu en trois personnes, cela peut être compliqué comme concept par exemple.

[Jipé]

Certes, mais je trouve un peu paradoxal la démarche de certains, qui se disent adeptes du bouddhisme, chercher à acquérir un accomplissement de soi, une pleine conscience, une démarche spirito-intellectuelle en sachant que l'enseignement de Bouddha irait plutôt à l'inverse, c'est à dire à la dépossession de soi.
Je ne parle pas de toi ou Loofrg, je parle en général en Occident.

[Melchior]

Il est exact qu'une tentation existe d'assimiler le bouddhisme à une méthode de développement personnel, attitude encouragée par des coaches qui proposent jusqu'en entreprise de la méditation dite de pleine conscience pour déstresser des salariés, un cache-misère des lacunes humaines et professionnelles du management.

L'accomplissement de soi et l'instrospection ne sont pas le but. Il y a pour un certain nombre de gens un malentendu, c'est tout à fait exact. Maintenant il aussi vrai que l'enseignement doit savoir se dégager des oripeaux de la tradition, se dépoussiérer, pour proposer une voie moderne, dans ce siècle ou même futuriste.

[loofrg]

Dans le zen, on parle de Mushotoku (sans but, ni esprit de profit), état d’esprit qui en fin de compte, au vue des réflexions qui ont été les nôtres, ramènerait à dire que toute idée de but ne pourrait se construire que par attachement à une formation d’agrégats, si bien que pour revenir au koan qui nous occupe dans ce sujet, il s’agirait de dire que l’idée de but, et en l’occurrence de recherche de profit à l’égard de notre pratique bouddhique, serait en somme un Bouddha de plus qu’il s’agirait de tuer.

[loofrg]

Pour ceux qui ont vu Terminator II avec ce robot en sorte de mercure capable de prendre la forme de n'importe quel individu, il y a cette scène finale où il finit par être "tué" en étant plongé dans une grande cuve de métal en fusion. Là, on le voit prendre l'une après l'autre la forme des individus qu'il a empruntée durant tout le film, puis finir par fondre, fusion qui pourrait peut-être imager le samadhi, chaque forme humaine ayant été empruntée pouvant être ramenée à l'existence d'un Bouddha, formes que le koan nous inviterait à tuer.

Voici la scène :

[loofrg]

Un moine demanda à Dogen :
« Comment doit-on faire pour devenir un éveillé ? »
Dogen lui posa cette question :
« Pour quelle raison souhaitez-vous devenir un éveillé ? »
« Parce que, dit le moine, je veux en être un tout comme vous. »
« Moi, un éveillé !? s'exclama Dogen, que Bouddha m’en garde ! »