Sagesse du pluvian
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Une mémoire d’oiseau
Je songe qu’autrefois je vivais solitaire,
Mais cela ne dura que pour quelques saisons ;
En rêve je revois ma modeste maison,
Je débutais alors comme universitaire.
La vie était pour moi porteuse de mystères,
Car je ne voyais pas plus loin que l’horizon ;
Mes recherches n’avaient ni rime ni raison,
Je parlais trop souvent quand j’aurais dû me taire.
J’ignorais à peu près les lois de l’univers,
Je m’instruisais pourtant sur des thèmes divers,
Confondant le Réel avec le Symbolique.
Mais ça fait un moment que je ne suis plus seul,
La trame de mes jours est moins mélancolique ;
Le passé révolu s’endort dans son linceul.
Noble amazone
Cavalière et cheval, des deux je m’émerveille,
Je les bénis au nom du fils du charpentier ;
Je les vois s’avancer sur un petit sentier
Aux magiques instants où la forêt s’éveille.
Le sanglier du bois dans sa bauge sommeille,
Il veut se reposer pendant un jour entier ;
L’amazone contemple un buisson d’églantiers
Où vient se restaurer la matinale abeille.
Un faune vagabond à nos yeux apparaît ;
L’étalon ralentit, puis marque un temps d’arrêt,
Car il ne sait que dire à cette sentinelle.
Les oiseaux, par leur chant, appellent au plaisir,
La belle cavalière écoute son désir ;
Ma plume t’accompagne, Amazone éternelle.
Nef d’Islande
L’esquif léger s’en va découvrir d’autres mondes,
Car la Terre promise est au-delà des eaux ;
Un riant territoire où les trésors abondent,
Où la fée file l’or au magique fuseau.
Oui, mais il faut d’abord franchir la mer profonde,
Un peu plus large aussi que la Mer des Roseaux ;
Affronter les dangers qui surgissent de l’onde,
Savoir se repérer sur le vol des oiseaux.
La sirène voudrait séduire l’Univers,
Selon mon jugement, c’est un projet pervers,
Je ne vois aucun sens dans ce qu’elle murmure.
Cette nef vaillamment sur les flots se maintient,
Éole la conduit, Neptune la soutient,
Le soleil rougit comme une tomate mûre.
Prendre un café au comptoir
Le tavernier s’agite avec vigueur,
Du monde est là, les commandes font rage ;
Un tel métier requiert un vrai courage,
Point ne suffit d’être un joyeux blagueur.
La tavernière a des propos charmeurs,
On la dirait d’Aphrodite l’image ;
Je suis séduit par son gentil ramage
Par sa finesse et par sa bonne humeur.
Les clients sont des chercheurs de lumière,
Comme on en voit dans un verre de bière ;
Ici, l’on boit ce qu’on trouve de mieux.
Grande folie ont leurs têtes chenues,
Avec un grain de sagesse ténue ;
Jeunes rêveurs et braves petits vieux.
Dérouter le Minotaure
Le druide jette un sort pour protéger Thésée,
Dans lequel le celtique et le grec sont mêlés ;
Quand il entend de loin le monstre l’appeler,
De sa dextre il saisit l’arme bien aiguisée.
À vaincre le péril son âme est disposée,
L’animal va périr, à moins de s’envoler ;
Le héros invaincu marche sans s’affoler,
Les dieux lui ont promis une victoire aisée.
Étonné de le voir s’approcher sans frémir,
L’hybride se tourmente et se met à gémir,
Puis au long du couloir lentement se déplace.
Il se rassure et dit « Ce bonhomme est un fou »,
Mais n’y croit pas vraiment, alors son coeur se glace,
Il a fermé les yeux pour attendre le coup.
Comme un agneau
Tendre est ce personnage, il parle doucement,
Devant une vestale il se met à genoux ;
Nous sommes donc flattés de l’avoir parmi nous,
Ce seigneur qui jamais n’agira bassement.
Le Roi, qui apprécie ce courtisan charmant,
Dit que les autres sont une meute de loups ;
Certains d’entre eux, bien sûr, en sont un peu jaloux,
Mais ça ne dure pas, son rire est désarmant.
La Princesse n’est point sensible à sa douceur,
C’est pour elle un galant qui manque d’épaisseur ;
Trop tiède, c’est mauvais, comme aurait dit Saint Luc.
Elle cherche un vainqueur un peu moins endormi,
Quelqu’un qui pourrait être un vrai petit ami,
Que ce soit un vicomte ou que ce soit un duc.
Rire d’ours
Je ris des chiens méchants, sans craindre qu’ils me mordent,
Assez rapidement, je les vois se barrer ;
Ils se croient menacés d’une tête au carré,
À respecter les ours par la suite ils s’accordent.
S’envolent des oiseaux quand mon rire déborde,
Mais je ne pense point qu’ils en soient apeurés ;
De leur nuire l’idée ne m’a point effleuré,
Car la vie sans leur chant serait trop monocorde.
J’habite une forêt pas trop mal giboyeuse,
Mon appétit est grand, mon humeur est joyeuse,
Autrefois j’ai vibré d’un amour très ardent.
Mon esprit est subtil, mon coeur n’est pas de pierre,
Je vois mille univers en fermant mes paupières ;
Je suis un ours rieur, et j’ai de belles dents.
Le manche et la cognée
Le bûcheron vient, la forêt frissonne,
Monstre destructeur, fils de Lucifer ;
On est presque au temps où tout devient vert,
Au fond de ces bois la triste heure sonne.
Le massacreur vient, la peur l’environne,
Et lui-même a peur, sans en avoir l’air :
Ce professionnel préfère l’hiver,
Quand, sur les sentiers, on ne voit personne.
L’exterminateur n’a rien de subtil,
Car c’est un pervers, c’est un être vil,
Lui qui est le fruit d’amours tarifées.
Mais ne parlons plus de cet abruti,
Au Livre de Vie sa ligne est biffée ;
Il est de ceux qui seront engloutis.
阴鱼阳鱼 === Poisson du Yin et poisson du Yang
Yin et Yang en binaire ont tricoté le monde,
Y compris les poissons dans les étendues d’eau :
Poisson yin, poisson yang, sans se tourner le dos,
D’un océan vers l’autre, ensemble, vagabondent.
Ne disant aucun mot, leur sagesse est profonde,
Car aucun des deux n’est bavard comme un oiseau ;
Mais ils savent capter les pensées d’un roseau,
Auxquelles, toutefois, jamais ils ne répondent.
L’océan leur fournit de modestes repas ;
Deux anges sous-marins les gardent du trépas,
Qui savent déchiffrer bons et mauvais présages.
Ils ont vu le Déluge, ils sont vraiment très vieux,
D’une mer par Moïse ils ont vu le passage ;
Ce ne fut rien, pour eux, de nouveau, sous les cieux.
Amphore de Périclès
Vous qui avez bien soif, rejoignez ma demeure,
Venez trinquer avec le seigneur que je suis ;
Parfois la Vérité vient d’un modeste puits,
Mais celle d’une amphore est quelque peu meilleure.
Nos sujets de débat sont des choses mineures,
Ils sont très peu souvent de sagesse le fruit ;
Si, par quelque malchance, un conflit se produit,
Il sera par mes soins réglé dans le quart d’heure.
Les enfants d’Athéna gîtent en mon beffroi,
Nous prévoyons pour eux de nobles destinées ;
Ces beaux oiseaux de nuit ne craignent pas le froid
D’Aspasie nous goûtons le parfum de jasmin,
Elle qui sagement occupe ses journées ;
Je note ses propos sur un blanc parchemin.
Re: Sagesse du pluvian
Cochonfucius a écrit:Nos sujets de débat sont des choses mineures,
Ils sont très peu souvent de sagesse le fruit ;
Si, par quelque malchance, un conflit se produit,
Il sera par mes soins réglé dans le quart d’heure.
J'aime bien cette strophe...
loofrg- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 04/07/2018
Entomothéologie
Dieu se change en insecte et fait le tour du monde,
Lui qui a tout son temps, il marche à petits pas,
Il lance des bons mots, les diables lui répondent ;
Qu’ils soient un peu moqueurs, ça ne le gêne pas.
Il voit autour de lui la vie et le trépas,
Sa vitesse est de moins d’un mètre par seconde ;
Il fait de vieux débris son modeste repas,
Il en trouve à foison sur la terre et sur l’onde.
C’est assez décevant pour ceux qui cherchent Dieu
Dont le trône de gloire est au plus haut des cieux ;
C’est quelque peu frustrant pour tous ces bons apôtres.
Dans un coin de Bretagne, un modeste aumônier
En son coeur a gardé la foi du charbonnier ;
Il sait que Dieu peut prendre une forme, ou une autre.
Monstre au sang vert
Du cosmos il voudrait explorer les mystères,
Je lui dis que sans doute il en serait déçu ;
Il me conseille alors de bien vouloir me taire,
Car d’un sujet pareil je n’ai jamais rien su.
Il peut malaisément passer inaperçu,
Lui qui visiblement est exoplanétaire ;
Cet être, toutefois, se sent chez lui sur Terre,
Dont certains habitants l’ont d’ailleurs bien reçu.
Sur ses faits amoureux je ne veux pas m’étendre,
Je les prise fort peu, tu pouvais t’y attendre ;
Mais je suis indulgent pour ses quelques faux pas.
Je ne l’ai jamais vu séduire une hirondelle,
Aucune n’a pensé qu’il pût être fidèle ;
Que cela leur importe, il ne le comprend pas.
Gravir quelques marches
Je vais jusqu’au grenier sans ménager ma peine,
Sous chacun de mes pas j’entends gémir le bois ;
Ces lieux sont parcourus par un courant d’air froid,
Par-dessus la chemise on supporte une laine.
De vieux bouquins, là haut, plusieurs malles sont pleines,
Rien que de les ranger peut prendre plusieurs mois ;
C’est ce que j’aime faire en grignotant des noix,
Dans un assez grand sac, j’en ai quelque centaines.
Bien des gens avant moi vécurent dans ces lieux,
Des sages qui lisaient ce qu’on trouve de mieux ;
De nobles érudits, des chercheurs de lumière.
On y voyait aussi quelques buveurs de bière ;
Mais ils sont à présent sous une froide pierre,
Ayant remis leur âme entre les mains de Dieu.
Re: Sagesse du pluvian
On s’y croirait… ces marches qui gémissent, ce courant d’air froid ; avec ces deux détails seulement, on imagine le reste.
loofrg- Seigneur de la Métaphysique
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Date d'inscription : 04/07/2018
Chameau retraité
Je fus dur au labeur, mais c’est chose passée,
Je savoure la fin d’une vie de chameau ;
Fort paresseusement, je joue avec des mots
Qui reflètent parfois l’une ou l’autre pensée.
Mes rencontres d’amour se font plus espacées,
Je m’enflamme un peu moins pour un regard nouveau ;
Je dis des mots gentils à mes anciens rivaux,
Je regarde dormir une muse lassée.
Or, suis-je un peu plus sage, ou suis-je un peu plus fou ?
Ai-je dès à présent la mémoire qui flanche ?
L’âme d’un vieux chameau, c’est une page blanche.
Plus troubles sont mes yeux, plus faibles mes genoux,
En matière d’amour ma flamme est apaisée ;
Mais je mène une vie qui n’est pas malaisée.
Hippocéros de la nécropole
J’aime vagabonder parmi les sépultures,
J’aime parler aux morts en leur froide cité ;
Je n’y vais pourtant pas pour les solliciter,
Car écouter les gens n’est point dans leur nature.
Ils ne peuvent quitter leurs demeures obscures,
Ni de nul agrément ne peuvent profiter ;
Mais pour eux, ce n’est pas une calamité,
Thanatos les sevra de leur soif d’aventure.
La bise se déchaîne, ils restent bien couverts ;
Pour ces calmes gisants, rien ne va de travers,
On n’est pas plus heureux sur la plage de Sète.
Je croise des corbeaux qui partagent mes goûts,
Ainsi que des rongeurs sortant de leurs égouts ;
Nous sommes au charnier trois sortes de poètes.
Oiseau de la grisaille
Cet oiseau gris n’est pas un chercheur de lumière,
Il aime la pénombre, il sort quand il est tard ;
Nous admirons pourtant le bleu de ses paupières,
Cela rend caressants ses paisibles regards.
Il boit de la rosée, il n’aime pas la bière,
Il la trouve vulgaire, il la laisse aux renards ;
Il marivaude un peu, son coeur n’est pas de pierre,
Il récite des vers aux serveuses de bar.
Il se met à chanter quand elles se font tendres,
Revigorant un feu qui couvait sous la cendre ;
Cupidon peut alors le vaincre sans effort.
Voir un pareil oiseau, c’est un très bon présage,
Vieux poète, tu dois lui faire bon visage,
Surtout quand il se tait, car son silence est d’or.
Un pichet d’Alsace
Goûte-moi ce vin blanc, toi dont l’oeil étincelle,
Ton âme et ton palais en seront éblouis ;
Le vigneron pour lui prend des soins inouïs,
Peu s’en faut, pour le coup, que mon corps ne chancelle.
Ton âme peut sentir sa chaleur naturelle,
Ton esprit dans l’affaire est comme évanoui ;
Tu te mets à sourire et tu te réjouis,
Tu comprends que la vie n’est pas toujours cruelle.
Le charmant échanson le sert juste assez frais,
Laisse-le reposer, ne le bois pas d’un trait,
Ferme un instant tes yeux, tes tracas vont s’éteindre.
Aristote l’a dit, je suis ce que je bois,
En rêve j’entendis sa magistrale voix ;
De ses sages couleurs mon coeur voudrait se teindre.
Roi kabbaliste
En sa cellule ténébreuse,
Le vieux roi thaumaturge oeuvrait ;
Traçant des formules ombreuses,
Il encodait de lourds secrets.
Au fond de sa cervelle creuse,
Un univers il découvrait ;
Il produisit des lois nombreuses,
Qu’aux gens d’inframonde il offrait.
Pour une vouivre à l’agonie,
Il fit une cérémonie
Afin de la réconforter.
Un chat noir près de lui ronronne,
Que nul Cupidon n’éperonne ;
Les rats courent en liberté.
Phlogonaute
C’est un dauphin gourmand de flammes et de braises,
Du feu de l’inframonde il aime les couleurs ;
Il avale un tison sans la moindre douleur,
Avec la salamandre il rit dans les fournaises.
Le froid ne peut non plus lui causer un malaise,
Car il sait conserver son interne chaleur ;
Son ventre est un réchaud, sa bouche est un brûleur,
Il fait bouillir la mer, il noircit les falaises.
Neptune le respecte et s’en méfie un peu,
Lui qui n’aime pas trop qu’on joue avec le feu,
Sur la falaise il donne un petit coup d’éponge.
Rouges sont les coraux, car ils sont embrasés,
Un poème l’a dit, qui fut de Francis Ponge ;
Je ne peux imiter son excellent phrasé.
Ambicarnivore
Je suis un prédateur, mais j’aime voir des fleurs,
Je suis un combattant, mais je sais être tendre ;
Or, sur ces qualités, je ne veux pas m’étendre,
Les vivants et les morts connaissent ma valeur.
Calme dans le plaisir comme dans la douleur,
Tu ne m’entendras point en clameurs me répandre ;
Quand un rival me dit d’aller me faire pendre,
Je poursuis l’entretien sans baisser les couleurs.
Je salue poliment mes anciennes maîtresses,
Avec elles j’évoque aussi le bon vieux temps ;
Cela, sans regretter les jours de ma jeunesse.
Tu ne me verras plus rien faire d’important,
Mes jours sont désormais livrés à la paresse ;
Ma tanière est un lieu plutôt réconfortant.
Méditation d’un fruit
Ce noir serpent m’en veut, je le lis dans ses yeux,
Je risque de passer un bien mauvais quart d’heure ;
Je sais bien qu’à l’automne il faut que les fruits meurent,
Mais je regretterai ce jardin merveilleux.
Ici vit une femme à l’image de Dieu,
Elle est assez mignonne et tout juste majeure ;
L’Adversaire va-t-il l’abuser de ses leurres ?
Il n’est point d’animal plus sournois sous les cieux.
Souvent à sa victime il promet des plaisirs,
D’un vin fait de son sang proposant une coupe ;
Toujours il fait appel à de sombres désirs.
Il dissèque sa proie, l’examine à la loupe,
La vainc facilement, car il sait les choisir ;
Des perdants d’inframonde elle rejoint la troupe.
Dynastie oubliée
Que savons-nous de vous, famille décadente ?
Où sont-ils, les galants de la reine Margot ?
Et Pausole, le roi qui n’était pas bigot ?
La cendre ne sait pas où va la flamme ardente.
Les comtesses jolies, qui furent sacripantes,
Ne pourront désormais nourrir de vils ragots;
Le royal trésorier a perdu son magot,
Le bouffon ne dit plus de choses décapantes.
L’alchimiste ne cuit aucune panacée,
Du poète de cour la lyre s’est lassée ;
L’héraldiste n’a plus ni tourteaux, ni besants.
Vers la démocratie notre Histoire débouche,
Ne soyons pas pressés, c’est par petites touches ;
Du passé nous avons des vestiges pesants.
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